Les speakerines naissent en même temps que la télévision. La toute première, Suzy Wincker fait son apparition le 8 décembre 1935, la télévision n'est alors qu'expérimentale. Elles sont les premières vraies stars de la télévision française.
Le 25 mai 1949, un mois avant le premier journal télévisé, c'est Jacqueline Joubert qui dit bonjour, pour la première fois, aux téléspectateurs. Pour être tout à fait précis, elles sont deux à se présenter aux téléspectateurs ce jour-là puisqu'Arlette Accart gagne aussi le premier concours de speakerines diffusé en direct sur l'unique chaîne de télévision. Arlette Accart connaîtra une très courte carrière puisqu'elle mettra fin à ses jours en 1957 à l'âge de 30 ans. Triste destin !
Jacqueline Joubert, la première dame de la télévision à m'avoir ouvert ses portes en 1984, devient rapidement une véritable star. Elle fait la une des magazines. Elle devient aussi la femme de Georges de Caunes, journaliste-aventurier qui participe avec Pierre Sabbagh à l'aventure du premier journal télévisé le 29 juin 1949. Jacqueline donne naissance en 1953 au petit Antoine, qui deviendra à son tour en 1978, un animateur de télévision avec l'émission rock "Chorus" diffusée sur Antenne 2 le samedi à 18h.
Comme toutes les speakerines des années 50, Jacqueline Joubert prend des cours de théâtre et de diction. Elle a vocation à devenir comédienne.
Toutes ces jeunes femmes chargées d'accompagner les téléspectateurs dans ces années d'après-guerre parlent un français impeccable. Elles maîtrisent parfaitement les liaisons. Les fautes de français sont plutôt rares à cette époque. Les speakerines ont pour mission d'annoncer les programmes de la première et unique chaîne aux quelques milliers puis centaines de milliers puis quelques millions de téléspectateurs qui les regardent quotidiennement. Elles ont aussi la responsabilité de les faire patienter car les problèmes techniques ne sont pas rares. La technique n'est pas encore tout à fait au point dans ces premières années. Les émissions sont toutes en direct. Et le magnétoscope n'existe pas encore.
Les speakerines sont toujours élégantes, bien coiffées, parfaitement maquillées. Elles interviennent depuis une petite cabine qui se trouve tout près de la régie finale au 15 rue Cognacq-Jay à Paris où se fabriquent les premières émissions. Par la suite, la télévision française va acquérir un immeuble situé au 36 rue des Alouettes, tout près du parc des Buttes-Chaumont. Les grandes émissions de variétés et les dramatiques, ainsi sont nommées les toutes premières fictions, se tourneront dans ces nouveaux studios.
De toutes les speakerines, Jacqueline Joubert est celle qui connaîtra la plus longue carrière à la télévision. Elle devient rapidement une véritable animatrice, tout d'abord aux commandes de "La joie de vivre" d'Henri Spade dès 1952. Elle présente aussi le Concours Eurovision de la Chanson entre 1959 et 1961. Elle décide de mettre fin à sa carrière de speakerine en 1961.
Curieuse de tout, elle se lance dans la production d'émissions. Elle présente et produit un des premiers talk-shows "Rendez-vous avec..." où elle reçoit les vedettes de la chanson mais aussi de jeunes artistes, "Entrez dans la confidence" ou encore "Avec le sourire". Elle choisit ensuite de quitter l'antenne à la fin des années 60 pour diriger des unités de programmes, les variétés mais surtout les programmes jeunesse de la Deux dans les années 70 et 80. C'est ainsi qu'elle découvre la jeune Dorothée qui a déjà fait un peu d'antenne lorsqu'elle lui confie les rênes de "Récré A2" en 1978. Une belle aventure, une belle histoire qui se termine mal car Dorothée décide de rejoindre TF1 en 1987 sans prévenir Jacqueline. Elle le vit très mal et elles ne se reverront plus jamais.
Jacqueline termine sa carrière en 1989, chargée par Eve Ruggieri, directrice des programmes d'Antenne 2, de recruter les dernières speakerines de la télévision. C'est ainsi qu'elle met à l'antenne, Floriane Blitz, qui ne restera que quelques mois à l'antenne, Annie Milon, qui ne restera guère plus longtemps et Olivier Minne, la dernière découverte de Jacqueline. Un garçon talentueux, drôle, moderne et sympathique. Jacqueline fait déjà partie de ma vie, depuis quelques années, à ce moment-là. Elle me demande d'ailleurs de passer un petit casting. Je rencontre aussi Olivier qui devient rapidement un de mes amis.
Je pense souvent à vous très chère Jacqueline.
