Interview
Catherine Schöfer (Paris Première) : "Dans toutes nos productions, il y a de l'esprit"
Publié le 5 mars 2020 à 11:36
Par Benjamin Meffre
La patronne de Paris Première a accepté de répondre aux questions de puremedias.com.
Catherine Schöfer Catherine Schöfer© Ade ADJOU/M6
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Comment va Paris Première ? Depuis sa fondation en 1986, et son intégration au sein du groupe M6 en 2004, la chaîne payante continue de tracer son sillon. Son début de saison 2019-2020 a notamment été marqué par la suppression en catastrophe de "Chez Moix" et par son remplacement par "Rayon Cult'", une création incarnée par un nouveau visage : Daphné Roulier. Côté audiences, la chaîne du groupe M6 peut toujours s'appuyer sur ses marques historiques comme "La revue de presse", d"Zemmour et Naulleau" ou "Très, très bon", de François-Régis Gaudry. Prochainement, Paris Première compte aussi renforcer son offre de cinéma et de séries. Dès ce soir, elle inaugurera ainsi une nouvelle case de prime time dédiée au septième art et baptisée "Les films mythiques de Paris Première". Ce samedi en prime time, Paris Première proposera également en exclusivité la troisième saison de "Fauda", la célèbre série israélienne diffusée jusque-là sur Netflix. A l'occasion de l'arrivée à l'antenne de ces deux nouveautés, puremedias.com a rencontré la patronne de Paris Première, Catherine Schöfer.

Propos recueillis par Benjamin Meffre.

puremedias.com : Pourquoi diffuser en exclusivité la saison 3 de "Fauda" ? Quelle est la stratégie d'acquisition de Paris Première en matière de séries ?
Catherine Schöfer:
Nous diffusons principalement deux types de séries sur Paris Première. Tout d'abord, celles que je présenterais comme "de catalogue". Elles sont programmées en journée, et notamment en access prime time. Il s'agit de "Supercopter", de l'"Agence tous risques" ou encore des "Têtes brûlées". En prime-time, nous cherchons plutôt des pépites européennes ou américaines. Il doit s'agir de séries qualitatives, un peu plus exigeantes ou originales. "Fauda" s'inscrit dans cette deuxième catégorie tout comme "The Americans" ou "Nip/Tuck" que nous avons diffusées par le passé.

"Fauda" est une série d'action visant une cible plutôt masculine. Est-ce celle de Paris Première ?
Non, nous avons un public équilibré, même s'il est vrai qu'il est un peu plus masculin et âgé que celui des chaînes commerciales gratuites, qui visent généralement les FRDA-50 (Femmes responsables des achats de moins de cinquante ans, ndlr). "Fauda" est certes une série d'action mais elle peut plaire à tout le monde grâce à sa galerie de personnages incroyable, dont certains, féminins.

"Dans toutes nos productions, il y a de l'esprit" Catherine Schöfer

Vous allez aussi lancer dès ce soir une case cinéma baptisée "Les films mythiques de Paris Première". De manière générale, la programmation cinéma de Paris Première, c'est un peu le "ciné club" ?
Paris Première aime depuis toujours le cinéma. Nous y consacrons deux à trois cases par semaine. Nous avons toujours choisi de fortement éditorialiser notre offre de septième art. Nous offrons ainsi des films du patrimoine français, avec des cycles Fernandel ou Belmondo par exemple. Avec cette nouvelle case, nous voulons proposer des films de tous les horizons, qui ont marqué leur époque, et qui allient qualité et dimension populaire. Tous les genres seront représentés avec pour commencer "Usual Suspects", le célèbre film de Bryan Singer.

Vous diffusez des séries américaines vieilles de 40 ans comme "L'agence tous risques", des fictions quotidiennes de M6 vieilles d'une quinzaine d'années comme "Caméra café", mais aussi des courses hippiques, des émission culinaires, les "Grosses têtes", du spectacle vivant... Quelle est la ligne éditoriale de Paris Première ? On a parfois du mal à suivre...
Nous sommes une chaîne éclectique en effet, et différente. Paris Première est une chaîne culturelle, ce qui englobe la culture populaire. Et dans toutes nos productions, il y a de l'esprit.

Paris Première n'est donc pas une chaîne pour "Parisiens" comme son nom semble pourtant l'indiquer ?
Ah non, pas du tout. Nous avons beaucoup de téléspectateurs en régions. Il est vrai que nous trouvons souvent sur l'antenne une petite patte parisienne mais elle n'est pas là en opposition avec la province mais est davantage aspirationnelle.

"'Chez Moix' ne reviendra pas à l'antenne" Catherine Schöfer

Justement, Paris Première a longtemps été une chaîne laboratoire avec un esprit "canaille". Elle proposait des programmes innovants que la télé gratuite ne pouvait pas diffuser comme "93, faubourg Saint-Honoré" ou "Paris dernière", deux créations de Thierry Ardisson. Cet "esprit Paris Première" n'a-t-il pas disparu ces dernières années ?
Il n'a pas disparu. Ce qui est vrai, c'est que cet esprit se remarquait peut-être davantage à une époque où il y avait moins de chaînes, et pas du tout de plateformes. Aujourd'hui, vous trouvez une plus grande diversité de programmes et c'est peut-être pour cela que vous avez ce sentiment. Mais même après 30 ans d'existence, Paris Première continue de cultiver le débat et de miser sur la culture, à l'image de notre nouvelle émission avec Daphné Roulier "Rayon cult'", lancée en début de saison. Dans cette émission, nous n'avons pas de journalistes-chroniqueurs mais des personnalités hautes en couleurs, issues du monde de la culture, et qui viennent donner leur avis. Je pense qu'on ne peut voir cela que sur Paris Première. De la même manière, nous avons fait il y a quelques mois un documentaire sur les cons, "Les cons, une espèce presque rare". Nous avions alors mis une petite annonce "Paris Première cherche cons". Ce ton un peu irrévérencieux et impertinent est toujours la marque de fabrique de Paris Première.

