"On n'est pas dans ce truc-là". Début mars, quand Léa Salamé était interrogée par puremedias.com sur la possibilité de dépasser les 20 points de PDA avec "Quelle époque", elle essayait de ne pas y penser, se satisfaisant de ses bonnes performances sur France 2. Un mois plus tard, son émission du samedi soir a pulvérisé cette barre symbolique et a atteint le 1er avril 22,4% des individus de quatre ans et plus, selon Médiamétrie. Un record dans cette case depuis... le 15 avril 2017 ! Analyse du phénomène de la saison télé.
C'est une nouvelle Léa Salamé que les téléspectateurs ont découverte cette saison. Longtemps installée dans le rôle sérieux de l'intervieweuse politique ou intello de la présentatrice culture, la journaliste s'est imposée en cheffe de bande décontractée dans "Quelle époque". Entourée de ses trois hommes, elle est parvenue à trouver l'équilibre parfait entre divertissement et information, sans tomber dans la caricature du talk show. "Je ne me suis jamais lâchée comme ça. Même moi, ça me fait du bien. Je n'ai jamais été aussi libre dans ma vie dans une émission télé", nous a-t-elle confié. Et d'ajouter : "Je ne me suis jamais sentie aussi moi-même que là". Et pour le téléspectateur, ça se sent.
Et du côté de France 2, Léa Salamé a plus que réussi son pari personnel. "Elle a amené un ton et une personnalité à la télévision. Quoi qu'il arrive, 'Quelle époque' marquera un tournant dans sa carrière car elle est devenue incontournable. Léa apporte une fraîcheur, une intelligence et une liberté de ton qui n'étaient plus attendues à la télévision", confie à puremedias.com Stéphane Sitbon-Gomez, numéro 2 de France Télévisions.
Certains le pensaient fini, d'autres has-been. Christophe Dechavanne a fait taire les critiques et s'est révélé dans son nouveau statut de chroniqueur - oui, oui, "invité permanent", si vous insistez - qui le sied à ravir. Son travail se ressent. Il est pertinent dans ses interventions et impertinent dans la manière de les conduire. "Là où il est le meilleur, c'est dans sa répartie et dans son naturel", nous a lâché Léa Salamé. Et de concéder : "Ce que j'aime chez lui, c'est quand il va chercher une question à l'homme politique que jamais je n'aurais pensé poser. Il a toujours un point de vue différent du journaliste politique".
Et justement ses prises de positions divisent, cristallisent et bousculent. Jamais les téléspectateurs ne l'ont vu ainsi. A la fois cadré par une émission structurée, à la fois feu follet incontrôlable. Avec l'ancien animateur rockstar de "Ciel mon mardi", il se passe des choses. Ce n'est pas aseptisé. "Il est populaire et pertinent. Il a eu la grande intelligence d'accepter une place qui est à contre-courant de toutes les habitudes de la télévision", salue Stéphane Sitbon-Gomez. Et de souligner : "Il a joué le jeu avec son intelligence et sa créativité. Finalement, il est fidèle à ce qu'il a été depuis le début à la télévision. Il n'est pas là où on l'attend".
D'ailleurs, ce retour en force de l'homme au célèbre gimmick "Sortez couverts !" pourrait le conduire à de nouveaux projets sur France Télévisions. "On discute depuis un moment. Moi, je pense qu'on va lancer de belles choses. Il a eu cette intelligence de ne pas être boulimique et ne pas chercher à marquer son grand retour. On sait faire les choses pas à pas", avance le bras droit de Delphine Ernotte.
Il est l'humoriste le plus en vue des médias. Pas très étonnant qu'il participe aussi au succès du samedi soir de la Deux. Celui qui manie les blagues comme des shurikens fait mouche chaque semaine avec ses deux chroniques devenues des rendez-vous attendus. Trash, sans filtre, décomplexé, Philippe Caverière est l'un des seuls du PAF à pouvoir balancer les pires atrocités, avec le sourire. Au grand dam de Léa Salamé, se cachant régulièrement derrière ses mains : "Allez savoir pourquoi ça passe... Peut-être à cause de sa gueule d'ange".
"Il mérite ce succès. C'est un vrai généreux, un gentil et un hypersensible. Avec lui, tout passe. Il doit son succès à lui-même. Il ressemble à ce qu'il est", confie à puremedias.com Thomas Sotto, celui qui a lancé Philippe Caverivière, anciennement auteur de Nicolas Canteloup, dans "RTL Soir" en 2019. Et d'ajouter : "Je savais qu'il était d'une drôlerie incroyable. Je n'avais aucun doute à ce qu'il soit efficace. Il avait déjà un succès d'estime et professionnel. Il a explosé avec 'Quelle époque' et RTL. Aujourd'hui, il est en orbite et j'en suis très heureux".
