L'attribution à Canal+ mardi des droits du Top 14 n'a pas manqué d'interroger sur la santé financière de beIN Sports. Longtemps accusée d'être un acteur irrationnel aux moyens illimités, la chaîne qatarie n'a visiblement pas été en mesure de présenter cette fois une offre supérieure à celle de Canal+.
Pour s'adjuger les droits du championnat de France de rugby, la chaîne cryptée a ainsi mis sur la table 74 millions d'euros par saison, soit "seulement" trois de plus que la somme avancée lors du précédent appel d'offres en janvier 2013. A tel point que certains observateurs s'interrogent désormais sur les limites financières auxquelles serait peut-être confrontée beIN Sports.
Des interrogations confirmées par une note sévère publiée mercredi par Natixis et révélée par Satellifax. Selon la banque française, la chaîne qatarie devrait ainsi enregistrer des pertes cumulées de 2,2 milliards d'euros sur la période 2012-2020. Dans son analyse, Natixis pointe notamment du doigt la "fragilité" du modèle économique de beIN Sports sur le long terme. Elle estime même que sa valorisation boursière en cas d'entrée en bourse serait "négative" de 2,65 milliards d'euros, ce qui est "théoriquement impossible" rappelle la banque. Si Natixis souligne que beIN Sports est soutenu par "un actionnaire important, de long terme et de référence", la banque estime "possible qu'un scenario de sortie soit à terme envisagé".
D'après les estimations de la banque, le nombre d'abonnés à beIN Sports devrait continuer à augmenter fortement dans les années à venir en passant à 3 millions en 2017 contre 2 actuellement. Le chiffre d'affaires de l'entreprise devrait quant à lui s'élever à 275 millions d'euros pour cette même année 2017. Pas de quoi compenser, selon Natixis, le coût de grille très important de la chaîne qatarie. Ce dernier devrait s'élever à 450 millions d'euros à partir de 2017, du fait des acquisitions de droits sportifs, contre 387 millions en 2014 (dont 50 de frais exceptionnels liés au Mondial au Brésil).
Si l'acquisition de nouveaux droits permet à beIN Sports d'augmenter son nombre d'abonnés, elle repousse aussi le nombre d'abonnés nécessaires pour atteindre le point d'équilibre (ou point mort). D'après Natixis, à droits constants, l'atteinte du point d'équilibre impliquerait pour beIN Sports d'avoir un parc de 6 millions abonnés. Un chiffre à encore augmenter en cas d'acquisition de nouveaux droits de diffusion. Et la banque de conclure, pessimiste : "La perspective de point mort nous semble toujours aussi irréaliste, ce qui explique notre valorisation négative".