Quelques mois près Jacqueline Joubert et Arlette Accart, c'est au tour de Catherine Langeais de faire son apparition sur le petit écran. Elle est, sans aucun doute, la speakerine la plus populaire de toute l'histoire de la télévision. Après avoir été la fiancée de François Mitterrand à la fin des années 30 qui lui remettra les insignes de la Légion d'Honneur en 1987, elle rencontre l'un des pères fondateurs de notre télévision, Pierre Sabbagh. Elle est aussi celle qui aura connu la plus longue carrière en tant que speakerine, plus de 25 années au total. Catherine clôturera avec beaucoup d'émotion les émissions de la première chaîne de l'ORTF le dimanche 5 janvier 1975.
Catherine Langeais devient rapidement très appréciée des téléspectateurs. Elle fait régulièrement la une des magazines, Paris-Jour en tête. Elle est la speakerine par excellence, belle, élégante, raffinée, une voix douce et envoûtante. Une voix de radio.
Elle devient d'ailleurs en 1953 la voix de la célèbre "Séquence du spectateur", une émission de 30 minutes diffusée la dimanche à l'heure du déjeuner entre la messe et "Discorama" de Denise Glaser et produite par Claude Mionnet. Je me souviens parfaitement de cette émission qui n'était autre qu'une succession d'extraits de films choisis par les téléspectateurs. Je ne ratais pour rien au monde "La séquence du spectateur" qui deviendra plus tard "La séquence du téléspectateur", non pas pour les extraits de films proposés mais pour entendre la voix de Catherine Langeais qui me bouleversait. L'émission s'arrête en 1989, deux ans après la privatisation de la Une. Catherine s'en va discrètement mais, en réalité, elle a déjà dit au revoir aux téléspectateurs en 1975. Elle a aussi animé des émissions culinaires "Art et magie de la cuisine", les premières émissions de cuisine avec le chef Raymond Oliver et des émissions pour les enfants le jeudi après-midi sur la première chaîne.
Elle souffre d'une sclérose en plaques depuis 1954 mais elle n'en laissera jamais rien paraître et se battra jusqu'au bout, en 1997.
Après Jacqueline Joubert, une autre Jacqueline devient speakerine en 1953, Jacqueline Caurat. Elle rejoint Jacqueline Joubert, Arlette Accart et Catherine Langeais.
Après quelques rôles au cinéma, elle devient un visage familier des téléspectateurs. Très vite, tout comme ses consoeurs, elle a droit à sa propre émission, "Télé-Philatélie" qui deviendra "Philatélie Club". Elle va faire de la philatélie son cheval de bataille. Les téléspectateurs vont se passionner pour ces émissions qu'elle anime avec son mari, le journaliste Jacques Mancier durant une trentaine d'années le samedi matin sur la première chaîne puis sur TF1.
J'ai toujours apprécié la voix gaie et joviale de Jacqueline Caurat. Elle a quitté la télévision en 1983. Elle est aujourd'hui la seule speakerine vivante de cette génération.
Jacqueline Huet arrive en 1958 sur la première chaîne. Marianne Lecène la précède de quelques mois mais on ne se souvient pas très bien d'elle. Elle n'a fait que passer. Jacqueline Huet est bouleversante de beauté. Elle est incontestablement la plus sexy de toutes. Elle a dans le regard une certaine mélancolie qui ne m'a jamais laissé indifférent.
Elle est aussi comédienne, chanteuse et mannequin. Ses yeux vert d'eau sont certainement les plus beaux yeux de la télévision française. Elle épouse le comédien Yves Vincent et devient dans les années 60 la présentatrice du "Monde de l'accordéon", une émission d'une trentaine de minutes diffusée tous les samedis après le journal de 13h de Jean-Claude Bourret et avant "La une est à vous" présentée par Bernard Golay. Elle reçoit toutes les semaines les plus grands accordéonistes, Aimable, André Verchuren, Yvette Horner...
Sa carrière de speakerine s'arrête en 1975. Elle continuera à présenter "Le monde de l'accordéon" jusqu'au début des années 80 mais le succès n'est plus vraiment au rendez-vous pour celle qui aura réussi l'exploit de faire la une du magazine américain "Life".
Pascal Sevran, un des rares à ne pas l'avoir oubliée l'invitera régulièrement dans "La chance aux chansons" en tant que chanteuse. Elle est d'ailleurs une amie proche de Mouloudji qui écrira pour elle. Michel Drucker aussi l'invite à chanter le samedi soir dans "Champs-Elysées" sur Antenne 2. Mais Jacqueline, ne supportant pas sa mise à l'écart et sa solitude, mettra fin à ses jours le 8 octobre 1986, après 30 ans de carrière. Ce soir-là, tout le monde l'attend au "Cotton Club", le nouveau restaurant parisien d'Evelyne Leclercq. Le Tout-Paris est de la fête.
Elle écrira ces quelques mots avant de se suicider "Les vedettes du show-biz délaissées sont comme des canards sans tête qui continuent à marcher". Sans commentaire.
Merci à vous mesdames pour tout le bonheur apporté à nous téléspectateurs.
La semaine prochaine, les speakerines, premières stars de la télévision : les speakerines des années 60 (2/4).