My Little Princess : Sa mère la p...
Publié le 1 juillet 2011 à 16:41
Par puremedias
Habillée comme Lady Gaga, Isabelle Huppert étincelle en pornographe perverse. "My Little Princess" est bien plus qu’un pédofilm, c’est une œuvre d’une beauté rare, troublante et vénéneuse.
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Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi Taylor Momsen (Gossip Girl, Paranoid Park), du haut de ses 17 ans, passait ses journées habillée comme une prostituée ? Après avoir vu My Little Princess, on est en droit de penser que sa mère est peut-être photographe. Eva Ionesco y raconte en effet le v(i)ol de sa jeunesse : sa mère Irina, photographe à l’érotisme morbide, l’habillait comme une poupée fardée pour mieux lui tirer le portrait. Un film thérapeutique, donc, mais la réalisatrice fait bien plus que s’épancher et se venger dans cette autofiction ambitieuse et singulière. Elle crie, certes, mais elle crée.



Le talent consiste à transformer l’intimité en universalité : se détacher de la réalité pour mieux l’embrasser. Eva Ionesco, en réécrivant son histoire personnelle en conte de fée débauché, y est arrivé. Recréée, son enfance est un cirque grotesque à la sensualité débridée. Eva, princesse molestée par une mère névrosée, s’appelle Violetta : un nom qui cache un crime et une fleur odorante. Le film entier est d’ailleurs marqué du sceau de la dualité : celle de la mère et de la fille mais aussi de l’amour et de la haine, ambivalence à laquelle le psychanalyste Lacan a donné le nom d’hainamoration.

L’ambigüité du film en fait une fresque tragi-comique et les virulents échanges entre Violetta et sa mère au bord de la crise de nerfs sont parfois particulièrement drôles. Car la préadolescente vit mal de n’être qu’une simple proie aux yeux de son serpent de mère. Dans l'atelier surchargé aux airs de cabinet de curiosités, l’enfant n’est qu’un objet articulé et les insultes fusent. On se croirait presque chez les Bettencourt… Cette chambre noire, où naissent les clichés de la jeune fille à l’innocence volée, est un drôle de bordel, dans tous les sens du terme.



Isabelle Huppert, habituée aux rôles de timbrées, campe parfaitement la mère qui ne sait pas aimer. Sa garde-robe vaut, elle aussi, le coup d’œil : le film se passe dans les années 70 et on la croirait habillée en Marc Jacobs printemps/été 2011. Et comment ne pas penser à Lady Gaga lorsque l’excentrique Irina se présente à l’école de sa fille en longue robe noire d’où pendent de nombreuses chaines ? Mais la mère n’est pas la seule à être gaga : Violetta côtoie elle aussi la folie et Anamaria Vartolomei, qui l’incarne, est une révélation.

A cet étonnant casting s’ajoute un véritable souci du détail qui donne au film toute sa richesse. L’atmosphère est klimtienne jusqu’aux coussins mordorés – Zara Home, non ? – et l’ombre du surréaliste Hans Bellmer ne cesse de planer. Les amateurs de poupées ne manqueront pas d’apprécier. On sent à chaque seconde que l’œuvre transcende la confession intime et rien ne semble être laissé au hasard. Lorsque Violetta découvre, furieuse et honteuse, devant un kiosque à journaux, qu’elle fait la une d’un magazine, elle déchire l’affiche publicitaire. Celle-ci se trouve à côté d’un autre poster que l’on aperçoit furtivement : celui du cirque Pinder, comme si la réalisatrice voulait mettre l’accent sur la dimension circassienne de la relation mère-fille. Un autre exemple : Violetta porte un T-shirt du groupe protopunk The New York Dolls, symbole de sa rébellion mais également de sa réification.

My Little Princess brille par sa minutie et s’offre au spectateur comme une réflexion inspirée sur la cul-pabilité. Peut-on un jour pardonner nos parents de nous avoir mal aimés ? Ce n’est pas un hasard si la poésie que Violetta récite en classe est "La Conscience" de Victor Hugo, mettant en scène le meurtre d’Abel par son frère Caïn. Une récitation par cœur pour une fille qui n’en a plus : une des nombreuses fulgurances de cette mise à nu implacable qu’est My Little Princess. « L’Homme est une ordure. Il s’habitue à tout » écrivait Dostoïevski. A tout, sauf à sa mère.

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