Grande gagnante du nouvel accord sur la chronologie des médias, entré en vigueur en février dernier, Canal+ est autorisée à diffuser les films français et internationaux en exclusivité, seulement six mois après leur sortie au cinéma. Une stratégie couronnée de succès, à en croire les résultats d'un Baromètre, commandé par NPA Conseil et réalisé par l'institut de sondage Harris Interactive.
Les abonnés présentés comme "cinéphiles" - c'est-à-dire "pour lesquels le cinéma représente une motivation essentielle à l'abonnement à Canal+" - "ont particulièrement surconsommé les films sortis dans la nouvelle fenêtre de six mois", décrypte l'institut de sondage. Ainsi, à titre d'exemple, "Titane", de Julia Ducournau et avec Vincent Lindon, a été visionné par 29% des abonnés cinéphiles, contre 18% de l'ensemble des abonnés. Un résultat somme toute logique eu égard au profil des abonnés.
Autre statistique sans doute plus intéressante à analyser pour Canal+ : 33% des abonnés les plus cinéphiles jugent que l'offre cinéma de Canal+ s'est améliorée ces derniers mois. Dans le même temps, ils sont "seulement" 25% de l'ensemble des abonnés à être satisfaits de l'évolution de la programmation cinéma. Notons tout de même que 45% des profils "cinéphiles" - le taux grimpe à 54% chez l'ensemble des abonnés - n'ont remarqué ni amélioration ni détérioration de l'offre de films sur Canal+.
Cette offre s'installera-t-elle dans la durée ? Au moment de la signature de l'accord, censé s'étendre jusqu'à début 2025, diffuseurs et organisations du septième art s'étaient accordés pour faire un point d'étape début 2023. Pour l'heure, Maxime Saada en est satisfait. "La chronologie des médias en l'état nous convient", a-t-il insisté, lors de la conférence de presse de rentrée de la chaîne cryptée, le 14 septembre. Le PDG de Canal+ comme l'ensemble des professionnels devraient se retrouver le 4 octobre, au Centre national du cinéma et de l'image animé (CNC), pour "lancer le processus de bilan et d'éventuelle révision de l'accord (sur la chronologie des médias) signé le 24 janvier".
S'il avait satisfait Canal+ - qui conserve l'exclusivité de diffusion des films qu'elle a co-financés pendant neuf mois - l'accord avait mécontenté du monde dans le secteur de la SVOD, à commencer par Disney+. Comme Amazon Prime Video, la plateforme aux grandes oreilles, qui n'avait pas signé l'accord, peut proposer les films dont elle contribue au financement 17 mois après sa sortie en salles contre 36 mois auparavant.
Pour contourner cet "accord frustrant", qu'elle est tenue de respecter, Disney a annoncé au mois de juin que son dessin animé de Noël "Avalonia, l'étrange voyage" ("Strange World") sera mis en ligne sur Disney+ sans sortie préalable en salle. Une façon pour le géant du divertissement de protester contre la nouvelle chronologie des médias en France, seul pays à être concerné par cette annonce... La même menace est brandie par Disney concernant le deuxième volet de "Black Panther". Au moment de la signature de cet accord en février, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques craignait que ces nouvelles règles dissuadent les services de SVOD de sortir les films qu'elles produisent au cinéma, au profit d'une programmation immédiate sur leur plateforme.
De son côté, Netflix, dont le délai de diffusion des films qu'elle finance a été ramené de 36 à 15 mois après leur sortie en salles, est tout aussi contrariée. "Je pense que le délai approprié est de quelques semaines et non de quelques mois. Il faut s'adapter aux attentes des consommateurs. La France fait figure d'exception dans le monde, mais ce modèle n'est pas soutenable", estimait Ted Sarandos, co-PDG de l'entreprise, qui appelait à renégocier la chronologie des médias dans "Le JDD" en juillet.