Les youtubeurs s'emparent de TMC. Ce soir, la Dix proposera à 21h15 un prime baptisé "Lolywood Night", emmené par les humoristes Ugo, Manu et Choopa, et produit par Des Mecs Sérieux. Ce divertissement humoristique comptera de nombreux guests issus de la télévision, du cinéma et du web, tels que Pascal Légitimus, Elie Semoun, Fred Testot, Caroline Anglade, Valérie Damidot, Lola Dubini, Pierre Croce, Audrey Pirault ou encore Benjamin Verrecchia.
Cette soirée s'articulera autour d'une histoire fil rouge, rythmée par des sketchs, dans laquelle le trio de comiques, Lolywood, apprend que Scarlett Johansson est de passage à Paris. Ils se mettent alors en tête de convaincre la comédienne américaine de tourner une vidéo avec eux. Débutera alors, dans un hôtel de luxe parisien, une soirée loufoque semée d'obstacles et de rencontres improbables qui pourraient même menacer l'avenir du collectif de vidéastes. A l'occasion de la diffusion de ce premier prime du Lolywood, puremedias.com a pu s'entretenir avec le trio de youtubeurs, Ugo, Manu et Choopa.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : Quelle est la genèse de ce prime time ?
Manu : Ça fait plusieurs années que nous avons ce projet de faire une soirée. En fin de saison dernière, nous pensions que c'était peut-être la bonne année. Je pense que nous avions besoin d'avoir un projet différent et événementiel. La chaîne était du même avis que nous pour réaliser une soirée dans le même style que celles faites jadis par les Inconnus et plus récemment par le Palmashow. Nous nous sommes alors lancés là-dedans.
Ugo : Nos sketchs sont financés par la télévision. S'il n'y avait pas de diffusion à la télé, ce serait très difficile de trouver les moyens pour les faire. Nous avons depuis cinq ans une diffusion quotidienne sur TFX. Pour la première fois, nous nous sommes dit que ce serait un bon challenge de créer l'événement. Et ce qui est marrant, c'est que pour la première fois, on sera mesuré dans ce jeu des audiences. Même si nous savons qu'il y a une grande part d'aléas... et de chatte ! (rires) On sort de notre zone de confort. Par contre, dans notre process d'écriture, TF1 ne regarde pas nos sketchs et n'intervient pas. On a une liberté à 99,99%.
Choopa : Je trouve que ce que vous avez dit était purement exhaustif. (rires) Ça fait cinq ans que nous avons commencé sur Lolywood, mais nous avions débuté bien avant, en 2011. Là, enfin, nous arrivons à la marche suivante. Je trouve notre parcours assez logique. Nous sommes très contents d'avoir cette soirée sur TMC. C'est un bel aboutissement.
Manu : Puis, avec TMC, on a eu un peu plus de moyens. On a pu réaliser quelque chose d'un peu plus ambitieux.
"Pour un second prime, nous espérons avoir un peu plus de budget."
Ce projet était-il votre idée à l'origine ?
Ugo : Oui ! Mais nous sentions qu'ils attendaient que nous le leur proposions.
Manu : C'était notre idée et, à la fois, leur envie de faire évoluer la formule. C'était le bon moment pour eux et pour nous.
Ugo : Ça a été notre première satisfaction. Surtout qu'à l'origine, ce prime était censé être diffusé sur TFX. Il devait être à l'antenne fin avril début mai, mais il y a eu le COVID... A cause de la crise sanitaire, le groupe TF1 a revu ses plans. Quand nous leur avons envoyé 20 minutes du programme, ils nous ont répondu : "On trouve ça assez quali pour le mettre sur TMC". TMC est quand même un peu plus premium que TFX. Nous avons aussi eu une satisfaction de voir qu'aux yeux de TF1 nous étions "validé"s, comme dirait monsieur Gastambide. (rires) Peut-être que le petit bémol est que nous avons tourné un projet pour TMC avec un budget TFX. Nous avons fait du mieux que nous pouvions et nous trouvons le prime très quali. Mais pour un second prime, si nous restons sur TMC, nous espérons avoir un peu plus de budget pour faire des trucs un peu plus oufs !
