Comment se fabrique au jour le jour "Quotidien" ? Alors que l'émission animée par Yann Barthès revient ce soir sur TMC, puremedias.com est parti à la rencontre de l'équipe de Bangumi produisant le programme. Il y a là le on et le off de l'émission. Yann Barthès bien sûr, l'incarnation à l'antenne de l'émission, mais aussi Théodore Bourdeau, véritable cheville ouvrière veillant chaque jour dans l'ombre à la bonne fabrication du programme. L'animateur et le producteur éditorial de "Quotidien" ont accepté de nous révéler les coulisses de cette super-production quotidienne, d'évoquer leur rentrée et leur travail au jour le jour.
Propos recueillis par Benjamin Meffre et Kevin Boucher.
puremedias.com : A quoi va ressembler l'émission cette saison ? Qu'est-ce qui va changer ou demeurer ?
Théodore Bourdeau : Il faudra regarder ce soir mais l'émission ne va pas être bouleversée. Elle va ressembler à ce qu'elle était la saison dernière. L'idée est cependant de revenir aux sources, au décryptage de l'image et à la légèreté. Dans les deux premières parties de l'émission, on retrouvera la drogue dure de l'émission : de l'image, du reportage, du décryptage, du "pas de côté" comme aiment à dire les journalistes, là où la saison dernière, on était plus souvent dans de l'interview d'actualité. Autour de la table, on aura les ressources de Yann, probablement de Salhia (Brakhlia, ndlr) qui nous a rejoint, une rubrique d'Etienne Carbonnier. La troisième partie de l'émission, celle face aux "20 Heures", permettra de rentrer dans des formats plus longs de reportages et de recevoir des invités avec lesquels on se pose un peu plus que d'habitude. Après, sur la dernière partie de l'émission, l'idée est que ce soit aussi très dense en images, avec des rendez-vous très précis, dont un chronique humoristique par jour, en fin d'émission.
Yann Barthès : On aura globalement un conducteur beaucoup plus clair. Avant, c'était un peu le bazar parfois. On aura des rendez-vous précis à des heures précises.
Il y aura toujours un live musical ?
Théodore Bourdeau : Pas tous les jours, mais il y aura toujours de la musique dans l'émission.
Voulez-vous aussi faire moins d'interview promo ?
Yann Barthès : Oui, on a pu tomber dedans la saison précédente...
Théodore Bourdeau : Oui, ça fait partie du bilan de l'année précédente. Parfois, on en a fait un peu trop. On a envie de corriger cela. Cela explique notre retour à l'image mais aussi notre envie de révéler des gens dans les interviews, de faire découvrir des personnalités. Il ne faut pas que la case de 20h10-15 soit assimilée à de la promo.
Yann Barthès : Et si promo il y a, il faut que ce soit pour un livre, un disque, un film qui nous a plu.
Théodore Bourdeau : Après, il y a des promos de l'année dernière qu'on revendique à mort. Par exemple, quand Eddy de Pretto fait sa première télé dans l'émission, c'est de la promo : il vient vendre son album. Mais c'était génial : son live était top, son interview passionnante. Ca, on va continuer à en faire.
Justement, cette promo de l'année dernière, n'a-t-elle pas contribué à faire perdre du mordant à l'émission ?
Yann Barthès : Si, sûrement.
"Quotidien" ne va donc pas devenir le nouveau "Grand Journal" ?
Yann Barthès: Non, "Le Grand Journal", c'était avec Michel Denisot en 2004.
Théodore Bourdeau : On était tous les deux avec Yann au "Grand Journal". On peut vous assurer que ce n'est pas la même émission.
L'été a été marqué par "l'affaire Benalla", la démission de Nicolas Hulot. Pas de regret d'être partis en vacances à ce moment-là ?
Yann Barthès : "L'affaire Benalla", c'est dommage (rires).
"Etienne Carbonnier est super-sérieux !"
Quelle est votre journée type de travail ?
