Comment Anne-Élisabeth Lemoine se prépare-t-elle pour présenter "C à vous" ? Dans cette seconde partie d'entretien accordé à puremedias.com, l'animatrice de l'access de France 5 raconte notamment quelle place l'émission prend dans son quotidien et fait part de ses envies, notamment dans le cadre du Festival de Cannes, pour "C à vous, la suite".
Propos recueillis par Ludovic Galtier
Vous concernant, vous entamez votre sixième saison à l'animation de "C à vous". Ni Alessandra Sublet, ni Anne-Sophie Lapix ne sont restées aussi longtemps dans ce fauteuil. Comment travaillez-vous afin de vous renouveler dans cet exercice, alors que le format, lui, est le même chaque jour?
Anne-Élisabeth Lemoine : Ce que je sais, c'est que j'ai gagné en expérience. J'ai appris à connaître les téléspectateur de "C à vous" parce qu'il me parle beaucoup. Je suis attentive à leurs retours. Je lis beaucoup les réseaux sociaux, j'ai carrément créé des liens directs avec certains de nos téléspectateurs. Je ne les ai jamais rencontrés mais ils me donnent leur avis quasiment tous les soirs, comme mon père. Tous les matins, je me dis qu'il faut tout refaire...
C'est-à-dire ?
Avoir le bon invité, poser les bonnes questions, être dans le rythme. Ce qui est sûr, c'est que je me permets d'être plus libre. J'essaie au maximum de me libérer de mes fiches, de me faire confiance, de faire de plus en plus confiance à ceux qui m'entourent. Si tu te trompes, ce n'est pas grave. La perfection ne sera de toute façon jamais mon fort, c'est peut-être cela qu'aiment les téléspectateurs.
"Tenir deux heures d'antenne chaque soir est intense physiquement"
Comment avez-vous géré la demi-heure supplémentaire - de 20h20 à 20h55 - que France 5 vous a accordée la saison dernière et qui perdure aujourd'hui ?
Il n'y a rien de pire que la peur du vide à la télévision. Si vous avez la peur du vide, vous comblez l'émission n'importe comment. J'ai tout de suite pris le parti de faire confiance à nos invités qui ont des tas de choses à dire et de nous faire confiance. En revanche, il a fallu préparer des interviews plus longues, plus musclées, plus rythmées, plus structurées. Avant, on partait sur treize minutes d'interviews, aujourd'hui cela peut aller jusqu'à vingt minutes.
Et d'un point de vue plus personnel, cette demi-heure supplémentaire a-t-elle eu un impact ?
Je ne me suis pas rendue compte tout de suite ce que c'était de tenir deux heures d'antenne. C'est physiquement intense. C'est dense, il a fallu prendre le rythme, cela veut dire fabriquer plus aussi, avec le même nombre de personnes. Mais cette demi-heure supplémentaire était une chance dingue.
Quelle est votre début de journée type à "C à vous" ?
Ça commence avant que l'on se retrouve ici (à Mediawan, ndlr). Dans la mesure du possible, je ne me couche jamais sans avoir lu "Le Parisien", "Le Figaro", "Libé". Le matin, j'écoute la radio et je lis Twitter. Dès le soir, j'envoie une capture écran d'un papier du "Parisien" et je dis à l'équipe que cela peut-être une piste. De cette façon, je sais que le matin, les choses sont lancées par les productrices et Christian Desplaces, notre rédacteur en chef en qui j'ai totale confiance. C'est lui qui m'a recrutée chez Fogiel (en 1998 pour l'émission "TV+" sur Canal+, ndlr).
Question emploi du temps toujours, continuerez-vous à être en direct le vendredi soir ?
Cela fait très longtemps que nous avons arrêté d'enregistrer le jeudi pour le vendredi. L'actualité liée à la crise sanitaire nous l'imposait. Pendant l'année présidentielle, il était hors de question de ne pas être en direct. "C à vous" est une émission d'actualité donc nous continuerons à être en direct. Pour la partie culture (à partir de 20h, ndlr), cela peut s'aménager en fonction de nos invités mais pour la partie actu, il n'y a rien à faire.
