"Expérience unique" sur France 3 ce soir. Alors que la télévision française ne brille plus par sa créativité depuis plusieurs années, la chaîne publique programmera le premier numéro d'"Hôtel du temps", une création véritablement originale signée Thierry Ardisson, dont ce sera le grand retour à la télévision depuis son éviction de C8 en 2019.
Allié à 3e Oeil (Mediawan), "l'homme en noir" proposera d'interviewer des personnalités décédées, avec pour première invitée Dalida, dont on fêtera demain les 35 ans de la disparition. "Après avoir interviewé tout le monde, il me restait l'autre monde", a justifié, avec son sens de la formule caractéristique, Thierry Ardisson, lors de la présentation à la presse d'une émission sur laquelle il planche depuis trois ans.
Grâce aux technologies du deep fake et du voice cloning, l'animateur est parvenu à ressusciter le visage et la voix de la chanteuse qu'il interviewera ce soir comme si de rien n'était. Une Dalida plus vraie que nature racontera ainsi pendant près d'1h45 aux téléspectateurs sa vie et sa carrière, ses joies et ses peines, dans le cadre d'un palace, "L'hôtel du temps", où le sens de rotation des horloges est inversé.
"C'est un documentaire, pas une fiction", tient à préciser Thierry Ardisson, soulignant que chacune des phrases prononcées dans l'émission par la chanteuse est authentique. Leur sélection est le fruit d'un travail "pointilleux" de documentation réalisé en amont du tournage par les équipes de production. La mise en boîte du programme a pour sa part été effectuée en seulement trois jours au Meurice, un palace parisien, avec l'aide de la comédienne Julie Chevallier. Celle-ci a campé Dalida face à Thierry Ardisson en imitant au plus près sa "gestuelle", ses "expressions de visage" et ses "tics verbaux".
Le plus dur ne faisait cependant que commencer puisqu'il a fallu ensuite incruster à l'écran les véritables traits et voix de la légende de la chanson. Pour ce faire, c'est la société Mac Guff, spécialiste de ces effets spéciaux, qui a été mandatée par l'animateur. Après avoir récupéré et restauré des images d'archives de Dalida, elle en a nourri une intelligence artificielle maison, qui a ensuite "plaquée" la vraie chanteuse sur les images de l'émission de France 3. Un travail fastidieux qui ne prend pas moins d'un mois pour produire une seule heure d'émission. Avec à la clé, d'inévitables surcoûts par rapport à un programme classique. "C'est cher pour un documentaire mais ça coûte la moitié d'un 'Meurtres à Brides-les-Bains'", a commenté avec humour Thierry Ardisson, évoquant une somme proche de 600.000 euros par numéro.
Le jeu semble toutefois en valoir la chandelle puisque le résultat final a séduit jusqu'au frère de Dalida, Orlando. "Elle est bluffante de ressemblance !", s'est-il enthousiasmé lors de la conférence de présentation du programme. Sa présence rappelait aussi que les familles des légendes interviewées dans l'"Hôtel du temps" sont systématiquement intégrées au processus de création. "L'émission aborde des choses très intimes pour les proches. Je les contacte donc toujours avant le tournage. Ce ne sont que des biographies autorisées", a précisé Thierry Ardisson.
Fourmillant comme toujours d'idées, l'ex-publicitaire voit déjà grand pour son bébé qu'il espère exporter dans le monde entier. "On ouvre une porte", veut-il croire, imaginant des utilisations de sa technologie dans les écoles pour redonner vie à des personnages historiques disparus. "J'ai montré 'Hôtel du temps' à Jean-Michel Blanquer (le ministre de l'Education nationale, ndlr)", tient-il à faire savoir.
En attendant, "Hôtel du temps" devra passer la rude épreuve des audiences ce soir sur France 3. Outre ce numéro sur Dalida, un autre avec Jean Gabin est déjà en boîte, et un autre avec Coluche sur les rails. En cas de succès, "l'homme en noir" ambitionne d'en tourner trois par an, dont un sur Johnny Hallyday. Et si ça ne marche pas ? "Je m'arrêterai. Je ferai autre chose", tranche l'animateur de 73 ans, qui rappelle qu'il ne lui reste pas "50 ans à vivre". "'Hôtel du temps', c'est pour la gloire, pas pour l'argent. C'est pour laisser mon nom dans l'Histoire", proclame en riant celui qui s'est déjà bâti un "mausolée numérique" avec sa chaîne youtube Arditube, regroupant toutes les archives de sa carrière télévisuelle.
Ultime preuve de l'acuité chez lui de cette question du temps qui passe, Thierry Ardisson n'a pas hésité à se rajeunir de 20 ans dans son programme, en utilisant la même technologie de deep fake que pour ses invités d'outre-tombe. "C'est pour faire chier Michel Drucker !", a-t-il justifié dans un grand éclat de rires. "Pendant toute ma vie professionnelle, il m'a dit : 'Thierry, tu fumes trop de cigarettes. Tu fumes des pétards, tu bois du vin. Il faut boire de la camomille !' Avec ça finalement, c'est moi qui termine le plus frais des deux !"