Jeudi soir, "Complément d'enquête", le magazine de Benoît Duquesne sur France 2, s'intéressait à Patrick Sébastien, dans un sujet sur "le retour du populaire". A cette occasion, les équipes de l'émission ont rencontré François Jost, chroniqueur au Nouvel Observateur, qui a souvent égratigné l'animateur. "L'entretien a duré une demi-heure dans une atmosphère cordiale" raconte François Jost dans une tribune sur Le Plus, avouant avoir craint de "jouer le rôle du méchant intellectuel qui salissait notre grand artiste populaire" en apprenant qu'il s'agissait d'un portrait pour l'anniversaire de l'animateur.
"C'était juste un peu en-dessous de ce que à quoi j'ai assisté, stupéfait, en regardant l'émission" attaque-t-il, évoquant un portrait digne d'une "hagiographie". Dans le reportage, l'intervention de François Jost intervenait après celles de Thierry Ardisson et de Cyril Hanouna, très favorables à l'animateur-chanteur-imitateur de France 2. "Il est toujours à défendre le peuple vrai, sincère et les Grands, les autres, les hommes politiques seraient malhonnêtes" explique François Jost dans le sujet diffusé jeudi.
"'Tu causes, tu causes...', semble me répondre la voix over qui enchaîne par un lien adversatif : 'Mais après 40 ans de carrière Sébastien ne veut plus avoir de compte à rendre, il a vendu plus de 3 millions de disques et a écrit une quinzaine de livres...'" écrit-il après coup dans sa tribune. Quant à la définition avancée de "populaire" et de "populiste" par Patrick Sébastien ("Je suis populaire donc je suis beauf... comme une fille belle dont on dirait c'est une pute... Moi je suis un humaniste. (...) Populiste... ? Il faudrait qu'on m'explique, je revendique mon amour du peuple"), le chroniqueur lui répond dans cette tribune.
"Je vous explique Monsieur Sébastien. 'Populaire' et 'populisme' désignent deux réalités différentes. Populaire ou connu – ce qui n'est pas la même chose –, c'est être aimé d'un public. Populiste, c'est opposer un peuple 'vrai' aux élites qui ne feraient pas partie du peuple" écrit-il. Par la suite, dans le reportage, la voix off parle de Paris comme "là-haut, le lieu du pouvoir... tout ce que Sébastien déteste". "Ce commentaire épouse parfaitement votre pensée et est au service de votre gloire. À preuve, cet enchaînement sur cette 'intelligentsia parisienne qui l'épingle' et que je représente. On me donne à nouveau la parole pour tendre à l'animateur un punching-ball qui lui permette de régler ses comptes. Que l'animateur me méprise, d'accord, mais de quel droit le commentaire emprunte-t-il sa vision pour stigmatiser un 'chroniqueur du Nouvel Obs' ?" s'indigne François Jost dans sa tribune.
"Ce n'est que le début des insultes. De retour en plateau, Sébastien avec l'aimable complicité de Benoît Duquesne va déverser toute sa haine contre les élites. Je suis le 'degré zéro du journalisme', affirme-t-il rageusement face à son interviewer, qui continue à me présenter comme un journaliste, alors qu'il sait bien que je suis d'abord professeur à la Sorbonne Nouvelle. S'il ne le sait pas, il est bien le seul" poursuit-il. "Pourquoi les journalistes s'en prennent-ils à lui ? Parce qu'ils sont jaloux de sa popularité ! Et ce n'est pas bien de leur part car ils ont des 'qualités intellectuelles innées'" ironise François Jost.
De plus, le professeur de la Sorbonne et chroniqueur du Nouvel Observateur reproche à Benoît Duquesne de n'avoir jamais expliqué la différence entre "populaire" et "populisme". "Pourtant, il me semble qu'à l'heure des européennes où l'on parle tous les jours des partis populistes, cela aurait été un bon 'complément d'enquête'" lance-t-il. "En d'autres temps, on aurait fait un reportage sur Sébastien et l'on aurait demandé ensuite à des penseurs de commenter son populisme. Aujourd'hui, c'est le contraire, c'est le saltimbanque qui commente les penseurs, avec tout le mépris qui est dû à 'l'intelligentsia'. Ma place dans ce dispositif était prévue d'avance : il fallait absolument trouver une cible intellectuelle à Sébastien pour parfaire son image de gentil. Je croyais répondre à une interview qui analysait un phénomène de popularité, alors qu'il s'agissait de légitimer un des animateurs-vedettes du service public" conclut François Jost.