Manu : Voilà ! C'est une demande non-officielle ! (sourire)
Pourquoi avoir fait le choix d'un fil rouge dans ce prime ?
Choopa : Ça fait partie du challenge de cette année. Habituellement, nous faisons tout le temps des sketchs indépendants. Pour attirer une audience sur une soirée complète, il nous fallait ce que nous appelons un liant (scène entre chaque sketch, ndlr). C'était un exercice différent. D'habitude, nous avons des personnages pendant quatre minutes. Là, nous avons chacun eu un personnage à tenir sur une durée de vingt minutes. C'était une sorte de court-métrage. Au-delà du fait que nous avons travaillé à plusieurs et que nous nous sommes marrés à jouer des personnages différents, nous avons trouvé un vrai plaisir à écrire une histoire avec des personnages qui évoluent sur vingt minutes. Ça nous a également permis d'avoir des guests super sympas pour jouer des petits rôles dans cet hôtel où on cherche Scarlett Johansson - c'est ça l'intrigue !. C'était un bon moyen pour proposer à des gens comme Pascal Legitimus ou Elie Semoun de participer au projet.
Ugo : Finalement, ce prime est considéré comme une oeuvre de fiction. C'est un unitaire de 1h20. Il y a une histoire. Pour beaucoup de nos proches, un prime à la télévision, c'est du direct, comme Patrick Sébastien ou "Sacrée soirée" - je parle aux plus vieux. Nous, nous ne sommes pas animateurs, mais comédiens.
Choopa : Puis, nous voulions nous différencier de ce qui a déjà été fait. Souvent, les soirées d'humour, c'est énormément de sketchs et un peu de liant. Nous, nous voulions accorder une grande place au liant. Puis, nous avons souhaité mettre de la cohérence entre l'histoire fil rouge et chacun des sketchs. Nous avions en tout cas cette ambition-là. Il faut que les téléspectateurs se disent : "On n'a pas déjà vu ce programme quinze fois".
Ugo : Il y a un élément qui se retrouve dans tous les liants et qui est tout l'intérêt de ce prime à la télé, c'est que chaque liant a un guest. C'est la grosse valeur ajoutée. Puis, surtout, ces scènes ne seront pas mises en ligne sur notre chaîne Youtube. Il faudra regarder TMC pour voir ces liants.
"Le Palmashow sont un peu nos grands frères dans le milieu."
Qu'allez-vous mettre sur votre chaîne Youtube après ce prime time ?
Manu : Nous allons mettre les 15 gros sketchs du prime time. Ce que nous appelons les liants seront en replay sur MyTF1, mais ils ne seront pas diffusés sur notre chaîne Youtube. C'était volontaire pour créer un événement à la télévision.
Ugo : Et ce n'est pas une demande de la chaîne, hein ! Pas du tout ! On aurait droit de les mettre. Simplement, un sketch, il a un début et une fin. Un liant, il a un début qu'on ne connaît pas et une fin qu'on ne va pas connaître.
Manu : Ce serait hyper bizarre de les mettre tous à la suite. Ça n'aurait pas de sens. Ça a un sens dans le cadre de l'émission globale. C'était la volonté de créer un produit qui se consomme sur une soirée.
Ugo : Puis, quand les gens vont allumer la télé, ils auront envie de rester jusqu'à la fin pour savoir s'ils ont réussi à atteindre Scarlett Johansson et si oui, est-ce qu'ils ont réussi à la convaincre de rejoindre Lolywood ? La réponse ? A la fin du prime !
Craignez-vous d'être comparés au Palmashow ?
Choopa : Non, pas du tout, parce qu'on assume...
Ugo : Le plagiat ! (rires)
Choopa : Nous sommes sur le même créneau. Comme eux, nous sommes une bande de copains qui fait des sketchs en famille. Ce sont des gens que nous aimons beaucoup. C'est un peu une voie à suivre. Donc, non. Ce sont un peu nos grands frères dans le milieu dans la mesure où ils ont fait des sketchs à la télé et sur Youtube avant nous. On est dans leur sillage avec un style différent.
