Denis Robert a été entendu. Depuis des mois, l'ancien directeur de la rédaction du "Média" contestait en justice son licenciement pour faute grave intervenu en octobre 2020. La webtélé proche de La France insoumise a finalement été condamnée à lui verser plus de 300.000 euros pour "licenciement nul", selon un jugement du tribunal des Prud'hommes de Bobigny daté du 24 mars 2022, mais dévoilé ce mardi par "Le Monde".
Le licenciement du journaliste d'investigation, qui s'est notamment rendu célèbre pour son travail sur l'affaire Clearstream, a été motivé à l'époque par la publication en ligne d'une vidéo dans laquelle Denis Robert, fraîchement écarté de ses fonctions de directeur de la rédaction (mais pas limogé), exposait les tensions à l'oeuvre dans son média, ainsi que, selon ses anciens employeurs, des "problèmes de management" et des "propos à connotation sexistes", rappelle l'AFP qui a également eu accès au jugement.
Le Conseil de Prud'hommes de Bobigny a rejeté ces griefs et requalifié son "licenciement pour faute grave" en "licenciement nul". Le salaire mensuel brut de référence de Denis Robert a en outre été réévalué à plus de 12.083,12 euros, alors qu'il était rémunéré 5.500 euros bruts mensuels en CDD puis 6.123 euros bruts en CDI. Au total, "Le Média" doit ainsi verser à Denis Robert plus de 300.000 euros au titre notamment des heures supplémentaires, des congés payés ou encore des dommages et intérêts.
Un "montant extravagant" qui menace la survie de la webtélé aux quelque 10.000 abonnés, qui va "évidemment faire appel", a indiqué à l'AFP Julien Théry, le président de l'entreprise de presse "Le Média" (EDPLM). Entièrement financée par ses souscripteurs, la chaîne de télévision diffusée sur le web lance régulièrement des appels aux dons, pour financer de nouveaux projets mais aussi, comme à la fin de 2021, combler les trous dans son budget (103.000 euros récoltés), rappelle "Le Monde". Ce jugement "met la boîte en péril", estime l'avocate du "Média", Juliette Bourgeois
Contacté par l'AFP, Denis Robert, qui a depuis créé son nouveau média, "Blast", s'est lui réjoui d'un jugement lui mettant "du baume au coeur". Sans "rancoeur" à l'égard de la vingtaine de personnes travaillant pour "Le Média", Denis Robert assure vouloir "négocier" et échelonner le paiement de ses indemnités pour éviter la disparition du site. "110.000 euros doivent être payés sans délai", relate au "Monde" le conseil de Denis Robert. "Nous avons la gentillesse de leur laisser quelques jours pour s'organiser, mais Denis Robert aurait pu faire saisir leur compte bancaire dès la semaine dernière, s'il avait voulu". "Je ne veux pas les étrangler. L'idée, c'est de négocier", assure l'intéressé dans les colonnes du quotidien du soir.
La jeune vie du "Média" a été émaillée de nombreuses dissensions en interne, parmi lesquelles le départ contraint de l'ex-responsable, Sophia Chikirou (ancienne directrice de la communication de Jean-Luc Mélenchon) en 2018 puis celui de la journaliste Aude Lancelin, qu'avait remplacée Denis Robert.