L'étoile montante de la chaîne L'Equipe. Dans quelques jours, la Coupe du monde de football donnera son coup d'envoi au Qatar. A cette occasion, puremedias.com propose tout au long de la semaine une série d'entretiens, baptisée "La sélection de Puremédias". Plusieurs anciens joueurs de football ont accepté de se plier à l'exercice de l'interview afin d'évoquer le rendez-vous sportif, mais également donner leur vision du métier de consultant sportif.
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Présent sur la chaîne L'Equipe depuis 2019, Pierre Bouby a pris ses marques dans "L'Equipe de Greg" et sera présent tout au long de la compétition à l'antenne du Canal 21 pour décrypter les rencontres de la Coupe du monde. Avant d'endosser le costume de consultant, il a joué 15 ans en France dans divers clubs, dont une décennie en Ligue 2. Ancien salarié de la ville de Moulins, dans l'Allier, il a fait ses armes dans le club de la commune, avant de se distinguer à Evian Thonon Gaillard, puis au FC Metz, au Nîmes Olympiques, à l'AJ Auxerre et à l'US Orléans où il a terminé sa carrière. L'ex-milieu relayeur blond peroxydé, désormais forte tête de la bande de Greg Ascher, s'est entretenu auprès de puremedias.com.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : Quel est votre meilleur souvenir d'une Coupe du monde de football devant la télévision ?
Pierre Bouby : Je vais peut-être surprendre... Moi, j'ai été bercé par la Coupe du monde de 1994, aux Etats-Unis. Je ne sais pas si c'est générationnel. J'ai été marqué par le but de Gheorghe Hagi, le Roumain, face à la Colombie. Il est sur le côté et il met une frappe opposée dans la lucarne. J'ai été scotché pendant un moment. Je l'ai ensuite revu des milliards de fois. C'est ce qui m'a procuré le plus d'émotion. C'est paradoxal, car ce n'est pas la victoire de la France en 1998. Ca a été moins fort qu'en 1994. C'est peut-être parce que j'étais ado. Je me rappellerai toute ma vie de ce but.
"Knysna ? Ca avait été un fiasco total !"
Quel est votre pire souvenir ?
Knysna ! Sans hésiter ! C'est l'un des plus gros flops de l'équipe de France. On avait énormément d'attente et on avait eu énormément de déception. Ca avait été un fiasco total ! Il y a eu beaucoup de regrets et d'émotions négatives. Je suis Français. Lors d'une Coupe du monde, on est toujours un peu patriote. En plus, on n'avait pas une mauvaise équipe. Et finalement, tout s'est cassé la gueule !
Quelle sera la nation surprise de cette Coupe du monde ?
J'ai un petit faible pour le Canada ! Déjà par rapport à Jonathan David (footballeur évoluant dans le club de Lille en Ligue 1, ndlr). Je trouve que c'est un joueur formidable et fascinant. Ensuite, je crois que c'est leur deuxième Coupe du monde de leur histoire. Ils n'y ont pas été depuis 36 piges (Coupe du monde de 1986 au Mexique, ndlr). C'est un peu de fraîcheur. Ca fait même un peu bizarre de les voir dans cette compétition. J'ai regardé un peu leurs matchs de qualification. Ils se sont qualifiés sans forcément être contestés. Il y a des choses intéressantes. J'aime bien ce qu'ils font.
"Neymar a envie de casser les reins pendant toute la Coupe du monde"
Quel joueur va faire rêver les téléspectateurs durant la compétition ?
J'ai bien l'impression que Neymar est bien parti. Moi, personnellement, je sais que Benzema va me faire rêver. C'est plus subjectif. Le jeu que j'aime regarder, c'est celui de Karim Benzema. Mais depuis le début de la saison, on sent clairement que Neymar est en mission et qu'il a envie de casser les reins pendant toute la Coupe du monde. Je pense qu'il va y arriver. Je ne l'ai jamais vu aussi affûté depuis un petit moment. Il n'a pas été blessé depuis le début de saison. Il a un vrai projet pour l'équipe du Brésil. Je pense qu'il va faire une très grande Coupe du monde.
Pensez-vous que l'équipe de France peut à nouveau gagner la Coupe du monde ?
