La radio à l'aube d'une nouvelle (mais tardive) révolution technologique. Ce mercredi 21 novembre était le jour de clôture pour l'appel à candidatures de 24 fréquences nationales métropolitaines, lancé en juin par le CSA afin de donner un nouvel élan au développement de la technologie DAB+. Alors que l'incertitude était de mise, l'ensemble des grandes radios privées françaises, du groupe NRJ au groupe Lagardère en passant par le groupe M6 et NextRadioTV, ont fait savoir qu'elles ont déposé une candidature pour bénéficier de cette technologie au nom encore bien mystérieux pour le grand public. Contactée par puremedias.com, Radio France fait savoir qu'elle "va discuter avec son actionnaire des conséquences à tirer" du résultat de l'appel à candidatures.
Qu'est-ce donc que le DAB+ ? Cet acronyme désigne en fait le "Digital Audio Broadcasting". Le "+" représente la norme mondiale utilisée pour le DAB. Il s'agit tout simplement de la radio numérique terrestre. Cette dernière constitue donc l'équivalent de ce que la TNT était à l'analogique en télévision. Technologie hertzienne, qui ne passe donc pas par le mobile, elle utilise la voie des ondes mais de façon numérique. Le DAB+ ne se superpose pas à la bande FM puisqu'elle concerne les fréquences de 174 à 223 MHz tandis que la FM est diffusée sur les fréquences de 87 à 108 MHz. Avec le DAB+, contrairement à la FM, plusieurs radios peuvent utiliser la même fréquence. Le signal est ensuite divisé par le récepteur DAB+. De fait, alors que la bande FM est saturée en de nombreux points sur le territoire, la technologie permet l'émergence d'une offre radiophonique plus dense, à la plus grande joie des radios indépendantes.
Quels avantages présente le DAB+ par rapport à la FM ? Contacté par puremedias.com, Nicolas Curien, membre du CSA en charge de la radio, explique que la technologie offrira aux utilisateurs "une meilleure qualité d'écoute, des données numériques associées étendues et surtout une meilleure continuité d'écoute en mobilité". Très concrètement, une fois la technologie déployée sur le territoire, un utilisateur qui écoute la radio dans sa voiture ne souffrira plus d'interruption dans son écoute durant un long trajet et bénéficiera d'une meilleure qualité sonore. En d'autres termes, il ne sera plus condamné à écouter le 107.7, la radio des autoroutes, souvent la seule à être disponible sur les voies rapides des sociétés concessionnaires.
Concernant le calendrier de déploiement du DAB+, la technologie est déjà accessible à Paris, Nice et Marseille depuis 2015 et à Lille depuis quelques mois. D'ici quelques jours, elle le sera à Lyon et Strasbourg avant d'être étendue à Nantes, Rouen, Bordeaux et Toulouse. Selon le CSA, d'ici fin 2020, 40 agglomérations de plus de 175.000 habitants seront couvertes, ce qui représentera 70% de la population. En outre, les principaux axes routiers seront couverts d'ici à cette échéance. Le maillage en zone rurale et en outre-mer interviendra, lui, ultérieurement.
Pour accéder à cette technologie - il faut impérativement être équipé d'un récepteur DAB+. Dès la fin décembre, lorsque la couverture de 20% la population du territoire sera effective, les constructeurs de postes de radio et les équipementiers automobiles auront l'obligation légale, déclenchée par le CSA, d'intégrer la technologie, via l'installation de puces. "Il faudra un certain temps avant que ce mode d'écoute ne se développe", reconnaît toutefois Nicolas Curien, qui se félicite qu'elle ait rapidement été adoptée par nos voisins européens, une fois le parc de récepteurs initié. En 2017, selon les chiffres du CSA, 8% des Français étaient équipés d'un récepteur DAB+ et 8% des autoradios étaient compatibles avec la réception de la radio numérique terrestre.
Grand défenseur de l'utilisation de cette technologie, que la France s'apprête donc à embrasser avec beaucoup de retard, Nicolas Curien estime qu'elle correspond à "l'évolution numérique de la FM". "Contrairement à la TNT en télévision, nous n'avons pas de contrainte de temps sur la FM, puisqu'il n'y a pas besoin de libérer cette bande pour que le DAB+ se développe et que les auditeurs se l'approprient", poursuit-il. D'après lui, le DAB+ ne sonnera donc pas le glas de la modulation de fréquence, dite FM, qui est la technologie la plus répandue en France depuis la libéralisation de la bande, en 1981.
"À ce stade, il n'est pas question d'anticiper une disparition de la FM. Cette technologie survivra durablement. Aujourd'hui encore, des auditeurs utilisent la technologie des grandes ondes. On peut imaginer que, dans quarante ans, la FM sera encore présente dans les zones rurales peu denses", explique Nicolas Curien, qui rappelle que, même en Norvège, pays où les pouvoirs publics ont acté dès 2015 le basculement vers le numérique terrestre, "la FM subsiste encore de manière marginale et est notamment utilisée par des petites radios associatives".
Outre la FM, le DAB+ devra co-exister avec d'autres modes de réception, dont la 4G, qui couvrira les principaux axes routiers d'ici 2020, et, à moyen terme, la 5G. En pleine expansion, la radio par internet a les faveurs des groupes de radio, qui y voit souvent LA technologie d'avenir. Tous se bousculent d'ailleurs pour accompagner la montée en puissance des assistants personnels proposés notamment par Amazon, Google et Apple. Les grands groupes privés, après s'être longuement observés les uns les autres, ont pourtant tous décidé de répondre à l'appel d'offres national du CSA. Une nouvelle qui réjouit évidemment Nicolas Curien qui estime que "plusieurs technologies cohabiteront". "Les évolutions technologiques, c'est un peu comme les évolutions biologiques. Une nouvelle espèce n'entraîne pas la disparition immédiate de celles qui la précèdent", résume le Sage de l'audiovisuel.