Une tribune qui ne passe toujours pas. Six mois après la publication dans "Le Monde" d'un texte co-signé par 100 femmes défendant "la liberté d'importuner" pour les hommes dans le contexte de l'affaire Harvey Weinstein et de la libération de la parole chez les femmes, Isabelle Adjani revient sur la polémique ce mercredi dans "Les Inrocks". "C'était la pire chose à faire !", estime-t-elle. Et de préciser le fond de sa pensée : "Comment ces femmes ont-elles pu oublier la situation de ces autres femmes, et je ne parle pas que des actrices, loin de là, mais de toutes celles victimes d'abus sexuels, de violences conjugales, et qui commençaient à s'y retrouver pour aller se défendre ?".
Visiblement très énervée vis-à-vis de cette tribune, elle enfonce le clou : "Comment peut-on prendre le risque d'anéantir ça ? Et au nom de quoi ? D'une histoire culturelle du libertinage... Comme si c'était ça qui était en jeu". L'actrice avait elle-même pris la parole au mois de novembre dans "Libération" aux côtés de l'avocate Léa Forestier pour dénoncer les non-dits sur les violences sexuelles dans le cinéma français. "On est juste au début d'une remise en cause d'un fonctionnement qui macère dans le déni depuis une éternité. Les actrices sont singulièrement fragilisées par l'abus", juge celle qui sera à l'affiche le mois prochain du nouveau film de Romain Gavras, "Le monde est à toi".
"Nous sommes un réceptacle de désirs et de violences. Mais nous cherchons un vecteur de sublimation. Rien ne justifie qu'unilatéralement on fasse sauter le verrou de la sublimation pour lui substituer une prédation animale", souligne Isabelle Adjani. Elle constate que le sujet est toujours aussi délicat à aborder dans le milieu du cinéma français. "Je me sens plus proche des actrices américaines de ce point de vue, qui sont plus vigilantes et plus organisées", confie-t-elle.
Malgré tout, l'inoubliable interprète de "La reine Margot" observe un ralentissement du phénomène de harcèlement touchant les femmes depuis l'essor du hashtag #MeToo, "mais dans un ricanement excédé des hommes. Et de certaines femmes aussi d'ailleurs, puisqu'il y a des gardiennes du machisme qui sont pires que les hommes", regrette l'actrice.
En janvier dernier, quelques jours après la parution de la tribune dans "Le Monde", une de ses signataires, l'actrice Catherine Deneuve avait présenté ses excuses dans "Libération", tout en regrettant le dérapage médiatique d'une autre personnalité signataire, Brigitte Lahaie, qui avait affirmé à la télévision qu'on pouvait "jouir lors d'un viol", avant de présenter à son tour ses excuses.