Quel bilan d'audience faites-vous justement de la mise à l'antenne de "Rayon Cult'" ?
Nous sommes très satisfaits. C'est une émission culturelle de deuxième partie de soirée dont les audiences sont par nature limitées. Il faut aussi lui laisser le temps de s'installer. Mais faire 40.000 à 50.000 téléspectateurs comme c'est le cas, est déjà un excellent score pour nous. Nous sommes par ailleurs contents de cette émission qui ne ressemble à aucune autre émission culturelle, et nous sommes heureux d'avoir pu faire venir Daphné Roulier sur notre antenne.

Après quelques mois de silence médiatique, Yann Moix apparaît de nouveau à la télévision, notamment sur C8. Va-t-il revenir sur l'antenne de Paris Première où il animait "Chez Moix" ?
Il avait une émission, "Chez Moix", dont nous étions très contents. Le tollé qu'il a généré nous a obligés à prendre des décisions à ce moment-là. Cela ne veut pas dire qu'il ne reviendra pas à un moment à l'antenne. Mais cette émission-là précisément, non.

"Paris Première et RTL ont un public en commun" Catherine Schöfer

Parmi vos succès d'audience, il y a "La revue de presse" de Jérôme de Verdière. Ce n'est pour le coup pas une émission "parisienne"...
Oui, mais c'est typiquement l'esprit Paris Première. C'est un esprit français plus que parisien, celui des chansonniers. L'émission réalise de très bonnes audiences avec près de 300.000 fidèles en moyenne. Nous cherchons par ailleurs à y intégrer de nouveaux talents, porteur de ce même esprit. D'où l'arrivée récemment par exemple d'Elodie Poux, présente aux côtés d'autres figures plus installées comme Jacques Mailhot ou Bernard Mabille.

Ce genre d'émissions crée aussi des ponts naturels avec RTL, dont vous diffusez les "Grosses Têtes" de Laurent Ruquier...
Nous avons des liens naturels avec RTL. Nous diffusions d'ailleurs "Les Grosses Têtes" avant même le rachat de la radio par le groupe M6. Nous avions aussi déjà des incarnations en commun via "La Revue de presse" justement. Nous avons aussi développé cela avec par exemple l'arrivée récente de Cyprien Cini qui nous a rejoints dans "Zemmour et Naulleau", tandis que Sandrine Sarroche, toujours de "Zemmour et Naulleau", a intégré la bande de Stéphane Bern sur RTL. Paris Première et RTL ont un public en commun.

Ca ne vous dérange pas que France 2 diffuse des émissions des "Grosses Têtes" ?
Nous avons historiquement toujours partagé les talents. Nous partagions Thierry Ardisson, et nous partageons Laurent Ruquier. Nous préférons avoir le bon talent plutôt que de ne pas l'avoir, quitte à le partager.

"Nous préparons un documentaire avec Gérard Depardieu qui nous fera découvrir l'Ouzbékistan" Catherine Schöfer

Inventeur de plusieurs émissions emblématiques de Paris Première, Thierry Ardisson est désormais libre. Pourriez-vous re-travailler avec lui ?
On ne sait jamais. Nous sommes toujours ouverts à de nouveaux projets. Mais pour l'instant, notre grille est pleine.

Quels sont vos projets justement ?
Je ne peux pas encore vous le dire vraiment car il est un peu tôt dans la saison. Nous avons cependant quelques projets de documentaires comme celui d'un film sur la rivalité entre les villes de Paris et de Marseille, en football bien sûr, mais pas que. Nous avons aussi en préparation un documentaire avec Gérard Depardieu qui nous emmènera sur sa route de la soie et nous fera découvrir l'Ouzbékistan.

Votre mythique émission "Paris Dernière" reviendra-t-elle un jour à l'écran ?
Nous essayons d'inventer plutôt que de reprendre d'anciennes émissions.

Le fait qu'Eric Zemmour soit en quotidienne sur CNews depuis octobre n'affaiblit-il pas votre émission hebdomadaire avec lui ?
Nous faisons notre meilleure saison historique pour l'instant avec près de 140.000 téléspectateurs en moyenne chaque mercredi soir. Je me dis donc que cela cohabite plutôt bien. Et puis nous ne sommes pas du tout dans la même configuration. Avec "Zemmour et Naulleau", nous sommes dans du débat long, de fond.

Paris Première "disparaîtra si on ne la met pas en gratuit rapidement" disait Nicolas de Tavernost en 2015. Visiblement, les faits lui ont donné tort... Le passage en gratuit est-il toujours un objectif ?
Disons que tant que nous avons a les moyens de faire la chaîne que nous voulons, tout va bien. Mais lorsque nous renégocions nos contrats de distributions, il y a toujours un risque. Pour l'instant, nous avons de bons contrats.

Les programmes de Paris Première iront-ils sur Salto ?
Très honnêtement, je ne sais pas. Vous me posez une colle.

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