Usés, ringards, démodés. C'est ce que certains disaient des "Guignols" avant l'été, pour justifier le choix du nouveau boss de s'en débarrasser. Après une bronca politico-médiatique sans précédent, Bolloré a renoncé, remis l'équipe au travail pour une nouvelle version modernisée, en crypté, censée aspirer de l'abonné par milliers. Au cours des six derniers mois, certains auteurs ont été virés, d'autres recrutés, le budget de 17 millions d'euros conservé.
La première de ces "Guignols" tellement modernes que le monde entier nous les envie déjà (ça, c'est le plan de Vincent Bolloré) était diffusée hier, lundi, à 20h55. On rêvait d'une ouverture où la marionnette du nouveau big boss prenait la place de PPD pour présenter les good news de son groupe, comme un pied de nez à ceux qui critiquent la prise du pouvoir de Canal+ par l'industriel breton. Rien de tout cela. PPD a bien été viré du fauteuil de présentateur, désormais rédacteur en chef dans une newsroom où il côtoie les doubles si mal imités d'Elise Lucet, Yann Barthès, David Pujadas ou Jean-Pierre Pernaut. Se moquer des journalistes plutôt que des politiques.
Les news, "un journal en plus de 140 caractères", sont désormais incarnées par un duo de chaîne d'infos façon BFMTV. C'est ça, la modernité. Et pour rassurer l'abonné attaché à l'irrévérence de sa chaîne qu'il paye 40 euros par mois, "Les Guignols" ont évité quelques écueils, en se moquant un peu de Nicolas Sarkozy, pressé d'aller voir le match PSG/Lyon, de François Hollande devant "Le dîner de cons" sur TF1 ou encore Cyril Hanouna, protégé de Vincent Bolloré. Le FN a pris cher, c'est dans l'ADN du programme qui tire toujours les mêmes ficelles sur ces sujets. A qui le sketch sur le mur anti-migrants aura arraché un sourire ? Du tiède, du réchauffé pour ce premier JT qui avait pourtant de la matière pour torpiller l'actualité : les régionales, la COP21, la guerre NKM/Sarkozy, le terrorisme...
Après six mois d'absence, on imaginait les réservoirs à blagues/sketchs prêts à déborder. Donc on repassera ce soir, demain, et toute la semaine pour savoir si cette première n'était pas qu'un terrible malentendu. Alors oui, c'était mieux avant, même si "Les Guignols" version Belmer/Méheut avaient quelque chose d'un peu old school, vieille télé. Un détail qui a son importance, ils nous faisaient encore rire, moins qu'à une lointaine époque mais quand même ! "Les Guignols" ne sont jamais aussi drôles que quand ils se payent leur propre maison, leurs patrons, les animateurs du groupe, les puissants copains du PDG. Cette indépendance, parfois arrogante, est à jamais souillée par la reprise en mains d'un Vincent Bolloré qui n'a toujours pas compris que la direction des programmes était un métier. Ce n'est définitivement pas le sien.