Je suis un ultra optimiste. Je suis convaincu qu'ils peuvent le faire. Mais comme j'étais convaincu qu'ils puissent gagner le dernier Euro aussi. Je m'étais vautré. (rires) Mais je pense que c'est une obligation d'aller en finale ou dans le dernier carré, avec la qualité de cette équipe de France. On peut parler des blessures et des pépins physiques mais je trouve qu'on a un vivier de malade mental. Il n'y a pas forcément d'excuses. On perd Paul Pogba et Ngolo Kanté, on récupère Aurélien Tchouaméni qui est titulaire au Real Madrid. Ce n'est pas un milieu lambda qui fait une saison bancale. Devant, on a une artillerie qui est monumentale. Derrière, on a quand même quelque chose de cohérent. Hugo Lloris est toujours régulier dans les grandes compétitions. Je trouve qu'on dégage une puissance et une qualité technique difficiles à égaler. En face, il y a peut-être le Brésil et l'Argentine de Messi. Pour gagner une Coupe du monde, il faut avoir de la réussite, de la chance et une qualité physique hors norme. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte. Puis, on est les champions en titre. On arrive dans l'idée que tout le monde a envie de nous battre. Si on demande à toutes les autres nations, on est clairement les favoris.
"J'ai envie de transpirer cette Coupe du monde"
En tant que consultant, comment préparez-vous cette Coupe du monde ?
Je lis beaucoup. Je regarde énormément de résumés. Regarder tous les matchs, c'est compliqué. J'ai un peu étudié les éliminatoires. Ce qui est compliqué, c'est qu'il peut y avoir des changements entre les qualifications et la Coupe du monde : les coachs peuvent quitter la sélection, d'autres joueurs peuvent être appelés, de nouveaux systèmes peuvent être utilisés, etc. Tout est remis constamment en question. Moi, je me prépare davantage dans la logistique afin de savoir comment m'organiser pour voir le plus de matchs possible. J'ai déjà tout mon agenda des matchs qui est préparé, pour me caler devant ma télévision. J'ai envie de me mettre dedans. C'est la première Coupe du monde que je vais suivre en tant que consultant. J'ai envie de m'imprégner de l'état d'esprit de l'événement. J'ai envie de transpirer cette Coupe du monde.
Avec tous les enjeux autour du pays hôte de la Coupe du monde, le Qatar, est-ce plus difficile de se préparer à cet événement ?
Non. Je n'ai pas l'impression. Ca reste de l'actualité. Je pense que toutes ces compétitions ont eu leurs avantages et leurs inconvénients. Il faut en parler. C'est un événement planétaire. Après, c'est vrai que cette Coupe du monde est incroyable. Elle débute bientôt mais on n'a pas l'impression que ça va vraiment débuter. Ca va tomber sur le coin de la tête. On ne va pas s'en apercevoir. Elle fait parler dans d'autres domaines que dans le football. La liste de Didier Deschamps a quand même mis un petit coup de pression.
"Je ne m'étais jamais dit que je serais Ballon d'Or"
Un consultant a-t-il plus de liberté qu'un journaliste pour analyser et commenter le football ?
Une liberté, je ne sais pas. La différence entre le journaliste et le consultant, c'est que le journaliste est très factuel. Il doit ramener des éléments et des stats pour informer et avoir une vision un peu globale de la situation d'un match ou d'un joueur. Le consultant doit apporter au téléspectateur une information qu'il n'a pas, quelque chose de différent et une vision avec un peu plus de hauteur. Par exemple, je sais que dans les prestations compliquées d'un joueur de football, il peut y avoir plein de choses qui entrent en ligne de compte, comme les problèmes personnels, les doutes, les remises en question et la perte de confiance en soi... Moi, j'essaye d'amener un peu ça, des informations sur les relations entre les joueurs et l'ambiance dans un vestiaire. A l'antenne, je tente d'expliquer les relations humaines entre les joueurs. C'est ce que je peux apporter en tant que consultant.
Rêviez-vous de devenir consultant lorsque vous étiez joueur professionnel ?