Manu : Si à la fin du prime nous sommes comparés au Palmashow, ce sera une réelle fierté. Ce sont des mecs qui ont toujours été qualitativement extrêmement forts. C'est pour ça qu'ils ont du succès et qu'ils ont été sur TF1. Ce que peu de gens auraient d'ailleurs prédit. Si nous arrivons à avoir le même succès, nous signons tout de suite. Ensuite, je pense qu'en termes de sketch, nous sommes différents. Dans les sketchs que nous avons sortis, les gens ne nous disent pas : "C'est comme le Palmashow".
Ugo : Puis, que ce soit avec le Palmashow, le Golden Moustache ou Studio Bagel, ça nous est déjà arrivé de nous rendre compte que d'autres humoristes avaient déjà imaginé des sketchs similaires. Donc, nous nous interrogeons sur l'écriture : Est-ce que nous changeons tout ? Est-ce que nous essayons de changer un peu ?
Choopa : Et l'inverse existe aussi. Nous avons vu des gens qui ont fait des choses très proches de ce que nous avons sorti auparavant.
Manu : Je pense que ce n'est même pas de leur faute. Ils n'avaient pas vu.
Ugo : Faut être con pour faire un sketch délibérément inspiré d'un autre. Surtout que les gens qui regardent le Palmashow regardent Lolywood.
"Nous nous rendons compte que nous n'avons pas toujours été irréprochables."
Comment se déroule le processus d'écriture de vos sketchs ?
Manu : Déjà, on n'est pas que trois, on est cinq ! Il y a deux autres auteurs qui travaillent avec nous depuis le début de Lolywood, Arnaud et Raphaël. D'autant plus qu'ils ont été encore plus impliqués que nous dans l'écriture du prime. Au-delà des sketchs, c'est eux qui avaient le lead sur la partie "liant". Donc, comment ça s'est passé ? Comme d'habitude, quand on écrit des sketchs. Nous arrivons chacun avec 5 à 10 idées de pitch. Nous partageons tout et nous faisons une liste de 25 idées. Dedans, nous allons en sélectionner 10 et nous allons faire un vote.
Ugo : Et souvent nos meilleurs sketchs, ce sont des mélanges de plusieurs idées qui se confrontent. Nous avions un délire avec Choopa pendant des années. Il faisait des blagues au second degré, mais nous ne savions pas trop ce qu'il pensait vraiment. Par exemple, nous faisons cet entretien avec vous. C'est cool. Vous allez partir et il va dire : "Putain, il est con ce gars". On va se marrer, mais on ne sait pas s'il le pense vraiment. (rires) Il a toujours fait ça. Nous rigolons là-dessus. Maintenant, c'est devenu un sketch du prime.
Choopa : Je rajouterais un dernier truc. C'est l'impact de notre réalisateur, Mathieu. C'est le premier et le dernier lecteur de nos sketchs avant qu'ils partent en tournage. Il apporte toujours une autre couche. Nous partons du principe que si ce que nous avons écrit nous fait rire tous les cinq, plus notre réalisateur, c'est qu'il y a beaucoup de chance que ça puisse marcher.
Aujourd'hui, des sketchs des Nuls ou des Inconnus ne pourraient plus être diffusés à la télévision car certains choqueraient trop. Avez-vous cette réflexion dans l'écriture de vos sketchs ?
Manu : Vous parlez de sketchs qui ont 20 ans. Mais si vous regardez des sketchs au début de Lolywood, il y en a déjà que nous ne passerions plus. C'est la même chose pour le Palmashow. L'humour évolue avec la société. Après, je ne peux pas dire si c'est bien ou non. C'est une question trop compliquée. Aujourd'hui, nous essayons de faire attention. Nous nous rendons compte que nous n'avons pas toujours été irréprochables. Nous avons d'ailleurs eu des remarques. Je pense que c'était justifié. C'était notamment sur la place de la femme. Nos sketchs mettaient toujours des femmes dans des rôles secondaires où elles subissaient l'action. Après, nous ne pourrons pas tout changer. Nous sommes cinq auteurs. Nous sommes des mecs. Nous sommes clairement une chaîne de mecs. Il faut l'assumer. En même temps, nous pouvons faire attention à ça. Nous avons eu à coeur de montrer que nous étions conscients de ça. Dans le prime, on a un sketch qui s'appelle "Dans tes rêves : Être une femme". Nous l'avons co-écrit avec Laura Domenge.
