Tension inhabituelle sur le plateau de "28 minutes" sur Arte. Pour son débat du jour, Elisabeth Quin recevait les essayistes Rokhaya Diallo et Pascal Bruckner, invités à livrer leur point de vue diamétralement opposé sur la question de l'homme blanc, avec cette question : "L'homme blanc est-il forcément coupable ?". Malgré quelques crispations, les deux invités ont pu s'exprimer sans s'interrompre. Jusqu'à ce que le débat ne bascule à la faveur d'une accusation de Pascal Bruckner. "Votre statut de femme, musulmane et noire, vous rend privilégiée, ça vous permet de dire un certain nombre de choses", a lancé ce dernier à son interlocutrice.
Et de faire référence à "Charlie Hebdo", journal satirique contre lequel Rokhaya Diallo, militante et fondatrice de l'association Les Indivisibles, a co-signé une pétition en 2011, au lendemain de l'incendie qui avait visé ses locaux. Une pétition "contre le soutien à 'Charlie Hebdo'", dans laquelle on pouvait notamment lire : "il n'y a pas lieu de s'apitoyer sur les journalistes de 'Charlie Hebdo' (...). Le buzz médiatique et l'islamophobie ambiante assureront certainement à l'hebdomadaire, au moins ponctuellement, des ventes décuplées, comme cela s'est produit à l'occasion de la première 'affaire des caricatures'".
"Je pense à ce que vous avez dit sur 'Charlie Hebdo' et qui a entraîné, avec d'autres, la mort des 12 de 'Charlie'", a ainsi estimé Pascal Bruckner face à Rokhaya Diallo. Une phrase qui a heurté la militante. "Aucun de mes textes n'a entraîné la mort de quiconque et je ne vous laisserai pas m'accuser de quoi que ce soit. C'est scandaleux ce que vous dites et c'est totalement irrespectueux", a estimé la jeune femme.
Et alors que l'essayiste l'accusait d'avoir "poussé à la haine contre 'Charlie Hebdo'" et même "armé le bras des tueurs", la fondatrice des Indivisibles a rétorqué qu'elle avait "usé de (sa) liberté d'expression". "Je n'ai absolument aucune responsabilité dans aucun attentat terroriste. (...) Je trouve ça très grave ce que vous faites, c'est vous qui incitez à la haine", a-t-elle rétorqué. "Je n'incite pas à la haine, je vous mets en face de vos paroles. Et ces paroles ont entraîné des meurtres", s'est défendu Pascal Bruckner, avant que l'équipe de "28 minutes" ne passe à un autre sujet. puremedias.com vous propose de revoir cette séquence.
Invité ce matin sur France Inter, Pascal Bruckner est revenu sur cet incident. "J'ai déjà eu un problème juridique pour avoir dit la même chose en 2015 à propos des Indigènes de la République, pointant leur complicité idéologique. Là, j'ai simplement rappelé à Rokhaya Diallo ses engagements politiques, au sein de l'islam politique, et combien elle critiquait 'Charlie Hebdo' en les traitant d'islamophobes, de racistes. Et je ne suis pas le seul à le dire : toute l'équipe de 'Charlie', à commencer par son avocat Richard Malka, ne cesse de le répéter", s'est défendu l'homme.
De son côté, Rokhaya Diallo a relaté sur Twitter son échange avec Pascal Bruckner à la sortie du plateau de "28 minutes" : "Je lui ai dit combien il était vil et ses méthodes méprisables (à son image). Il m'a répété en boucle qu'il me connaissait et savait combien je nourrissais la 'haine des blancs'", a-t-elle écrit.
Ironie de l'histoire, c'est pour des propos déjà prononcés dans "28 minutes" en 2015 que Pascal Bruckner avait été attaqué pour diffamation par les associations Les Indivisibles et Les Indigènes de la République. Il avait estimé que ces deux structures avaient "justifié idéologiquement la mort des journalistes de 'Charlie Hebdo'" par leurs propos passés. Au final, Pascal Bruckner avait été relaxé et les deux associations, déboutées.