On reproche souvent aux médias français d'inviter toujours les mêmes experts sur un sujet. Une impression que confirme la surprenante tribune écrite dans Der Spiegel par le correspondant allemand du journal à Paris, Ullrich Fichtner. Comme le rapportait Le Figaro hier, le journaliste de l'hebdomadaire germanique est las de jouer "l'Allemand de service" pour de nombreux médias français. Il fait ainsi part de son malaise à devoir sans cesse défendre officiellement le fantasmé "modèle allemand" ou Angela Merkel, une chancelière "pour qui (il) n'a pas voté". "C'est moi qui suis responsable si le chômage baisse sur la rive droite du Rhin tandis qu'il grimpe sur la rive gauche", explique-t-il avec humour.
Dans sa tribune, Ullrich Fichtner confie aussi son angoisse de devoir se faire le porte-parole de son pays natal sur tous les sujets agitant la France. "Tous les quinze jours, je reçois un coup de téléphone d'une charmante interlocutrice de France 24 ou d'une quelconque station de radio qui me demande de venir discuter du système éducatif allemand ou de la place des femmes en Allemagne", raconte-t-il. Avant de confier sans mal son désarroi devant l'ampleur de la tâche. "Je dois m'exprimer sur l'état de l'amitié franco-allemande. Je dois dire si les Allemands -c'est-à-dire moi- veulent toujours de l'euro, quelle est leur position vis-à-vis de la Russie et s'ils font encore confiance aux Américains après le scandale des écoutes", explique-t-il.
A ceux, sans doute nombreux, qui seraient tentés de lui demander pourquoi il continue à accepter les invitations des médias français dans ce cas, le correspondant de Der Spiegel tient à donner un début d'explication. "Nous avons tous un rôle à jouer et je m'acquitte du mien de bonne grâce" avance Ullrich Fichtner. "Je confesse volontiers qu'à jouer les ambassadeurs, je me fais parfois l'effet d'un imposteur et que je ne suis pas toujours sûr de rendre service à mes compatriotes". Et le journaliste allemand de faire finalement valoir : "Mais je me donne du mal. Et puis quoi, je fais tout ça bénévolement".