Pas du tout. Moi, j'ai une vie assez atypique. Avant d'être professionnel, je travaillais à la mairie de Moulins (dans l'Allier, ndlr). Je n'avais déjà pas de grosses ambitions personnelles. Je ne m'étais jamais dit que je serais Ballon d'Or. (rires ) Et je ne me suis jamais dit que je serais devenu consultant ou commentateur. Ca m'est tombé dessus par hasard. C'est un peu sur Twitter que je me suis fait connaître. J'ai saisi ma chance. Je suis plutôt détendu en télé. Je fais un truc qui me plaît bien. Quand j'avais fait des interviews, en tant que joueur, on me disait que j'étais un bon client. A la fin de ma carrière en 2019, on m'a proposé un poste de responsable de communication à l'US Orléans. Ca m'a énormément appris. J'ai arrêté et je me suis consacré pleinement à la télévision. Je n'ai pas de diplômes. Je n'avais pas envie d'en passer. Je ne suis pas scolaire. Aujourd'hui, je travaille comme un dingue. Je regarde je ne sais pas combien de matchs par semaine mais j'aime ça. J'ai beaucoup progressé car j'ai été bien accompagné par la chaîne L'Equipe, par Estelle Denis, par Greg Ascher et par Marc Las. C'est une chaîne où je m'épanouis. Je m'y sens super bien. C'est difficile de me dire que j'ai envie de faire autre chose. Mais être consultant, ce n'était pas une ambition personnelle.
"La Ligue 2, c'est un championnat qui sent la merguez"
Avant de collaborer avec les médias, quand vous étiez joueur, quelle était votre vision de la presse ?Moi, j'étais vraiment un bon client. Je ne mâchais pas mes mots. Je parlais vrai. J'étais même parfois un peu cru en interview. Je n'avais pas forcément de complexe à dire : "Vous, les journalistes, vous voyez ça. Mais nous, on voit autre chose. Je vous explique un peu les choses pour vous montrer comment ça se passe". Je n'avais pas trop de problèmes avec les médias. Mais je pense que c'est un vrai travail à faire pour un joueur. Il faudrait d'ailleurs que les clubs mettent même davantage en pratique le "media training" et que les joueurs participent à ces échanges avec la presse. L'analyse d'un match, c'est super intéressant. Il y en a qui adorent le faire. Aurélien Tchouaméni est brillant dans ce domaine. Kylian Mbappé aussi. En fait, c'est un jeu de chat et de la souris avec le journaliste. J'ai toujours eu des relations particulières avec la presse. J'ai parfois dit des choses en "off" et d'autres en "on". Généralement, les propos étaient quasiment les mêmes. Mais il faut savoir arrondir ce qu'on dit et éviter de raconter n'importe quoi. Certains journalistes cherchent aussi la petite bête tout le temps pour essayer de sortir les phrases de leur contexte. Il faut donc pouvoir être armé quand on est un joueur pour avoir conscience de ce jeu avec le journaliste. C'est un peu stupide de dire : "Je ne parle pas à la presse".
Vous, l'ancien joueur de Ligue 2, comment analysez-vous la stratégie de la chaîne L'Equipe de proposer chaque semaine une fenêtre pour la deuxième division française de football ?
C'est une superbe idée. Il y a énormément d'amoureux de la Ligue 2. La Ligue 2, c'est particulier. On peut se dire que c'est un championnat qui sent la merguez. Mais il y a énormément de joueurs qui sont passés par cette division et qui performent au très haut niveau. Je pense à Kanté et Mahrez. Les mecs sont dans le top 30 à chaque fois du Ballon d'Or. Ils ont été découverts en Ligue 2. La Ligue 2 est un championnat très difficile. Ca gagne à être diffusé. D'ailleurs, ça marche puisque les chiffres d'audience sont remarquables. Il y a une vraie demande. Cette saison, les stades se remplissent car les clubs qui sont en ligue 2 sont incroyables : Metz, Sochaux, Dijon, Saint-Etienne, Bordeaux... C'est n'importe quoi ! C'est super relevé et ce sont des clubs qui ont une histoire. Ca va permettre aussi à la Ligue 2 de se mettre en valeur. Et honnêtement, il y a du spectacle ! Je prends énormément de plaisir à regarder Valenciennes, Guingamp, Le Havre... Bordeaux fait une année super. J'ai joué dix ans dans cette division, forcément, j'ai un oeil particulier. Je trouve que les fans de football s'intéressent de plus en plus à la Ligue 2 et c'est vraiment un plaisir.