Théodore Bourdeau : A la rédac, on commence assez tôt, vers 8h30-9h. Certains sont même là avant, comme Laurent Macabiès qui fait le "Morning Glory" (sujet décalé autour des matinales radio, ndlr) chaque jour. Étienne Carbonnier prépare le "Canap''" (sujet décalé sur un programme télé, ndlr). Etienne n'est pas un mec qui déboule le soir sur le plateau, qui prend un texte et fait sa chronique. Il a des rushs de deux heures et demi d'une compétition de pétanque et il regarde tout ! C'est lui qui isole tout, monte, qui écrit par dessus. Il n'y a jamais une heure en trop dans sa journée, il a besoin de chaque minute, et il arrive donc tôt.
Yann Barthès : Il est super-sérieux Étienne ! (Rires)
Théodore Bourdeau : Oui, il est sérieux, appliqué et d'une grande régularité. C'est un point commun entre tous les gens qui incarnent des rubriques à l'antenne : ils sont sérieux et appliqués !
Yann Barthès : Et bosseurs !
Théodore Bourdeau : Oui, j'ai l'impression d'enfoncer des portes ouvertes, mais la télé, c'est compliqué à faire. Il y a ce qu'ils racontent à l'antenne, et ce qui les accompagne en images. Et ça, ça prend un temps fou ! "Le petit Q" de Willy Papa, c'est quatre-cinq minutes très montées, avec beaucoup d'habillage, de graphisme, de la recherche d'images d'archives. C'est un défi quotidien d'arriver à le faire. D'ailleurs, souvent, c'est terminé à la minute près (rires).
Comment se construit concrètement par exemple un "Petit Q" ?
Théodore Bourdeau : On dirait que c'est simple à l'antenne, mais ça ne l'est pas. Si Willy parle d'une soirée qui a duré deux heures, il faut qu'il regarde les deux heures, réfléchisse à l'écriture, sélectionne les images pour sa chronique. Il faut que l'équipe des graphistes planche dessus pour l'habiller. Il y a une équipe de documentation qui récupère les images, les range, les trie et leur propose des idées. Il y a les monteurs qui assemblent tout, puis le son, puis toutes les équipes de régie qui récupèrent tout ça et le diffusent dans l'émission.
Yann Barthès : Et c'est pareil pour tout le monde et pour toutes les séquences ! C'est lourd comme organisation une quotidienne !
Quelle est la suite de la journée-type ?
Théodore Bourdeau : Oui, pardon (rires). Donc première réunion tôt, vers 8h30-9h avec Laurent Bon, Guillaume Hennette, qui est en charge de tous les reportages, Julien Bellver et moi. On discute des sujets du jour. On se réunit ensuite avec la rédac et on se raconte le pré-conducteur du jour, qui est évidemment fait pour être chamboulé toute la journée. Quand le conducteur du matin est exactement le même le soir, c'est mauvais signe !
"Yann écrit quasiment tout ce qu'il dit à l'antenne"
Et vous Yann, quand arrivez-vous ?
Yann Barthès : Moi, j'arrive à 19h et je prends le blé ! C'est la télé, quoi ! (rires) Pour de vrai, j'arrive en gros vers 9h30-10h. Chaque année, je gratte 10 minutes de plus (rires). Théodore me dit ce qu'il s'est dit à la réunion du matin. Je regarde les images qui tombent, notamment de l'actu politique. J'écris mes textes. En début d'après-midi, avec Laurent Macabies, il faut écrire "Morning Glory".
Vous écrivez tous vos lancements ?
Théodore Bourdeau : Oui, je pense que c'est intéressant de le dire. Yann écrit quasiment tout ce qu'il dit à l'antenne.
Yann Barthès : Dès que ce n'est pas écrit par moi, ça se sent tout de suite...
Théodore Bourdeau : Oui, c'est vrai (rires) .
Yann Barthès : Ensuite vers 15-16h, on prépare et écrit les interviews du jour. A 17h, je vais en plateau.
Théodore Boudeau : Avant cela, je regarde et valide tous les sujets, les reportages, les images des chroniques. C'est le premier sas de visionnage où on commence à réarticuler le conducteur de l'émission, à ranger les choses de manière plus précise. La visibilité est beaucoup plus nette à ce moment-là, bien qu'on aime bien avoir beaucoup de couches de visionnages et de modifs pour que le truc soit nickel. Ce qui n'empêche pas, d'ailleurs, que des choses passent entre les mailles du filet. Vers 17h30, on part vers notre plateau (qui ne se situe pas dans les locaux de la rédaction, ndlr). On répète alors tous les éléments.
