C'est un débat récurrent dans les médias. Faut-il ou non montrer les images des vidéos d'exécution d'otages ? Cette question s'est de nouveau posée avec une dramatique actualité hier après-midi, après la mise en ligne d'une vidéo montrant la décapitation du touriste français, Hervé Gourdel, par un groupe islamiste algérien.
La diffusion à la télévision de l'exécution est évidemment inenvisageable. Le débat n'est en revanche pas tranché dans les médias en ce qui concerne la diffusion de certains extraits ou captures d'écran. Les rédactions sont ainsi confrontées à un problème compliqué : en montrer un peu au risque de faire le jeu des terroristes et de porter atteinte à la dignité de l'otage, ou, au contraire, ne rien montrer du tout au risque de délivrer une information partielle, virtuelle.
Ce matin, Fleur Pellerin a en tout cas salué sur France 2 la "responsabilité" de la presse française qui n'a, selon elle, pas diffusé les images de la vidéo des terroristes. "Je salue l'effort qui a été fait par la presse en France de ne pas rentrer dans le jeu des terroristes. Pour eux c'est un jeu, ils souhaitent mettre en scène leur barbarie, ils souhaitent effrayer", a expliqué la ministre de la Culture.
L'affirmation de Fleur Pellerin n'est cependant pas tout à fait exacte. Après l'annonce de la mort probable de l'otage français, les chaînes de télévision ont adopté des positions radicalement différentes. Du côté des chaînes historiques, le 20 Heures de Gilles Bouleau a montré une capture d'écran de la vidéo des terroristes avec l'otage français à genoux aux milieu de ses bourreaux. Son visage est flouté. TF1 a également choisi de diffuser dans son sujet les toutes premières secondes de la vidéo dans lesquelles apparaît François Hollande.
Traitement radicalement différent du côté du service public. Sur France 3, la rédaction du 19/20 a choisi de ne montrer aucune image de la vidéo. Le reportage sur ce sujet a été illustré par des archives d'Hervé Gourdel libre et la vidéo d'exécution a seulement été décrite par la journaliste de France 3. Même position au 20 Heures de France 2 qui n'a montré aucune image.
Du côté des chaînes d'information, la même question s'est posée avec encore plus de force puisque BFMTV et i-TELE ont consacré une édition spéciale de plusieurs heures à l'information. C'est BFMTV qui a, la première (à 17h52), décidé de montrer une capture d'écran de la vidéo des islamistes. Elle est similaire à celle de TF1. Hervé Bourdel apparaît à genoux avant son exécution au milieu de ses ravisseurs, le visage flouté.
Il est à noter que la position de BFMTV sur ce sujet est la même depuis le début des exécutions filmées d'otages occidentaux. Interrogé sur cette dernière par puremedias.com, le directeur de l'information de la chaîne, Hervé Béroud, prévient cependant d'emblée : "Il n'y a pas de vérité absolue sur ce sujet. On n'est jamais sûr de prendre la bonne décision". Sa chaîne refuse de montrer tout extrait de ces vidéos mais choisit en revanche d'illustrer l'information avec une capture d'écran de l'otage avant son exécution. Un moyen, selon Hervé Béroud, que "l'information ne soit pas totalement virtuelle". "On veut éviter toute complaisance" explique-t-il, précisant vouloir offrir aux téléspectateurs une "vision maîtrisée" de la violence des islamistes.
Du côté de i-TELE, on a aussi fait le choix, plus tardif (vers 18h30), de la capture d'écran de l'otage avant son exécution. La chaîne d'information du groupe Canal+ s'est cependant différenciée en diffusant, peu après 22h30, un très court extrait du début de la vidéo, le même que celui diffusé sur TF1. LCI a pour sa part diffusé une capture d'écran similaire vers 18h30 puis, dans la soirée, le même très court extrait de la vidéo contenu dans le reportage de sa maison mère, TF1.
Le traitement de ces images ne fait donc pas consensus dans les médias français. "Nous sommes aussi confrontés plus globalement aux images tournées par Daesh. Qu'en faire ? Nous devons être extrêmement vigilants dans l'utilisation de ces images qui demandent une attention de chaque instant", poursuit Hervé Béroud.
Evoquant la nécessité de les contextualiser, Hervé Béroud annonce d'ailleurs que sa chaîne accompagnera désormais la diffusion de ces images de la mention "Images de propagande de l'Etat Islamique". Un moyen de rappeler aux téléspectateurs leur finalité première.