Le producteur de "Homeland" débriefe la première saison de la série
Publié le 19 octobre 2012 à 11:19
Par Charles Decant
puremedias.com s'est entretenu avec Howard Gordon, le producteur de la série événement "Homeland". Il revient sur le final surprenant de la série, diffusé hier soir sur Canal+, et remet toute la saison en perspective.
Damian Brody et Claire Danes dans "Homeland" saison 1 Damian Brody et Claire Danes dans "Homeland" saison 1
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C'est l'un des plus gros succès de Canal+ en séries américaines. En moyenne, près de 1,4 million de téléspectateurs ont suivi la première saison de "Homeland", dont elle proposera la saison 2 en avril 2013. Développée par Howard Gordon, producteur de "24 Heures Chrono" et Alex Gansa, la série pose de nombreuses questions sur le terrorisme, la protection du peuple américain et offre des personnages complexes. La première saison, qui aurait dû se clôturer par un attentat, prend en réalité une direction inattendue, dont puremedias.com avait pu discuter avec Howard Gordon lors du dernier festival de télévision de Monte-Carlo. L'occasion aussi de mettre en perspective toute cette première saison.

Attention, cet entretien comporte de très nombreux spoilers sur toute la saison 1 de "Homeland"

puremedias.com : La série est adaptée d'un format israëlien, mais l'adaptation est très libre...

Howard Gordon : Oui, c'est vrai. La série israëlienne suivait trois prisonniers de guerre, dont deux qui reviennent, qui sont peut-être désormais des agents doubles et dont la libération a été longuement négociée. C'était un peu plus un drama familial sur le prix de la guerre, centré sur ces personnages, et c'était quelque chose de très spécifique aux Israëliens, à ce qu'ils vivent. C'était un point de départ qui n'aurait pas fonctionné ou pas captivé le public américain, déjà. Et puis le rythme était plus lent. Pour le public américain, il fallait qu'on accélère les choses, que les conséquences soient plus visibles.

"Carrie n'est pas Jack Bauer"

"Mad Men" rencontre un joli succès malgré un rythme très lent...

C'est vrai, mais on avait le sentiment que ça ne marcherait pas ici. En revanche, le personnage du soldat qui revient de la guerre est puissant pour le public américain, parce qu'on s'est lancés dans deux guerres et qu'il n'y a aucun autre personnage comme ça à la télévision américaine. Il y avait un vide, et c'est de là qu'on est parti. C'est ça qui nous a intéressés dans la série israëlienne. Et puis on s'est dit que peut-être que ce type avait été converti. Et qu'est-ce que ça signifie ? Qu'est-ce que ça implique ? Toutes ces questions... Et quand on commence à se poser des bonnes questions, c'est un démarrage très prometteur pour un processus créatif. Et puis on part de ce point de départ et on construit autour. On se demande qui doute de lui. Et si c'était Carrie Matheson, cette agent de la CIA folle que personne n'écoute ? Ce n'est pas Jack Bauer, c'est une fille bipolaire...

Vous saviez dès le pilote que Brody allait survivre ? Et vous saviez déjà où vous alliez pour la suite de la première saison ?

Plus ou moins ! (Rires) On savait que Brody allait survivre, oui, et on savait où on allait mais on n'était pas encore sûr à l'époque du cheminement emprunté pour y arriver. D'un côté, on a envie de dessiner une carte, mais de l'autre on préfère la dessiner au crayon, pas au stylo afin de pouvoir effacer si besoin. C'est ce qui est le plus fun dans le processus créatif. On savait que Brody et Carrie allaient avoir ce moment dans la cabane dans la forêt. Mais à l'origine, on avait prévu que Carrie l'enferme dans une maison protégée et l'interroge. Et finalement, on a proposé quelque chose de beaucoup plus intéressant. Du coup, on se demande souvent si elle fait ce qu'elle fait parce qu'elle l'aime bien, ou parce qu'elle veut connaître la vérité. Et on n'arrivait pas toujours à répondre à cette question, et c'est là que la série devient vraiment intéressante. La réponse, c'est un peu des deux, c'est ça qui crée la tension au sein du personnage.

"On a sans cesse repoussé la dépression de Carrie"

La fin de la première saison crée en quelque sorte une série complètement différente pour la saison 2, avec ce destin peut-être politique de Brody. C'était votre intention ?