"Demain, on démarre les spéciales du vendredi avec France Inter"
Cela vous favorise-t-il par rapport à la concurrence ?
Le vendredi est pour nous un jour très fort avec nos spéciales. Notre partie après 20h qui a le mieux marché l'année dernière, hors spéciale Emmanuel Macron, c'était la spéciale Portugal. Maintenant, les téléspectateurs ont pris cette habitude. Vendredi, on démarre avec une spéciale France Inter avec Nicolas Demorand, Léa Salamé, Nathalie Iannetta, Adèle Van Reeth, la nouvelle directrice de la station, et Aymeric Lompret. La semaine d'après, "C à vous" se mettra à l'heure corse. Pour nous, c'est hyper intéressant, on thématise, c'est moins promo et puis c'est un vrai rendez-vous dans la semaine. C'est le jour du "lâchage".
De la même façon que vous avez fait un duplex avec "Quotidien" en avril 2020 pendant le confinement, un duplex avec " TPMP " est-il envisageable ?
Si la question m'était posée, je réfléchirais avec plaisir. Il n'y a pas de liste noire. Il y a une concurrence que l'on respecte.
La concurrence, justement, s'est saisie de la campagne présidentielle. Partagez-vous l'avis personnel de Patrick Cohen, selon lequel "chez Cyril Hanouna (qui a couvert la présidentielle la saison dernière dans 'Face à Baba'), tout est au service du clash, du spectacle et des coups bas" ?
Je ne ferai aucun commentaire sur les émissions des concurrents que je respecte.
"'C à vous'" pourrait être candidate à l'organisation d'émissions spéciales à Cannes en 2023"
N'avez-vous pas été personnellement frustrée quand vous avez appris que vous ne seriez pas l'élément central du dispositif de France Télévisions pour le Festival de Cannes ?
En année présidentielle, il n'en était pas question. Nous n'avions pas notre place à Cannes, nous devions être à Paris pour traiter des sujets d'actualité. Mais je n'aurais pas dit non, j'aurais même été ravie qu'on fasse une ou deux émissions spéciales le vendredi.
Lancez-vous donc un appel aux dirigeants de France Télévisions pour 2023 ?
Oui, nous pourrions être candidat. Encore une fois, une émission spéciale le vendredi à Cannes aurait du sens parce qu'on est l'émission quotidienne qui parle de culture pendant cinquante minutes ('C à vous, la suite', ndlr). Après, c'est une économie, ce n'est pas l'économie Canal, c'est l'économie service public.
On vous a vu sur France 2 ces derniers mois ("6 à la maison", "Le grand échiquier"). Avez-vous des projets avec la Deux ?
Pour l'instant, j'ai "C à vous", un programme quotidien de deux heures. Maintenant que l'on a installé l'émission, il faut confirmer. Parfois, on me propose des projets qui impliqueraient que je quitte "C à vous" plusieurs jours. Ce n'est pas possible, je n'y arrive pas. Je trouve cela bien d'ailleurs, que ce soit Cyril Hanouna, Yann Barthès et moi-même, que l'on se concentre tous les trois sur ces talks. C'est une forme de respect pour le téléspectateur.
Que vous inspire la suppression de la redevance audiovisuelle votée cet été par le Parlement ?
Cela nous inspire de la vigilance. La télévision publique doit encore avoir les moyens de faire de la bonne télévision publique. Après, l'État s'engage à compenser, à voter les budgets prévisionnels pour que les investissements puissent être faits avec en tête l'idée de savoir ce qui se passera dans quatre ou cinq ans. Je trouve personnellement que la redevance, c'est bien. Rien n'est gratuit. La redevance était un moyen pour les téléspectateurs de nous demander des comptes.