Côté sniper, il est challengé par le talentueux Paul de Saint-Sernin, dans un poste qui rappelle celui de Laurent Baffie dans les shows de Thierry Ardisson. Du haut de sa tribune, l'ex-visage de la chaîne Téléfoot tire ses balles de sniper et les met dans le mille. "C'est notre 'petit qui monte'. Il est impitoyable, et en même temps, il n'est pas trop méchant, donc on a envie de partir en vacances avec lui. Je pense qu'il va exploser", a vanté la présentatrice.
Anne Sinclair, Enrico Macias, Laurence Ferrari, Patrick Bruel, Elise Lucet, Daniel Riolo, Cyril Féraud, Rachida Dati, Jean-Luc Reichmann, Marion Maréchal, Christiane Taubira, Sonia Mabrouk, Nicolas Bedos, François Hollande... La liste est longue et prestigieuse. La promesse du pluralisme des idées et de la diversité de ses convives est tenue. Et c'est ça aussi la force de "Quelle époque !" : son cast chaque semaine qui fait l'événement. Des noms qui donnent envie de veiller le samedi soir. Des personnalités dont on rêve de voir les idées se confronter. Des invités média qui réveillent la nostalgie des téléspectateurs. Des profils venant des réseaux sociaux et des plateformes qui concernent un jeune public, qui est pourtant censé déserter la télévision.
"Ils ont vraiment fait le choix de l'humeur et de la rencontre entre personnalités autour d'un même plateau. Ce n'est pas une succession d'interviews. Je trouve que c'est l'une des réussites de 'Quelle époque', ce sont les échanges entre les personnalités. Ce n'est pas uniquement pour faire de la polémique. Ca crée une vraie alchimie", estime Stéphane Sitbon-Gomez.
Des plateaux riches que "Quelle époque" doit aussi à un homme, le producteur, Régis Lamanna-Rodat. Le duo qu'il forme avec Léa Salamé permet d'ouvrir l'émission à divers publics, un plus élitiste et un autre davantage populaire. Deux mondes s'entrechoquent et ça donne cette "époque". "La réussite des grandes émissions de télé, c'est très souvent un couple entre un présentateur et un producteur", a souligné Léa Salamé. Et d'assurer : "Je lui fais vraiment confiance. On n'a presque plus besoin de se parler, on se comprend tout de suite".
Avec ce mélange Léa Salamé, Christophe Dechavanne, Philippe Caverivière, Paul de Saint-Sernin et ce cast notable d'invités, "Quelle époque" fait l'événement chaque semaine sur France 2. Le talk trouve toujours le moyen de faire parler de lui. De par ses échanges tendus et inattendus - Sonia Mabrouk et Elise Lucet ont adoré leur partie de ping-pong verbal -. De par ses moments suspendus - il faut revoir le live d'Enricos Macias à la guitare -. De par ses interventions qui questionnent - l'invitation du Serpent sur France 2 fait encore et toujours débat -.
C'était d'ailleurs le défi que s'était fixé la chaîne en lançant ce nouveau talk : redevenir un rendez-vous incontournable. "Il fallait que ce soit le programme dont tout le monde parle. Avant, on disait qu'on en parlait à la machine à café le lundi matin. Maintenant, ce sont sur les réseaux sociaux que ça se passe. Ca, 'Quelle époque' l'a vraiment réussi", assure Stéphane Sitbon-Gomez. Une force de frappe qui séduit forcément les services de presse, comme nous le souffle un célèbre auteur français : "Ma maison d'édition veut absolument que je participe à 'Quelle époque'. C'est une émission très prescriptrice. Elle fait décoller la vente de livres".
D'accord il y a le succès d'estime. Mais il y aussi le succès d'audience. Et c'est le cas pour la bande de "Quelle époque". "Je pensais que ça allait être un succès, mais personne ne s'attendait à ce que ça ne cesse de monter. L'émission va de record en record depuis le début de saison", lance le numéro 2 de France Télévisions, se félicitant d'avoir fait "mentir les pronostics" : "Ca dit quelque chose de la télévision. A la télé, tout est encore possible".
En moyenne et en audience veille, depuis son arrivée à l'antenne sur France 2, "Quelle époque" a fédéré 1,14 million de fidèles, pour une part de marché s'élevant à 16,6% des individus de quatre ans et plus, selon Médiamétrie. A ce stade, il s'agit de la meilleure saison - pour cette tranche du samedi soir de la Deux - depuis la saison 2017/2018. Autre critère encourageant, les scores sur les jeunes : en moyenne 13% sur les moins de 50 ans cette saison. Une performance encore plus haute sur cet indicateur sur les derniers numéros : 19% le 18 mars, 22,4% le 25 mars et 23,1% (!) le 1er avril.
Avec de tels chiffres, il serait étonnant que "Quelle époque" ne soit pas reconduite la saison prochaine sur la deuxième chaîne. "Ca ne fait pas de doute pour moi. On n'arrête pas les succès", sourit Stéphane Sitbon-Gomez.