Vous faites une émission entière à blanc ?
Yann Barthès : Non, moi je ne veux pas voir les chroniques de Willy ou Étienne par exemple. Je veux découvrir des choses à l'antenne pour garder de la spontanéité. Hormis cela, on répète tout, même les interviews. Et on fait encore des modifs. Le texte est terminé à 19h, et l'émission commence à 19h15.
Théodore Bourdeau : Et encore... Toi, tu ne vois pas la face cachée de la régie (rires). En régie, jusqu'au dernier moment, on reçoit des choses. On modifie pendant les pubs des choses, des bricoles concernant les textes.
"Il y a un décalage d'environ cinq minutes entre l'enregistrement et la diffusion de l'émission"
L'enregistrement commence donc à 19h15 pour un début de diffusion à l'antenne à 19h20 ?
Yann Barthès : Oui, c'est ça. Il y a un décalage d'environ cinq minutes. Parfois, il n'a été que de trente secondes (rires).
Pourquoi ce décalage ?
Yann Barthès : C'est un filet de sécurité pour la maîtrise de l'antenne. C'est commun à la plupart des programmes. C'est prévu en cas de très gros problème lors d'un enregistrement, d'envahissement de plateau par exemple, pour que la régie de TF1 puisse reprendre la main à temps.
Mais il n'y a aucun remontage de l'émission entre l'enregistrement et la diffusion ?
Yann Barthès : Ah non ! C'est dans les conditions du direct. On a de toute façon pas le temps de retoucher. C'est d'ailleurs pour cela que parfois, on se fait chier ! Si on pouvait retoucher, on se ferait moins chier ! (rires).
Théodore Bourdeau : C'est pour cela aussi qu'il y a parfois des fautes d'orthographe qui passent à l'antenne !
Théodore, quelle votre plus grosse contrainte à gérer au quotidien ?
Théodore Bourdeau : Il n'y en a pas beaucoup. Cela reste très amusant à faire au quotidien. Après, c'est une émission longue, de près d'une heure et demi. Il faut toujours avoir en tête un peu tout le reste. Quand on voit une minute de sujet, il faut se demander comment elle va s'intégrer dans le reste de l'émission. Il faut veiller à ce que ce soit fluide, à ce qu'on ne traite pas deux fois la même info de la même manière. Mine de rien, sur une émission aussi longue, ça devient un point de vigilance.
Dans cette grosse machine en perpétuelle évolution jusqu'au dernier moment, on imagine que le responsable du prompteur a un rôle central ?
Yann Barthès : Le rôle du prompteur est ultra-important. C'est un entonnoir. Le pauvre Cédric Garot voit tout le monde et récupère les textes. C'est comme un énorme psy (rires). Tout le monde envoie son texte. En général, ils sont envoyés en même temps. Comme cela, c'est plus pratique pour lui (rires). Il doit tout mettre en page, changer en permanence les textes en fonction des ajustements du conducteur. Au dernier moment, il y en a toujours un qui arrive et qui lui dit : "Il y a une faute là, tu peux me le changer ?". Parfois, pendant la pub, je vois le prompteur défiler à toute vitesse pour faire les dernières modifs. Cédric a un boulot très, très compliqué mais il est super-efficace. Il transpire aussi, parfois, le pauvre... (rires)
Combien de personnes travaillent sur "Quotidien" ?
Théodore Bourdeau : C'est quasiment impossible de donner une réponse précise.
Yann Barthès : Nous sommes une quarantaine de personnes à la rédaction de "Quotidien". Nous avons une dizaine de personnes à la production, mais qui travaillent aussi pour les autres émissions de Bangumi, comme "Stupéfiant" sur France 2. Ensuite, il y a les monteurs, les gens en charge du son, de la post-production, les JRI. Ca, c'est pour la partie "bureau". Après, il y a la deuxième journée, celle de l'enregistrement de l'émission. Il y a les techniciens du plateau, la régie, la sécurité, la lumière, les gens qui s'occupent du public... En tout, rien que pour cette partie-là, il doit y avoir une centaine de personne mobilisées. Bref, il y a beaucoup de gens !