Ugo : Laura a même pris le lead dans l'écriture de ce sketch. Nous le lui avons confié car nous avons jugé ça pertinent.
Manu : Nous lui avons laissé beaucoup de libertés pour qu'elle puisse explorer ce format dans un sujet qui était la réalité d'être une femme en France en 2020. Nous trouvions ce sujet intéressant. Après, il ne faut pas que ces thématiques viennent déformer notre écriture. Nous avons essayé de garder ce qui a fait notre succès, tout en essayant de faire évoluer notre écriture avec la société.
Choopa : Nous sommes bien obligés. Notre inspiration est le quotidien de mecs de 30 ans à Paris, mais c'est aussi l'actualité. L'actualité, elle évolue. Nous essayons de demander l'avis des gens avec qui nous travaillons. Dans les sketchs avec des rôles féminins, nous demandons toujours l'avis aux comédiennes.
Manu : Nous ne le faisions pas il y a cinq ans. Quand ça nous faisait marrer, nous disions : "C'est drôle, c'est bon". Nous sommes moins là-dedans désormais. Pas à se censurer nous-mêmes, mais plutôt à être conscient de notre propre faiblesse. Nous ne représentons pas forcément tout le monde. Nous sommes des mecs blancs, parisiens, d'une trentaine d'années.
"Youtube, c'est le UberEats de la vidéo. Il y a tellement de choix qu'on prend une heure à choisir."
Que pensez-vous de la stratégie de TF1 de miser autant sur des youtubeurs ?
Choopa : Pour nous, c'est vachement bien ! (rires)
Ugo : Ils nous foutent de la thune. Nous, nous sommes contents ! (rires) C'est un pari en fait. Qu'il soit gagnant ou perdant, nous ne pourrons pas leur reprocher d'avoir osé et d'avoir fait bouger des choses dans un univers, la télévision, où les gens prennent de moins en moins de risque. Les personnes en place dans les chaînes ont peur de se faire virer d'un claquement de doigts. Ça a toujours été comme ça et ça l'est de plus en plus. Donc, il y a une prise de risque de la part de TF1. En plus, il y a une stratégie avec plusieurs vidéastes. Il y a nous. Il y a McFly et Carlito et Le monde à l'envers.
Choopa : Avant nous, il y a eu Le Palmashow. Ils ont été les précurseurs.
Ugo : De plus en plus, on a l'impression de faire le lien entre Youtube et la télévision. Le Palmashow l'a fait. Pourtant, nous avons encore des gens qui nous disent : "Bande de vendus, vous allez à la télévision !". On leur répond : "Bouffons ! Depuis notre premier sketch, on est à la télé". Ça nous fait de la peine quand nous entendons les jeunes insulter la télévision. Parfois, ils ont raison parce qu'il y a eu des émissions où des cons parlent mal de Youtube. Je pense surtout qu'il y a un problème de communication. Tous les trois, nous avons grandi avec la télévision. C'est la télévision qui nous a donné envie de faire ce métier. La télévision, nous la respectons, nous l'aimons et nous espérons qu'elle restera encore plus longtemps. Il y a un côté apathique devant la télévision qui est génial et qu'on n'a pas sur Youtube. Youtube, c'est le UberEats de la vidéo. Il y a tellement de choix qu'on prend une heure à choisir. Alors que la téloche, on met une chaîne et on reste lobotomisé. Le lendemain, on dit : "C'était de la merde, j'ai vu une heure et demi de gars qui suivent des policiers". Mais à la fin, on est resté une heure et demi. Pourquoi ? Parce que ça fait du bien de déconnecter le cerveau. Donc, savoir qu'il existe des gens qui tentent de faire connecter ces deux mondes, Youtube et la télé, c'est super.