Oui, c'est vrai. On savait que ça culminerait dans une fin plus traditionnelle, proche du thriller. Ce qu'on savait, c'est que Carrie allait faire sa dépression, on voulait qu'elle soit vraiment au plus bas à un moment de la saison. On n'a pas arrêté de décaler ce breakdown et on a réalisé qu'il ne pouvait avoir lieu que juste avant l'attentat. C'est à ce moment-là que c'était le plus intéressant, plus personne ne l'écoutait. A posteriori, c'est une évidence mais ça ne nous était pas paru évident au départ.

Un anti-héros, ce n'est plus rare dans les séries mais qu'une femme tienne ce rôle, ça l'est beaucoup plus. Vous avez eu peur de la réaction du public au personnage de Carrie Matheson ?

Oui. D'abord, on n'a pas créé la série pour Showtime mais on a eu la chance d'y atterrir. Créer un personnage féminin aussi risqué que Carrie... Elle est très sexuelle, elle est bipolaire, elle n'est pas aimable et elle est discréditée... Mais ce qui aurait risqué de casser le lien avec le public, c'est si elle avait été mauvaise dans son travail. Ce n'est pas le cas, elle est très bonne. Et sa maladie la met en difficulté vis-à-vis de ses supérieurs. Mais quelqu'un qui est discrédité et qui détient la vérité, ça marche toujours. Et c'est ce qu'on aimait chez elle. Mais oui, on a eu peur. On s'est demandé si on n'était pas en train de perdre notre temps au début. Peut-être que les gens n'avaient plus envie d'entendre parler de terrorisme... Donc on s'est dit qu'on allait faire de bonnes histoires avec des personnages forts et que peut-être, quelques personnes regarderaient. On ne pouvait pas deviner que les gens réagiraient aussi bien !

Comment la relation entre Brody et Carrie va-t-elle évoluer dans la saison 2 ?

Je ne veux pas vous en dire trop... La carrière politique de Brody va décoller et Carrie, elle, ne travaillera plus à la CIA. Elle va être embauchée pour trouver des infos parce qu'il y a une source au Moyen-Orient qui ne voudra parler qu'à elle.

"On a écrit le personnage avec le nom de Claire, c'était notre premier choix"

Claire Danes était-elle votre premier choix pour le rôle de Carrie ?

Oui, absolument. C'est elle qu'on voulait. Et quand on a écrit le personnage, on l'a même appelé Claire. C'était dans le tout premier script. Puis, quand on a eu terminé, on a modifié en Carrie et on lui a envoyé le script. On est fan d'elle depuis le tout début, depuis "Angela, 15 ans". Il y a quelque chose chez Carrie, elle est intelligente, forte et vulnérable à la fois. Tout ce que cette actrice possède naturellement. C'était une évidence. Pour Brody, c'était plus compliqué, c'est un homme brisé qui revient de la guerre. On avait tous une idée différente sur ce à quoi il ressemblait. Damian était sur notre liste et on a vu ce petit film, "Keane". On a su.

Brody est toujours une menace, c'est évident, à la fin de la saison 1. Mais on a aussi le sentiment qu'il se sent piégé par Abu Nazir, maintenant qu'il a réintégré sa famille et sa vie.

Oui, c'est vrai. Et quand il ne se fait pas sauter, il dit que tuer un homme est moins efficace que tuer une idée. Quand on a écrit ça, on s'est demandé s'il le pensait vraiment. Et si Abu Nazir l'avait cru à ce moment-là. On n'était pas tous d'accord donc il y avait clairement beaucoup de questions qui se posaient et auxquelles on devait répondre. On est arrivé à un point où Brody lui-même se pose cette question. Jusqu'où est-il prêt à aller ? Ce qui était très important pour nous, c'est que le personnage soit toujours attaché au fait d'être soldat et de servir son pays. Il est persuadé que ce qu'il va faire, c'est bon pour son pays. Il ne veut pas imposer la charia, mais il veut rendre l'Amérique plus humble, plus tolérante.

Un moment important de la saison est aussi le départ de la femme du personnage de Mandy Patinkin. Pourquoi l'avoir fait partir ?

Ce boulot qu'ils font a un prix. Personne ne peut avoir une vie normale à côté. On ne peut pas être amoureux, avoir des relations humaines normales. On se sent seul, on est assis, seul, dans une pièce où on mange du beurre de cacahuète avec une règle. Ce moment, pour nous, était très tendre. Carrie et Saul sont liés par ça. Et Brody aussi est coincé. Ces gens-là nous protègent et le prix qu'ils paient, c'est la solitude.

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