"Il y a d'autres projets d'émissions entre Bangumi et Vincent Dedienne"
Pour les visages de l'antenne, Martin Weill est annoncé comme moins présent dans l'émission quotidienne.
Yann Barthès : Il est toujours dans l'équipe et sera là lors de gros événements. Mais il a eu envie d'évoluer un peu, ce qui est normal. Donc nous allons faire des émissions de reportages un peu nouvelle génération avec lui en prime time, sur l'international, avec du terrain.
Théodore Bourdeau : C'est l'envie naturelle qu'il a eue de faire évoluer ce que nous avons commencé ensemble depuis 2013.
Au quotidien, les sujets internationaux seront donc incarnés par Baptiste des Monstiers ?
Théodore Bourdeau : C'est vrai, c'est ça. Mais tout le monde est amené à en faire.
Yann Barthès : Et il ne faut pas que ça change.
Vous avez recruté quatre personnes pour l'humeur et l'humour : Matthieu Noël, Alison Wheeler, Alex Ramirès et Pablo Mira. Nora Hamzawi, Jonathan Lambert, Eric et Quentin et Vincent Dedienne sont toujours là ?
Yann Barthès : Nora Hamzawi, Jonathan Lambert, Eric et Quentin sont toujours là.
Théodore Bourdeau : Vincent, lui, a une rentrée chargée...
Yann Barthès : Cela fait une semaine que je dis qu'il est à Lyon... alors qu'il fait une pièce à Saint-Étienne ! (Rires)
Théodore Bourdeau : Il avance aussi sur des films, il est très occupé. Mais dès qu'il sera dans le coin, il viendra.
Yann Barthès : Et il y a d'autres projets d'émissions entre Bangumi et Vincent.
Les quatre nouveaux venus, c'est pour renforcer l'humour et notamment la dernière partie de l'émission ?
Yann Barthès : Ce sont plus des coups de coeur avec des talents.
Théodore Bourdeau : On ne s'est pas dit qu'il fallait plus de gens rigolos. Ce sont généralement des gens que nous avons reçus sur le plateau. C'est le cas de Pablo Mira notamment, qui nous avait proposé un format qui nous avait plu lorsqu'il était venu. Alison nous avait aussi fait beaucoup rire lorsqu'elle était venu. C'était vraiment très naturel. Nous n'avons pas fait un casting d'humoristes où nous avons fait défiler le tout Paris.
"Laurent Wauquiez n'a toujours pas porté plainte, on attend ! "
Sur un autre sujet, où en sont vos relations avec Emmanuel Macron ? On a cru comprendre qu'il y avait eu des tensions...
Yann Barthès : Mais ils ont des tensions avec un peu tout le monde. (Rires) Je pense que nous avons les mêmes relations que les autres chaînes.
Mais vous n'êtes pas blacklistés ?
Théodore Bourdeau : Non non. On fait notre boulot. Après ils préfèrent certaines choses à d'autres, j'imagine. Mais après, par définition, les relations que nous pouvons avoir avec des partis politiques passent parfois par des désaccords. Cela a toujours été comme ça.
Yann Barthès : Et que nous soyons clairs, lorsque nous parlons de relations, c'est le journaliste qui s'occupe de ces sujets, Paul Larrutourou. Théodore et moi n'avons pas le téléphone du président, nous n'avons jamais l'Elysée en ligne...
Et avec Laurent Wauquiez ?
Yann Barthès : Il n'a toujours pas porté plainte, on attend ! (Rires)
Il accepte de vous parler ?
Théodore Bourdeau : Oui, on le suit sur le terrain.
Yann Barthès : A chaque fois, il nous dit qu'on est parisiens, qu'on n'est qu'entre journalistes sous les plafonds dorés... alors que je suis de la même région que lui. Je pense même que j'ai plus vécu dans sa région que lui ! (Rires)
Théodore Bourdeau : Et moi qui suis Parisien, j'ai passé toutes mes vacances en Haute-Savoie donc j'ai passé plus de temps dans sa région que lui ! (Rires)
Dans ceux qui refusent de vous parler, il y a toujours Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen...
