Comme on pouvait s'y attendre, l'interview donnée aux Inrocks par Bertrand Cantat a rapidement déchaîné les passions médiatiques. Les réactions négatives ont été particulièrement vives dans la presse, à l'image de celle de Franz-Olivier Giesbert. Dans un éditorial au vitriol, le patron du Point n'a ainsi pas eu de mots assez durs pour condamner la démarche du chanteur. "Indécence, ignominie, on ne trouve pas les mots. La dignité aurait imposé le silence", a ainsi écrit le journaliste. Blâmant un chanteur qui "geint à longueur de temps", FOG a qualifié Bertrand Cantat "d'assassin narcissique", "as de l'auto-apitoiement". "Nous n'irons pas jusqu'à dire qu'il vaut mieux faire partie de la gauche alternative quand on a massacré sa femme, mais force est de constater que Bertrand Cantat bénéficie d'une incroyable mansuétude. C'est normal. Il a la carte, comme on dit" a fustigé en conclusion l'éditorialiste.
Même son de cloche du côté de Metronews. Dans un éditorial signé Jérôme Guillas, le quotidien a ainsi dénoncé une vaste entreprise de "victimisation". "Celui qui donnait des leçons à la Terre entière quand il était sur scène est incapable de ne pas se justifier, de ne pas se poser en victime" a critiqué le journaliste. Accusant Bertrand Cantat de fuir ses responsabilités avec ce "très joli coup médiatique", il a qualifié l'entretien de "sortie de route". Et quand le chanteur a affirmé au cours de l'interview ne pas être "le dernier des salauds", Jérôme Guillas a tenu à rectifier : "juste un salaud comme les autres, un salaud ordinaire". Avant de porter l'estocade finale : "De chanteur décadent, Bertrand Cantat est devenu chanteur pornographe".
Jérôme Guillas tout comme Franz-Olivier Giesbert ont ainsi rejoint les critiques déjà exprimées récemment par Catherine Ceylac. dans son émission "Thé ou Café" sur France 2. Samedi 5 octobre, cette animatrice avait déjà assigné un "devoir d'ombre" à Bertrand Cantat. "Qu'il vive libre n'est pas le problème, qu'il vive dans la lumière est indécent. Il a choisi le noir. Le désir, c'est qu'il y reste", avait-elle affirmé lors d'un édito inattendu en début d'émission.
De son côté, Le Figaro a moins critiqué les propos du chanteur que le travail de l'intervieweur des Inrocks. "En employant le tutoiement, le journaliste affirme d'emblée sa proximité avec le chanteur. Quitte à susciter une certaine gêne. Le ton de l'entretien est très empathique, comme une conversation entre amis à laquelle les lecteurs sont priés d'assister en silence" a critiqué Olivier Nuc. Ce journaliste du service culture passé par Les Inrocks a ainsi blâmé la complaisance de l'intervieweur : "On aurait apprécié des questions plus offensives et moins compassionnelles".
Anticipant les critiques, l'hebdomadaire avait pourtant cherché à se prémunir de tout procès en complaisance. Dans un long préambule, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire, Jean-Daniel Beauvallet, avait ainsi pris soin d'expliquer en détails la démarche de son journal. "On voulait lui parler non pas pour le disculper, le poser en victime : Bertrand Cantat, de ses mains, avait commis l'irréparable, l'indicible et avait été jugé pour cela" a rappelé le journaliste.
Avant de justifier le choix de sa rédaction : "Si on voulait lui parler, c'était qu'au-delà de la consternation causée par la mort de Marie Trintignant, au-delà de l'effroi face à ce meurtre passionnel absurde, on ne reconnaissait pas le Bertrand Cantat décrit par une certaine presse qui avait largement battu en dégueulasserie, lynchage et enquêtes bâclées les tabloïds anglais que la France sait si bien montrer du doigt".