Evénement ce soir sur Arte. Sept ans après avoir proposé l'exceptionnel "La journée de la jupe", un drame social intense pour lequel Isabelle Adjani avait décroché le César de la meilleure actrice en 2010, la chaîne franco-allemande retrouve l'iconique interprète, dans le rôle-titre de "Carole Matthieu", un film ouvertement engagé au fort pouvoir d'interpellation.
Pensé comme un thriller social, le film se propose de plonger dans le quotidien de Carole Matthieu, médecin du travail à Melidem, une banale entreprise de télé-conseil au sein de laquelle les salariés sont soumis à une pression permanente. Humiliations répétées, insultes et autres méthodes managériales parfois inhumaines y sont monnaie courante. De fait, Carole Matthieu est en première ligne pour faire face au mal-être de ses pairs. Une souffrance qui conduit logiquement à l'inévitable : le suicide de l'un des salariés.
Plongé au coeur de cet univers social ultra-violent, "Carole Matthieu" dresse le portrait d'une femme-éponge, consumée par le poids des douleurs qu'elle porte. Des douleurs qui lui sont étrangères et qui finissent par devenir siennes. Des douleurs qui contribuent à détruire son propre psyché. Des douleurs qui habitent en permanence chaque expression de son visage. Des douleurs qui sont finalement celles de milliers de personnes qui doivent quotidiennement y faire face dans le milieu du travail.
Interpeller sur cette réalité est l'évidente raison d'être de "Carole Matthieu". Tout comme "La journée de la jupe" qui jetait un éclairage criant de réalisme sur la détresse des professeurs abandonnés à leur sort dans des établissements de quartiers difficiles. In fine, derrière le jeu extrêmement fort d'Isabelle Adjani, les deux films se ressemblent parqu'ils ont en commun de dresser ce même tableau glaçant des violences sourdes qui transcendent notre société.
Le souci du réalisme pregnant de "Carole Matthieu" ne doit rien au hasard. Le film est librement inspiré du roman de Marie Ledun, "Les visages écrasés". Par ailleurs, durant le tournage, le réalisateur Louis-Julien Petit ("Discount") a mené un long travail d'enquête sur le terrain auprès de médecins du travail. En définitive, interrogée par "Le Parisien", Isabelle Adjani confie espèrer que "Carole Matthieu (fasse) prendre conscience que nous participons à une société qui parfois pousse l'humain à bout", ajoutant qu'elle souhaite que ce film "engage une réflexion citoyenne".
"Carole Matthieu"
Un film réalisé par Louis-Julien Petit
D'après l'ouvrage de Marie Ledun, "Les visages écrasés"
Avec Isabelle Adjani (Carole Matthieu)
À voir ce soir, à 20h55, sur Arte