Yann Barthès : Jean-Luc Mélenchon parle à Azzeddine Ahmed-Chaouch. Mais cela dépend toujours de la petite musique qui règne sur le parti...
Théodore Bourdeau : Il y a une vraie distinction avec le Front national où, pour le coup, nous ne sommes accrédités à aucun de leurs événements. Nous essayons donc de les couvrir autrement et de continuer à faire notre travail.
Vous aviez reçu Marine Le Pen en 2012 dans "Le Petit Journal". C'est quelque chose que vous pourriez refaire ?
Yann Barthès : Sa nièce plutôt non ? Ce serait plus intéressant en ce moment...
Mais pas Jean-Marie Le Pen, qui a récemment dit qu'il pourrait revenir ?
Yann Barthès : Non non, pas intéressant du tout ! (Rires)
"Si c'est être donneur de leçons que de dire 'Vivons tous ensemble, soyons libres, aimons-nous et ayons les mêmes droits', j'assume"
Cette saison va être marquée par les élections européennes. Cela veut dire que la politique va prendre une place encore plus importante que la saison passée dans "Quotidien" ?
Théodore Bourdeau : "Quotidien" est une émission qui a des valeurs donc ce qui se passe en Europe en ce moment, avec le basculement de plusieurs pays vers des partis populistes, c'est quelque chose qui nous intéresse, que l'on va couvrir et qui va connaître son apogée avec les élections européennes. Donc oui, ce sera un moment important pour nous comme pour toutes les rédactions françaises et européennes. Il se passe quelque chose d'important.
Yann Barthès : Même si les européennes ne font pas forcément rêver le téléspectateur, nous allons quand même essayer d'expliquer ce que c'est et pourquoi c'est important.
Vous parlez des valeurs de l'émission. L'un des reproches faits par les détracteurs de "Quotidien" est un côté "donneur de leçon", notamment sur l'égalité.
Yann Barthès : Si c'est sur l'égalité, j'assume. Les valeurs d'humanisme, anti-racistes, de liberté et d'égalité, j'assume totalement. Si c'est être donneur de leçons que de dire "Vivons tous ensemble, soyons libres, aimons-nous et ayons les mêmes droits", j'assume.
Théodore Bourdeau : Après, à partir du moment où nous traitons de la chose politique et où nous faisons du décryptage, c'est une préoccupation à avoir. On veille le plus possible à ne pas être donneurs de leçons.
Yann Barthès : Après, nous serons toujours du côté des valeurs que j'énonçais, du côté des valeurs de la liberté de la presse également. Et si l'on dit que c'est enfoncer des portes ouvertes ou être donneur de leçon, j'assume totalement. Même s'il ne faut pas que nous devenions caricaturaux ! Continuons à nous dire tous les jours que nous avons la chance d'être libre, égaux et de pouvoir dire ce que l'on veut.
Autre critique adressée parfois à l'émission : ses méthodes de tournages, captations et prises de son. Donnez-vous des instructions aux reporters sur ce qu'ils peuvent faire ?
Théodore Bourdeau : Nous avons le même matériel que tout le monde.
Yann Barthès : Certains disaient que nous avions des perches supersoniques, ultra-sophistiquées... (Rires)
Théodore Bourdeau : Que nous avions des micros spéciaux qui arrivaient à capter des conversations que les autres ne pouvaient pas capter ! Mais en tout cas, nous ne captons pas n'importe quoi et nous ne diffusons pas tout ce que nous captons. Nos méthodes sont les mêmes que les autres. Après, peut-être que dans la manière de parler aux politiques, nous avons une parole parfois un peu plus offensive...
"On ne ridiculise pas les politiques"
Toujours du côté des critiques, certains reprochent à l'émission la place des femmes, renforcée l'an dernier par l'arrivée de Lilia Hassaine et Nora Hamzawi, et désormais de Salhia Brakhlia et d'Alison Wheeler, en plus de Valentine Oberti. C'est une critique qui vous touche ?
Yann Barthès : Vu la liste, c'est plutôt infondé...