Manu : D'ailleurs, pour le moment, ça marche pas trop mal pour eux. TF1 n'a pas encore eu de gros échecs d'audience avec cette stratégie. Alors, je touche du bois pour nous, hein ! Je ne devrais pas dire ça. (rires) Nous espérons faire de belles audiences comme celles du Palmashow et de McFly et Carlito, et que ça donne raison à TF1 d'être ambitieux. Tout le monde a dû leur dire au départ que les youtubeurs à la télé allaient se planter. Pour l'instant, ils ont prouvé qu'il pouvait y avoir une passerelle.
Ugo : Puis, attends ! Aujourd'hui, on mesure la qualité des programmes avec les audiences. On peut parler de Seb, qui a eu un prime sur TFX en décembre 2019. Il avait réalisé un doc en Papouasie. Alors, oui, ses audiences n'ont pas été au rendez-vous. Mais ses chiffres en replay et sur Youtube ont fortement évolué sur un mois. Ensuite, il y a ce que ça apporte qualitativement. Un youtubeur qui s'envole en Papouasie, c'est un pari de fou. Bien sûr, nous serons jugés par les audiences car c'est le jeu de la télévision. Après, il y a ce que ça apporte en image.
Ils donnent surtout des moyens que vous n'avez pas forcément en étant uniquement sur Youtube...
Ugo : Oui ! Et ils donnent la chance au téléspectateur de se reconnecter en famille devant la télévision. Aujourd'hui, il y a un décalage dans les foyers. Les parents regardent la télévision sans leurs enfants. Les gamins regardent Youtube, sans leurs parents. Nous, nous avons créé un programme familial. Pas de censure pour autant. Nous faisons un peu preuve de déontologie. Nous avons juste enlevé quelques "culs". (rires)
Choopa : C'est un truc qui nous arrive assez régulièrement. Nous étions en vacances ensemble cet été. C'est souvent des parents qui viennent nous voir : "Est-ce que vous pouvez prendre une photo avec mon enfant ? Il est fan de vous. Moi, je ne vous connais pas. Je ne sais pas ce que vous faites". Après le selfie, nous leur avons dit : "Regardez en septembre notre soirée sur TMC ensemble, c'est l'occasion".
Manu : Et cette petite famille, on l'a recroisée le soir ! La mère est revenue vers nous : "J'ai regardé ! C'est vachement bien ce que vous faites !". Ils avaient regardé entre temps ! Nous étions trop contents.
Ugo : Pour terminer sur la stratégie de TF1, c'est quand même super d'essayer de ressouder les familles devant la télévision, que ce soit avec McFly et Carlito, Le monde à l'envers ou nous. McFly et Carlito, les mecs ont une puissance hors norme. Ça parle à tout le monde. C'est du divertissement. C'est une super stratégie ! Bon, je n'ai pas d'actions chez TF1, hein ! (rires)
Choopa : Dans l'écriture du prime, nous avons d'ailleurs essayé de varier les sujets pour qu'ils s'adressent à la fois aux jeunes et aux moins jeunes. Nous avons un sketch qui parle de la concurrence de likes sur Instagram entre copains. C'est un sujet pour les ados. Et à l'inverse, on va parler écologie et politique dans d'autres sketchs, pour toucher des personnes différentes.
"Le nombre de vues et de likes, c'est un peu comme une drogue."
Vous considérez-vous plus comme humoristes ou youtubeurs ?
Manu : Nous, nous assumons les deux. Nous n'en avons pas honte. Nous venons de Youtube. Le problème du mot "youtubeur" est qu'il englobe tellement de choses qu'il ne veut plus rien dire. C'est comme si on nous disait : "Vous travaillez à la télévision". C'est aussi large que ça.
Ugo : A partir du moment où nos sketchs sont diffusés sur Youtube, oui, nous sommes des youtubeurs.
