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Yann Goazempis (M6) : "Les téléspectateurs attendent que nous les bousculions un peu"
Publié le 13 septembre 2018 à 14:51
Par Kevin Boucher
(4/5) Le directeur des fictions du Groupe M6 fait le point sur les nombreuses nouveautés attendues en fiction française cette saison.
Yann Goazempis, directeur de l'Unité Fiction & Humour du Groupe M6 Yann Goazempis, directeur de l'Unité Fiction & Humour du Groupe M6© Nicolas GOUHIER/M6
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4/5. Quatrième jour de la "grande semaine de la fiction française" de puremedias.com, organisée en marge du festival de la fiction TV de La Rochelle. Après Anne Viau de TF1 lundi, Fabrice de la Patellière pour Canal+ mardi et Anne Holmes, de France Télévisions, hier, c'est au tour de Yann Goazempis, directeur de l'unité fiction du Groupe M6, de faire aujourd'hui le point avec puremedias.com sur la saison écoulée et les projets de son groupe cette saison.

Semaine de la fiction française sur puremedias.com : Tout au long de la semaine, retrouvez dans nos colonnes des entretiens exclusifs avec les responsables de la fiction française de TF1, France Télévisions, Canal+, M6 et Arte.

Propos recueillis par Kevin Boucher.

puremedias.com : Un temps délaissée, la fiction française revient en force sur M6. Est-ce la bonne santé du genre chez vos concurrents qui vous a poussé à revenir sur ce créneau ?
Yann Goazempis : C'est aussi une stratégie qui nous est propre. Pendant longtemps, nous avons creusé le sillon des fictions courtes, avec certaines incursions en prime time, et nous voyons que la fiction de prime time est un genre très apprécié des téléspectateurs. Et lorsque vous voulez être une chaîne généraliste, il faut creuser ce sillon. Nous n'avons pas le même historique que les autres chaînes, nous construisons petit à petit. Toutefois, nous avions déjà commencé, à notre rythme et à notre vitesse, avec "Glacé", "Les beaux malaises", "Souviens-toi" ou encore "Quadras".

"Nous avons le sentiment sur M6 que nous bénéficions d'une certaine attente et d'une certaine légitimité sur la comédie" Yann Goazempis

L'un des événements de la saison pour M6 est l'adaptation de "Papa ou maman" avec Florent Peyre et Emilie Caen (6x52'). La comédie est un genre difficile.
Nous sommes sur l'adaptation de films qui ont été des succès en salles - et à l'antenne pour le premier volet, en attendant le deuxième. Ce que nous avons récupéré de ces films, c'est le concept mais aussi le ton, irrévérencieux. En revanche, les personnages ont changé. Nous avons le sentiment sur M6 que nous bénéficions, grâce aux fictions courtes depuis "Caméra Café" en 2001, d'une certaine légitimité sur la comédie mais aussi j'ai l'impression d'une certaine attente concernant les comédies. Là, nous allons rire avec une espèce de fraîcheur dans le ton. Ce qui est très réussi est le fait que tous les personnages sont attachants alors qu'ils sont peu reluisants.

Quelles sont les différences avec le film ?
Nous avons simplement le même point de départ du film : un papa, une maman, des enfants. Le couple se connaît depuis très longtemps. Mais ce ne sont pas les mêmes personnages, ils n'ont pas la même histoire, le même bagage émotionnel ni le même background culturel que ceux campés par Laurent Lafitte et Marina Foïs. Emilie Caen joue le rôle d'une jeune fille de bonne famille, fille de notaire à la retraite, tandis que Florent Peyre joue le rôle d'un fils de famille portugaise, à la tête d'une entreprise de BTP. Par ailleurs, ce qui est fondamental, c'est que nous sommes à l'inverse des films : le personnage joué par Emilie Caen va reprendre sa vie en main et un nouveau travail. Sauf que lorsqu'elle demande le divorce, elle demande la garde des enfants qu'elle a élevés pendant que le père s'occupait principalement de son entreprise. Par esprit de compétition mais aussi par souci d'ego, le divorce ne va pas se jouer à l'amiable et tous deux vont se tester.

La série a été écrite par les auteurs des deux films. C'était indispensable pour vous ?
Evidemment mais la question ne s'est pas posée puisque la proposition a émané du producteur, Dimitri Rassam, associé à EndemolShine, venu avec le package. Réussir ce numéro d'équilibriste qui consiste à mettre en scène des parents qui ne cochent aucune case de ce que peuvent être de bons parents, il n'y a qu'eux pour arriver à doser convenablement et à faire rire avec.

