Société de production indépendante, Jara Prod produit notamment l'émission hebdomadaire "Médias le Magazine" chaque dimanche sur France 5. Depuis octobre dernier, Jara Prod est aussi derrière "La Quotidienne", le nouveau programme de la mi-journée de France 5. Au terme d'une saison riche en évènements, le patron de cette société de production, Christophe Koszarek, a accepté de faire le bilan avec puremedias.com de ses deux émissions phares. L'occasion pour lui d'évoquer également les évolutions à attendre pour la saison prochaine mais aussi les axes de développement de son entreprise.
puremedias.com : France 5 a décidé de renouveler "Medias le Magazine" pour une saison de plus. La chaîne est donc satisfaite de l'émission malgré une érosion de son audience depuis quelques années ?
Christophe Koszarek : Oui, la chaîne est satisfaite. Le virage éditorial voulu par France 5 avec un recentrage sur le décryptage et le débat d'idées a été pris avec succès par l'émission et on s'apprête à commencer notre septième saison. L'émission s'inscrit dans l'ADN de France 5. Après, l'offre d'information est très forte le dimanche midi. Il est normal que l'audience se fragmente.
L'intellectualisation du débat autour des médias, c'est logiquement moins rassembleur ?
C'est un virage éditorial que la chaîne a voulu et assume. On travaille en parfaite cohérence avec elle là-dessus. France 5, c'est la chaîne de la connaissance. L'émission doit donc s'inscrire davantage dans le décryptage et l'explication de la fabrication de l'information. C'est une offre pour laquelle nous savons qu'il y a un public.
La concurrence des émissions médias est rude, notamment depuis l'arrivée du "Tube" de Canal+ programmé la veille. Comment se différencier ?
"Le Tube", c'est un peu "Médias le Magazine" il y a quatre ans. Aujourd'hui, on a 7 ans. Il paraît que c'est l'âge de raison. On cherche donc à faire autre chose. "Médias le mag" c'est une marque et un ton. Les questions que l'on soulève ne sont pas traitées par les autres émissions médias du PAF. On n'est donc pas en concurrence avec elles. Nous sommes juste complémentaires. Et puis s'il y a autant d'émissions sur les médias, c'est que la matière intéresse le public.
Des changements sont-ils attendus pour la saison prochaine ?
On va avoir un nouveau décor, un nouvel habillage et de nouveaux rendez-vous. On aura notamment plus de reportages et un invité "fil rouge" qui sera le grand témoin des évènements médiatiques de la semaine. On retrouvera évidemment Thomas Hugues à la présentation. Du côté des chroniqueurs, Alice Antheaume, notre spécialiste du numérique, est une interface importante avec notre audience sur les réseaux sociaux. Elle a 160.000 followers. On va profiter de son expertise pour analyser l'évolution des usages et faire de la prospective. Un nouveau chroniqueur télé va nous rejoindre. On garde également les magnétos emblématiques du programme comme "La semaine médiatique" de Bruno Donnet, le "Coup de com'"et "Denis décode". On s'intéressera aussi aux programmes à venir à l'étranger et en France. L'idée est enfin d'avoir une émission qui puisse exister en dehors de sa diffusion à l'antenne. On va donc décliner la marque. On a ainsi conclu un partenariat avec LeMonde.fr, à qui l'on fournira chaque semaine un format vidéo inédit autour du numérique et de ses acteurs.
"La Quotidienne", votre autre émission phare, a connu un démarrage difficile, avant de progresser un peu grâce à quelques ajustements, quel bilan faites-vous de cette première saison ?
Avant de parler des audiences, je voudrais rappeler ce que voulait faire France 5 au départ. La chaîne cherchait une émission de conseil autour de la consommation qui soit aussi citoyenne, solidaire et s'intéressant aux nouvelles formes de consommation. Le tout, en amenant de la bonne humeur. L'idée était donc d'abord de répondre à une volonté éditoriale mais aussi de remplir une mission de service public. Ces deux objectifs ont été remplis par l'émission.
Si France 5 est satisfaite du contenu, l'est-elle des audiences ?
Concernant les audiences, la chaîne nous a prévenu dès le début que ça allait être très difficile. Nous sommes à midi, la tranche la plus dure de la journée car les habitudes à cette heure-là sont très ancrées. Pendant 11 ans, France 5 ne s'est adressée qu'à des enfants avec "Midi les Zouzous". Les adultes ne venaient pas voir France 5 et ils avaient déjà des habitudes de consommation très installées. Je rappelle que Nagui (animateur de "Tout le monde veut prendre sa place", ndlr) est installé depuis presque 10 ans sur France 2. Jean-Luc Reichmann ("Les 12 coups de midi") depuis 14 ans sur TF1. Sans parler des journaux régionaux très puissants de France 3. On devait donc créer de la notoriété autour de l'émission et de son duo inédits d'animateurs (Maya Lauqué et Thomas Isle, ndlr) qui, même s'il est très bon, n'était pas connu du grand public à l'époque. Cela prend donc du temps.