Certes, mais il y a eu plusieurs arrivées récentes.
Théodore Bourdeau : Nous ne faisons pas les comptes mais il est vrai que ça se rééquilibre. Mais c'est parce que Valentine était en reportage par exemple.
Yann Barthès : C'est vrai que, plusieurs fois, lors du pré-générique, je me suis retourné et je me suis dit "Il n'y a que des mecs, on est une équipe de foot", ce que je dis à l'antenne. Et le lendemain, vous pouviez n'avoir que des filles avec Lilia, Nora, Valentine... et Etienne. (Rires)
Théodore Bourdeau : Encore une fois, ce n'est que la face cachée de l'iceberg. Nous avons une équipe équilibrée à la rédaction. Et s'il y a de plus en plus de femmes à l'antenne, tant mieux !
Pour finir sur les critiques, n'avez-vous pas l'impression parfois de participer à la rupture du lien entre citoyens et politiques en vous moquant de ces derniers ?
Yann Barthès : On ne se moque pas. On ne les ridiculise pas. Le principe qui a toujours été celui du "Petit Journal" puis de "Quotidien", c'est que lorsque vous mettez une caméra quelque part, l'attitude et le discours changent pour plaire à son auditoire et avoir potentiellement des voix. C'est ce truc là que nous essayons d'exagérer et de montrer aux téléspectateurs. Est-ce que c'est se moquer que d'appuyer sur leur communication, le fait qu'ils se répètent ?
Parfois, si quelqu'un se gratte le nez dans l'hémicycle, vous le diffusez...
Yann Barthès : Oui mais les images étaient diffusées sur France 3 dans les "Questions au Gouvernement", et le sont maintenant sur LCP. Ce ne sont pas nos images. Cela nous fait rire. Mais ce n'est pas parce que vous vous grattez le nez que vous ne pouvez pas sortir une bonne loi ! (Rires)
Théodore Bourdeau : C'est pour cela que nous appelons ça "Les cancres de l'Assemblée". C'est parce qu'au bout d'un moment, quand vous mettez beaucoup de gens dans une seule et même pièce, il y a des gens qui rigolent, d'autres qui pensent à autre chose, d'autres encore qui font des mots fléchés, une majorité de gens qui travaillent heureusement... C'est une classe ! C'est plus ce raccourci-là qui nous a amusé.
Yann Barthès : Si vous saviez le nombre de lettres de députés que j'ai reçues, s'auto-appelant par le nom du sosie que nous leur donnions à l'antenne, disant "Je suis machin, je trouve ça très rigolo"... Ils étaient ravis !
Théodore Bourdeau : Nous allons le refaire plus régulièrement d'ailleurs.
Yann Barthès : Ils adorent donc on refait ! (Sourire)
"Tant mieux si on en inspire d'autres"
"Quotidien" inspire beaucoup de concurrents. Certains essayent de reprendre votre patte. Vous êtes plutôt flattés ou inquiets, à vous dire qu'il faut trouver un moyen de vous démarquer ?
Théodore Bourdeau : Un peu des deux. Tant mieux si on en inspire d'autres, c'est le propre de tout métier. Quand on propose quelque chose d'un peu nouveau, chacun le reprend et essaye de l'adapter à son propre style, et c'est cela qui fait avancer les choses. Quand on voit l'exemple de Salhia, qui a vraiment été formée au "Petit Journal" et avec qui on a longtemps travaillé et qui est partie le proposer dans un contexte de chaîne d'information en continu, avec une écriture un peu différente, pour revenir chez nous aujourd'hui. C'est assez vertueux de voir que les techniques circulent et s'adaptent chez les uns et chez les autres. Après, il s'agit que l'émission soit toujours surprenante et innovante. Mais même la méthode avec laquelle nous faisons les jingles a dû changer par rapport à ceux que nous faisions il y a dix ans.
Yann Barthès : Je pense que ça doit être irregardable aujourd'hui. Le premier "Petit Journal" est irregardable, je pense. (Rires)
En parlant concurrence, qui considérez-vous comme vos concurrents ? "C à vous" ? "Touche pas à mon poste" ? "On n'est pas couché" ? Les fictions de TF1, France 2 et M6 ?