Vous avez également tourné "Remix", avec Grégory Montel, Julia Piaton et Nailia Harzoune notamment.
Vous remarquerez que nous avons toujours un dénominateur commun sur les fictions de M6, ce sont les problématiques quotidiennes, qui bien souvent naissent au sein des familles. "Remix" est donc une histoire de famille. Mais cette fois, ce n'est pas une famille en séparation comme dans "Papa ou maman" ou une famille multi-générationnelle comme "En famille", c'est l'histoire d'une famille recomposée, celle de Nicolas qui a déjà eu une vie avec son ex-compagne jouée par Julia Piaton, qui lui a donné deux filles. La série démarre le jour de l'accouchement de sa nouvelle compagne, Samia, qui elle aussi a déjà eu une vie passée avec Mohammed, dont elle a eu un fils. Cette famille recomposée devient un chouette bordel, entre les copains bizarres, les ex encombrants, les parents trop présents... (Rires)

"Historiquement, nous sommes les premiers à nous être intéressés à Michel Bussi !" Yann Goazempis

Vous avez aussi deux thrillers bientôt à l'antenne : "La Faute", avec Valérie Karsenti et Natacha Lindinger, ainsi qu'"Un avion sans elle", avec Bruno Solo. Ce sont deux séries en 4x52 minutes, un format rare. Est-ce pour éviter la déperdition de précédentes séries au fil de la diffusion ?
Pas véritablement. Ce qui s'est passé sur "La Faute" comme sur "Un avion sans elle", c'est que ce sont deux livres à la base, l'un de Paula Daly et l'autre de Michel Bussi. Sauf que lorsque les producteurs ont venus nous proposer ces deux séries, ils nous ont proposé des livres. Sur "La Faute", nous nous sommes aperçus que nous n'avions pas un simple thriller mais quelque chose qui reposait sur une vraie problématique sociétale : la charge mentale. Ainsi, Valérie Karsenti oublie de récupérer la fille de son amie, Natacha Lindinger, une fille qui est ensuite portée disparue. Nous nous sommes dit que cela pouvait arriver - avec des conséquences beaucoup moins dramatiques - à tout le monde. Mais lorsque nous avons lu le livre, nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas en faire trois soirées. Donc plutôt que de gonfler avec des intrigues qui auraient un peu rallongé la sauce et diminué le propos, nous nous sommes dit que nous allions le tenter sur deux soirées, une première pour nous que je trouve assez alléchante sur la base de la promesse puisque vous rentrez dans l'histoire sur la première soirée et avez la réponse sur la deuxième. Sur "Un avion sans elle", nous avons estimé que nous avions la même problématique. Nous aurions pu faire une longue saga mais nous avons envie d'avoir des choses plus nerveuses sur M6, plus rythmées, car nous pensons que c'est la signature de l'ensemble des programmes de la chaîne.

"Un avion sans elle" est donc adaptée du roman de Michel Bussi, un auteur que France 2 a déjà porté à l'antenne avec "Maman a tort" et qui le sera aussi bientôt sur TF1 avec "Le temps est assassin".
Je pense qu'historiquement, nous sommes les premiers à nous être intéressés à Michel Bussi ! (Rires) "Un avion sans elle" est son plus gros succès en librairies, traduit à travers le monde. Mais en revanche, je pense que c'est le plus compliqué à adapter puisqu'il repose sur un procédé littéraire où un journal retraçant une enquête est retruvé. Mais là où dans la vraie vie vous allez directement voir la fin, ici le héros prend son temps, et nous avec. Cela est injouable à la télévision. Donc il y a eu beaucoup d'éléments à adapter, tout en restant fidèle à l'histoire. Nous avons débuté il y a longtemps, avant même de faire "Glacé", mais avons eu beaucoup de mal au début. Et c'est un nouvel attelage d'auteurs qui est arrivé pour débloquer la situation.

L'une des surprises de la saison est le retour de "Péplum". La saison 1, en 2014, avait pourtant connu un bilan mitigé.
Comme toute audience mitigée, il y a quand même eu un démarrage en fanfare suivi d'une baisse sensible, que nous avons assez rapidement analysée en remarquant que le format d'écriture ne correspondait pas. Nous proposions aux téléspectateurs de venir voir une histoire... alors qu'il ne s'agissait que d'une compilation de petites histoires. Nous nous sommes trompés sur le mode de narration, qui a dérouté les gens, même s'ils ont passé un bon moment. Toutefois, il n'y avait pas d'urgence à revenir. La deuxième raison, c'est qu'il y avait du talent en écriture, à la direction artistique et au niveau des comédiens. C'était donc difficile pour nous d'abandonner... Si cela avait été un échec total, que personne n'était venu, nous aurions assumé. Mais là, nous avons démarré avec 3,60 millions de téléspectateurs. Donc il y a les prémices de quelque chose. Après beaucoup de réflexion et de temps, nous avons bien décortiqué les choses. Au-delà du mode de narration, nous avons retravaillé les vannes pour qu'elles ne s'adressent plus qu'aux personnes qui avaient une connaissance de l'Empire Romain mais à un public plus large, le tout sur une seule et même histoire en une soirée.

"Nous ne sommes pas à l'abri d'un retour de Tarek Boudali dans 'En famille', même si ce n'est pas à l'ordre du jour" Yann Goazempis

Hors prime time, "Scènes de ménages" a signé un retour historique pour sa dixième saison, avec un nouveau couple.
C'est une agréable surprise, oui. Ce n'est pas pour dire que nous pensions que cela n'allait pas marcher, évidemment. Mais quand je regarde dans le rétroviseur il y a dix ans, lorsque nous avons démarré à travailler sur l'adaptation pour une case jusqu'ici réservée aux sitcoms américaines, je me souviens que nous espérions que cela marche mais jamais à ce point, dix ans plus tard.