Manu : Quand on parle de youtubeurs, c'est souvent basé sur la personnalité du youtubeur. Parfois, les youtubeurs sont aussi des influenceurs. Nous, nous ne sommes pas là-dedans. Ce n'est pas que nous ne le sommes pas ! Mais ce n'est pas la partie principale de ce que nous faisons. Nous sommes assez peu présents sur les réseaux sociaux, avec nos comptes personnels. Nous le sommes assez avec Lolywood. Et Lolywood, c'est une équipe, ce n'est pas uniquement nous trois. Nous n'aimons pas nous mettre en avant. Nous ne mettons pas en avant notre vie privée, voire même, nous la cachons.
Ugo : La différence entre un youtubeur et un humoriste sur Youtube, c'est que si nous étions purement youtubeurs, dans la rue, un fan dirait : "Oh Manu, je peux prendre une photo ! Oh Choopa ! Oh Ugo !". Ce qui nous arrive, ce n'est pas ça. C'est : "Ah, c'est Manu de Lolywood !".
Manu : Ou pire ! "Vous êtes les gars de Lolywood !".
Ugo : Moi, sur Twitter, les gens m'envoient des messages en me trouvant des sosies : "C'est pas le mec de Lolywood ?", "Merde, le pelo de Lolywood vient de signer à l'Atalanta Bergame". Il y a des mecs qui m'ont même confondu avec Darmanin... Si j'étais vraiment youtubeur, on me dirait : "C'est le sosie d'Ugo". Tant que nous serons "les gars de Lolywood", nous serons des humoristes sur Youtube.
Choopa : Pour résumer, nous sommes youtubeurs parce que Youtube est l'une de nos plateformes de diffusion. Et nous sommes humoristes parce que c'est notre métier.
Avez-vous une addiction aux chiffres: likes, commentaires, nombre de vues ?
Choopa : On est passé par là au début.
Manu : Les chiffres, c'est un peu comme une drogue.
Ugo : Au début, on appelait même ça, "Le Game".
Manu : Oui, c'est ça. "Le Game", c'est quelque chose de très asservissant. Il faut y faire attention parce qu'au bout d'un moment, tu es toujours en train de regarder ça. C'est très bien quand ça monte. T'es très heureux. Tu as de la dopamine. Le jour où ça baisse, sans que tu aies d'explications, parce que tu n'as pas changé ton contenu, tu es très triste. Tu te rends compte que ça n'a aucun sens, car ce n'est pas lié à la quantité et la qualité de ton travail. C'est lié à des éléments indépendants. En trois ans, nous avons essayé de nous blinder par rapport à ça. De fait, c'est peut-être pour ça que nous ne sommes pas trop actifs sur les réseaux sociaux. Je me suis rendu compte que ça ne m'apportait pas de bonheur. Pourtant, je connais très bien les chiffres de notre chaîne Youtube. Mais je les regarde plus comme un amateur de stats de foot. Ça n'a plus d'impact émotionnel. Parfois, on rencontre des gens dont ce n'est pas du tout le métier : "Ouais, regarde, j'ai fait 180 likes sur ma photo Insta". Moi, ça me choque beaucoup.
Choopa : Beaucoup d'humoristes écrivent dans leur biographie Instagram le nombre de followers qu'ils ont sur leurs réseaux sociaux. C'est devenu une sorte de reconnaissance sociale. Il est là le piège !
Ugo : C'est plus facile pour nous de nous détacher de ça. Nous sommes tous les trois très soudés. Nous sommes amis depuis 15 ans. Il n'y a pas d'histoires de comparaison entre nous. Ensuite, nous avons tous les trois un environnement privé exceptionnel : nos compagnes, notre famille, une bande de potes depuis la fac qu'on n'a jamais quittée. Tu peux vite tomber dans la drogue des chiffres quand tu es un peu esseulé et un peu plus jeune.
Manu : Un point important. Il y a une génération sur Youtube de jeunes qui n'ont jamais travaillé avant de se mettre sur la plateforme. Alors que nous, on a taffé plusieurs années avant de se lancer. On a connu autre chose. Autour de nous, on côtoie des journalistes, des gens de la communication, de la finance, etc. Nous ne sommes pas rattachés qu'au monde de Youtube dans notre vie personnelle.
