Les grands événements de l'histoire contemporaine, joyeux ou dramatiques, se résument parfois à une seule photo. Les deux attentats survenus mardi matin à Bruxelles n'ont pas échappé à cette règle. Un cliché, pris quelques secondes après l'attentat dans l'aéroport de la capitale belge, a fait le tour du monde. On y voit une femme ensanglantée, le regard hagard, assise sur un siège les vêtements déchirés. A ses côtés, une autre blessée, la main en sang au téléphone, sans doute en train de rassurer ses proches.
Ce cliché très dur et chargé émotionnellement s'est retrouvé dans toute la presse ce matin, à la Une de certains quotidiens étrangers comme "USA Today", le "Corriere della Sera" ou "The Guardian". Le premier journal à l'avoir publiée en pages intérieures est "Le Monde", dans son édition datée d'aujourd'hui mais disponible depuis hier après-midi à Paris. La photo, créditée AP, n'a pas été prise par un passager lambda mais une journaliste sur place au moment de l'explosion. Il s'agit de Ketevan Kardava, correspondante à Bruxelles pour la télé publique géorgienne. "J'étais en état de choc. C'était instinctif, explique-t-elle à USA Today qui l'a interrogée. Tout le monde était couvert de sang. Ils avaient tous perdu leurs jambes. Je n'arrêtais pas de regarder pour voir mes jambes. Avec mes mains, je voulais les sentir".
Beaucoup d'internautes ont été choqués par la publication de ce cliché, certains médias comme le journal de 20 Heures de France 2 ont choisi de flouter les visages des deux femmes. Le quotidien belge "Le Soir" l'avait choisie pour la Une de sa première édition numérique, avant de la retirer. "Chers lecteurs, la Une de notre édition spéciale n'avait pas pour but de choquer. Elle a été retirée. Nos excuses", a expliqué le journal sur son compte Twitter. "Que doit-on faire dans cette situation si on est journaliste ? Aider ? Demander au médecin de venir ? Ou prendre une photo ?, s'interroge aujourd'hui Ketevan Kardava. A ce moment précis, je me suis rendu compte que pour montrer au monde ce qui se passait lors de cet instant de terreur, une photo était plus importante".
La journaliste, "seule à être debout" après la double explosion, a dû quitter les lieux très rapidement, par crainte d'une réplique. "Je ne sais pas comment j'ai pris cette photo. En tant que journaliste, c'était instinctif. Je l'ai publiée sur Facebook et j'ai écrit 'Explosion... A l'aide !'", raconte-t-elle. Elle décrit le chaos autour d'elle à cet instant, "les portes et les fenêtres volaient, tout n'était que fumée et poussière, il y avait des dizaines de gens sans jambes, allongés dans des mares de sang". Ces photos ont été la première illustration du drame qui se nouait à l'intérieur de l'aéroport. "C'était mon devoir de prendre ces photos et de montrer au monde ce qui se passait. Je savais que j'étais la seule à être à cet endroit", conclut-elle.