Et vous pensez que la série sera toujours là dans dix ans ?
Je ne fais aucun pronostic. Vous m'auriez posé la question il y a dix ans, jamais je ne vous aurais dit que nous en serions là. (Rires)

Juste avant la rentrée de "Scènes de ménages", "En famille" a connu un bel été, le dernier pour Tarek Boudali.
Il est très occupé par ailleurs, bien qu'il soit très attaché à la série. Et si nous ne diffusons que l'été, les Kervelec sont en tournage toute l'année ! Gérer l'absence de quelqu'un est compliqué, en termes d'écriture, mais des nouveautés vont arriver, même si l'idée n'est pas de compenser l'absence de Tarek. La géométrie de la série va changer, tout en gardant son état d'esprit.

C'est un départ définitif ?
Rien n'est jamais vraiment définitif en télévision. Nous partons du principe que oui, car cela signifierait que cela marcherait très bien pour lui à côté. Mais nous ne sommes pas à l'abri qu'il revienne faire un coucou... même si ce n'est pas à l'ordre du jour.

"La série librement inspirée de l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès aura une fin" Yann Goazempis

Depuis plusieurs mois, une éventuelle suite de "Quadras" est évoquée. Concrètement, où en sommes-nous ?
Elle est en écriture. Nous venons de débuter. Comme pour "Peplum", nous avons fait une analyse artistique avec les auteurs pour essayer de corriger ce qui avait moins séduit les téléspectateurs lors de la saison 1. Mais je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.

Dans les autres projets, une série sur l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès a également été évoquée.
Elle sera librement inspirée de l'affaire. Nous sommes en écriture également, avec un bon rythme jusqu'à présent, et nous avons bon espoir de le tourner rapidement, si tout va bien. Comme pour "La Faute" et "Un avion sans elle", nous serons sur deux soirées de diffusion.

N'est-ce pas un peu difficile d'adapter une affaire toujours en cours, et sans résolution pour le moment ?
Oui, c'est bien pour cela que nous disons que la série sera "librement inspirée de...", puisque c'est une histoire qui n'a pas de fin. L'objet de fascination que peut avoir cette affaire pour beaucoup de gens, c'est la personnalité de Xavier Dupont de Ligonnès. Globalement, nous sommes sur un Monsieur Tout-le-monde qui paraît irréprochable. Et donc nous souhaitons traiter ce moment de basculement dans l'horreur absolue, en partant du principe qu'il serait coupable - et c'est pour cela que c'est librement adapté de l'affaire. Autre élément important : sa disparition mystérieuse. Mais contrairement à l'affaire, nous aurons bel et bien une fin.

"Quand nous copions les autres, c'est assez catastrophique" Yann Goazempis

Avant l'été, M6 évoquait, en plus des séries dont nous avons parlé, 12 projets en développement : 6 dramas et 6 comédies.
Il y en a un peu plus, maintenant. A chaque fois, le dénominateur commun, comme je vous le disais, est de raconter des histoires vécues et narrées par des personnes du quotidien, et à travers cela des histoires qui reposent et sont structurées sur des sujets qui peuvent être concernants. Nous avons donc un projet sur l'amitié, un autre sur l'ascenseur social...

Ces projets ne sont que pour M6 ?
Ils sont principalement pour M6, oui. Aujourd'hui, à part quelques incursions avec "SODA" ou "La petite histoire de France" - où nous terminerons la diffusion par un prime time -, nos formats originaux inédits sont en primeur sur M6.

La rentrée a connu l'arrivée d'un nouveau soap avec "Un si grand soleil" sur France 2 en plus de "Plus belle la vie" sur France 3 et "Demain nous appartient" sur M6. Allez-vous vous lancer dans la bataille ?
Nous avons "Scènes de ménages", même si ce n'est pas un feuilleton comme ceux que vous évoquiez. Pour le moment, nous n'avons pas prévu d'aller sur ce créneau. Personnellement, je ne vois pas l'intérêt d'être suiveur sur ce coup, même si je n'en ai pas discuté avec mes collègues. Contrairement aux autres chaînes, et ce n'est pas un jugement de valeur, nous avons obligation de nous distinguer, de faire différemment et de singulariser. Souvent on innove et ce sont les autres qui nous copient un peu... Mais quand on fait l'inverse, c'est assez catastrophique. Les gens le voient et ce n'est pas ce qu'ils espèrent de notre chaîne. Ils attendent que nous les bousculions un peu, que nous leur présentions de nouvelles choses. Si nous nous posons la question d'un feuilleton, il n'y a rien de contre-indiqué mais il faudra être résolument singulier et différent de ce qui se fait, et c'est quand même très difficile. D'autant plus qu'aujourd'hui, nous ne pouvons pas être sur les fronts non plus. Il faut qu'on installe une légitimité en prime time.

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