"Nous aimerions tourner un film au cinéma, sur Netflix ou sur Amazon."
Est-ce que vous vous reconnaissez encore aujourd'hui dans la plateforme Youtube ?
Manu : Oui et non. Tous les ans, nous nous posons cette question. Je dirais que oui. Moi, je me reconnais dans cette plateforme. Il y a toujours des contenus que je regarde. Il y en a aussi beaucoup que je ne regarde pas. Je ne comprends pas certaines nouvelles choses. Mais je pense que c'est aussi lié à l'âge. Quand est arrivé l'ASMR, je n'avais rien compris. Puis, je me suis retrouvé à regarder une chaîne japonaise qui faisait des recettes en ASMR, je me suis dit : "C'est fascinant !".
Ugo : Aujourd'hui, nous avons un détachement. Quand tu es jeune parent et que tu te rends compte qu'il y a un décalage avec tes enfants, tu "bades". Parce que tu te croyais encore jeune. Quand tu deviens grand-père, c'est acquis, tu en rigoles et c'est plaisant. Tu te dis : "Vas-y je regarde". Tu es plus curieux et moins dans le jugement, parce que tu sais que tu ne vas pas comprendre. Ensuite, il y a le fait que nous faisons de la fiction. Il y a beaucoup moins de fictions sur Youtube parce que ça coûte du pognon. Aujourd'hui, sur Youtube, c'est beaucoup de concept de vidéos où on filme tout en quasi live.
Manu : C'est ce qu'appelle "Le joueur du grenier", le "Feat & Fun" (concept d'inviter des guests et de rire autour d'un jeu, ndlr), qui a été repris par tout le monde.
Ugo : C'est une forme de télé-réalité où certains créateurs partagent une grande partie de leur intimité.
Mais vous, vous en avez déjà fait du "Feat & Fun"...
Manu : Oui, nous en avons fait, parce que nous en avions envie et que nous sentions qu'il y avait une opportunité.
Ugo : Nous l'avons fait une fois parce que nous sortions d'une saison avec énormément de sketchs. Nous avions tellement tourné. Nous nous étions un peu déconnectés de nos abonnés. Ça nous manquait de faire des lives, de faire des conneries. Être un peu plus nous-mêmes que des comédiens. Nous avons invité des potes et nous avons joué à des jeux parce que nous en avions vraiment senti le besoin. Maintenant, est-ce que c'est là où nous sommes les meilleurs ? Je ne pense pas.
Manu : Nous ne nous interdisons pas de le refaire. Simplement, nous en ferons beaucoup moins cette saison. Par contre, nous réfléchissions à un troisième numéro de notre concept "Paris Express", pour les gens qui suivent bien notre chaîne. L'envie est toujours là. Mais ce n'est pas le concept où nous sommes le plus fort. Les meilleurs, ce sont McFly et Carlito. Ou même Pierre Croce et Benjamin Verrecchia. Ce sont les plus forts là-dedans.
La prochaine étape, c'est le cinéma ?
Choopa : Si le cinéma existe toujours ! (rires)
Manu : C'est vrai que le cinéma est un peu en difficulté en ce moment. Mais bien sûr qu'on aimerait tourner un film. Ce pourrait être le cinéma, mais également un unitaire sur Netflix ou Amazon. Ça fait partie des choses qu'on aimerait bien faire. Nous rêvons aussi d'écrire une série. Ce sont les deux étapes que nous visons dans les prochaines années.
Choopa : Nous avons commencé à faire ce métier ensemble, à grandir ensemble, à monter ensemble et à travailler sur des petits formats ensemble. Nous aimerions continuer ensemble. Le prime, c'est une nouvelle étape pour nous. La prochaine est de continuer à progresser ensemble sur du format plus long.
Ugo : Nous savons qu'il ne faut pas que nous nous brûlions les ailes non plus. De toute façon, nous avons le temps. Il ne faut pas le faire dans la précipitation. Il faut être mûr. De plus en plus, nous nous rapprochons de cette maturité.