Si on regarde sur l'ensemble de la saison, on a doublé notre part d'audience entre le lancement en octobre et la fin des inédits fin mai. On est passé de 0,8 à 1,6% de part d'audience. C'est autant que les "Zouzous" après seulement 8 mois d'antenne. La tendance est donc bonne et on espère qu'elle s'amplifiera lors de la deuxième saison.
Sur quoi comptez-vous travailler pour l'année prochaine ?
L'équipe reste la même. Maya Lauqué et Thomas Isle restent, tout comme la bande les entourant : Gérard Michel, Valérie Durier et Fabien Bordu. Cette bande, c'est une vraie révélation et un des points forts de l'émission. C'est toujours difficile de créer une bande qui fonctionne. Or, les études qualitatives de France 5 nous disent que les téléspectateurs de "La Quotidienne" prennent plaisir à retrouver l'équipe qui donne chaque jour des conseils pratiques pour améliorer sa vie au quotidien avec un ton amusant et sans se prendre au sérieux.
Il y aura quelques nouveautés pour la rentrée prochaine. Notre chroniqueuse cuisine, Farida, va par exemple recevoir des guests chez elle et va partir chaque semaine en région à la rencontre des producteurs locaux et des commerçants pour parler de la cuisine du terroir. Le vendredi, on va aussi parler de jardinage avec Alain Baraton, le jardinier du château de Versailles. On ira aussi dans les villages de France pour faire découvrir le travail des artisans. On réfléchit également à délocaliser "La Quotidienne" dans un lieu en accord avec le concept de l'émission.
Depuis plusieurs années, vous vous êtes fait le défenseur de la création originale française. N'est-ce pas à contre-courant de la tendance actuelle des chaînes d'acquérir des formats déjà testés à l'étranger ou de faire des remakes d'anciennes émissions ?
Non, cette tendance est peut-être vérifiable pour les chaînes commerciales mais moins pour le service public. Et encore. Plusieurs chaînes privées comme TF1 par exemple ont très envie de développer des formats français originaux pour une raison simple. Elles ont compris que le meilleur moyen de créer de la valeur était de posséder les droits des formats. Quand on crée un format, c'est créateur de valeur.
Les chaînes commerciales en ont-elles vraiment conscience ?
Oui, elles tentent de le faire. Après, encourager la création française et accompagner la production indépendante est avant tout la mission de la télévision publique.
Quels sont les axes de développement de Jara Prod ?
Pour l'instant, nous produisons "Médias le Magazine", "La Quotidienne", "Sénat Info" (diffusé sur France 3, ndlr) et du documentaire. Nous allons nous diversifier dans le divertissement au sens large. Il ne s'agira pas forcément d'émissions de plateau. Nous allons explorer toutes les formes d'écriture permises par ce genre. Quand on regarde l'évolution des usages, on constate que la fiction est de plus en plus consommée en délinéarisé. Donc tout naturellement les chaînes de télévision auront de plus en plus besoin des programmes de flux.
Pas de fiction à l'horizon ?
Ce n'est pas exclu mais pas tout de suite. Nous ne voulons pas nous éparpiller. La fiction demande beaucoup de temps.
Vous travaillez beaucoup avec France Télévisions. Comment vivez-vous en tant que producteur les nombreux changements de dirigeants ces derniers mois ?
J'ai la chance de travailler principalement pour France 5 dont la grande force est la stabilité. De manière générale, France Télévisions souffre en effet d'une instabilité. Mais au-delà de ça, je pense que le principal enjeu pour le groupe public est que l'Etat préserve ses ressources. Si le financement de France Télévisions est mis en danger, c'est toute l'industrie de la production indépendante qui sera mise en danger. Il faut sanctuariser les moyens de France Télévisions sinon on favorisera les groupes de production étrangers et la diffusion de séries étrangères. Pour avoir une télévision publique forte, on pourrait par exemple imaginer que le CNC participe au financement des programmes de flux (programmes destinés à être diffusés une seule fois comme les émissions de plateau par exemple, ndlr) comme il le fait pour le cinéma, l'animation et le documentaire.
"La Quotidienne" sera à l'antenne sur France 5 de juin à août sous la forme de best of (vidéo ci-dessous).