Théodore Bourdeau : Le défi pour nous, c'est de fabriquer l'émission tous les jours. Moi, en régie, j'ai des écrans où je sais à peu près ce que les autres font. Mais après nous ne sommes absolument pas calqués là-dessus et nous n'allons pas changer ce que l'on fait en fonction d'eux.
Yann Barthès : Nous n'allons pas caler nos pubs en fonction de celles d'en face. Nous, on ne fait pas. (Sourire)
Théodore Bourdeau : Nos pubs sont beaucoup calées sur les JT. Quand il y a de la pub avant les deux gros JT, si nous le sommes aussi, c'est un peu une hérésie. Il faut qu'ont ait quelque chose à proposer. Idem après les JT. De là à tous les jours gratter une minute je ne sais pas où pour contrer je ne sais pas qui, ce n'est pas notre préoccupation quotidienne.
Il y a quand même une petite guerre au niveau des invités. On se souvient de Mamoudou Gassama, invité le même soir de "C à vous", "Touche pas à mon poste" et "Quotidien".
Yann Barthès : C'était ridicule.
Théodore Bourdeau : Peut-être que nous aurions dû le recevoir quelques jours après pour débriefer ce qu'il avait fait en plan média. C'était absurde de se disputer ainsi.
Le but est quand même d'arriver en premier sur un invité...
Yann Barthès : Forcément !
Théodore Bourdeau : Parfois, ça peut être plus pertinent de le faire quelques jours après. Typiquement avec Mamoudou Gassama.
Yann Barthès : Après, il y a toujours eu une guerre des invités, même du temps de "Tout le monde en parle".
"Nous préparons un documentaire sur Kim Kardashian pour TMC"
La priorité côté invités, ce sont les grosses stars ou les nouveaux talents ?
Théodore Bourdeau : C'est un savant mélange. Les grosses stars n'ont de sens que si on est excités à l'idée de les recevoir, si on a des choses à leur montrer ou à leur dire et si eux ont envie.
Yann Barthès : C'est important qu'ils aient envie de parler, faire de la télé, faire de la promo... Parfois, ce n'est pas le cas. Parfois, c'est dans leur contrat ! (Rires)
Théodore Bourdeau : Et parfois, les plus grosses stars sont les plus impliquées aussi. Quand on reçoit Steven Spielberg et qu'on fait près d'une heure d'émission avec lui, qu'on lui montre "Silence", une rubrique un peu exigeante, et qu'il la regarde avec les yeux du réalisateur pour la commenter en sortie, c'est génial !
Yann Barthès : Il était plus intéressé que certains Français qui connaissent l'émission ! Je ne m'attendais pas à ça !
Quelques plateaux ont pu surprendre, car jugés "Quotidien"-incompatibles, à l'image de Jeremstar ou du cast de "Danse avec les stars".
Yann Barthès : Jeremstar, c'était en plein dans l'affaire et en Une du "Monde", donc oui. Et "Danse avec les stars" ou "The Voice", on les recevait aussi à Canal+. Le truc, c'est que depuis que nous sommes sur le groupe TF1, on nous accuse d'être obligés par TF1 de les recevoir. Ce qu'on ne nous disait pas sur Canal+. C'est très étonnant.
Vous avez des projets de prime time et deuxièmes partie de soirée ?
Yann Barthès : Avec Martin déjà, comme nous le disions. Nous avons aussi un documentaire sur Kim Kardashian en préparation pour TMC. Et nous allons continuer les "Q d'or", à savoir si ce sera une deuxième partie de soirée sur TF1 ou un prime time sur TMC.
Nous avons pu aujourd'hui entrer dans le dur de la matière "Quotidien", vous qui êtes d'ordinaire discret. Ce culte du secret que certains pointent du doigt, c'est vrai ou vous estimez que vous n'avez pas le temps d'ouvrir vos portes tous les matins ?
Yann Barthès : Voilà, la réponse est dans la question ! (Rires)
Théodore Bourdeau : La réponse est aussi un peu dans ce que nous nous sommes dits. L'émission est lourde à fabriquer et prend du temps. Yann parle un peu en début de saison puis l'émission parle par elle-même.