Une décision qui passe mal. Aujourd'hui, puremedias.com a révélé la décision de France Télévisions de déprogrammer son numéro de "Complément d'enquête" sur le "ciblage politique" prévu jeudi 7 avril, en deuxième partie de soirée. Intitulé "Big data : Quand les politiques nous ciblent !", ce dernier devait montrer comment des sociétés privées se chargent, pour le compte des partis politiques, de convaincre des citoyens de voter pour leur candidat. Selon France Télévisions, ce reportage de "Complément d'enquête" devrait être reprogrammé le jeudi 5 mai prochain.
Pour justifier cette décision, le groupe public a invoqué le contexte électoral actuel. La diffusion prévue jeudi aurait été, selon lui, trop proche du premier tour de la présidentielle, et de l'entrée en vigueur de la période dite "de réserve", samedi à minuit. "Une diffusion à 24 heures de la période de réserve absolue des candidats ne permet pas le respect des règles d'équité prévues par le code électoral", fait-on valoir à France Télévisions, reconnaissant une erreur de programmation initiale.
La rédaction de "Complément d'enquête" exprime pour sa part sa "stupeur" et son "incompréhension". "On est choqué et on tombe de l'armoire car la direction était informée depuis plusieurs semaines de cette programmation", témoigne un journaliste, joint aujourd'hui par puremedias.com. "On ne comprend pas cette décision prise à seulement deux jours de la diffusion et alors que les bande-annonces tournaient déjà !", réagit cette même source.
Plusieurs journalistes du magazine ne sont d'ailleurs pas convaincus par les arguments de la direction de France Télévisions. "Le reportage était juridiquement béton. On a même retourné exprès des séquences pour respecter, à la minute près, l'égalité des temps de parole", précise un reporter de l'émission présentée par Tristan Waleckx. Déjà déprogrammé par le passé, le sujet de jeudi ne devait en effet pas les respecter initialement puisqu'il aurait dû être diffusé en période de simple équité.
"Si le problème réside dans le peu de temps dont disposeraient les candidats pour répondre au reportage - 24 heures quand même - pourquoi avoir attendu deux jours avant sa diffusion pour s'en préoccuper ? C'est une impréparation inédite !", tacle-t-on dans les couloirs du magazine. La rédaction de "Complément d'enquête" a d'ailleurs décidé d'alerter la Société des journalistes (SDJ) de France 2, qui a demandé dans la foulée à rencontrer Delphine Ernotte, la présidente du groupe public.
Certains journalistes de France 2 n'hésitent pas non plus à faire le lien entre cet épisode et le refus d'Emmanuel Macron de venir dans "Elysée 2022" ce soir. "Le président de la République n'a visiblement pas aimé certains sujets de 'Complément d'enquête'", glisse un reporter, en référence à des articles parus hier dans "Le Parisien" et "Télérama" sur les motivations éventuelles de la décision du chef de l'Etat. "Concomitante, même si elle n'est peut-être pas liée, la décision d'aujourd'hui de la direction apparaît forcément maladroite et interroge sur un risque d'instrumentalisation politique", ajoute-t-il.
"C'est dommage parce que la direction actuelle nous offre vraiment une totale indépendance", regrette une journaliste de "Complément d'enquête". Et de se féliciter de la bonne santé actuelle du magazine, dont les enquêtes "poil à gratter" ont régulièrement signé de belles audiences depuis le début de saison.
La question posée est maintenant celle de la date définitive de diffusion de "Big data : Quand les politiques nous ciblent !". Certains membres de la rédaction de "Complément d'enquête" espèrent encore pouvoir convaincre la direction de France Télévisions de le reprogrammer avant le 5 mai, le premier jeudi de l'entre-deux-tours, le 14 avril. "Un sujet c'est aussi un timing. Il y a certes encore les législatives en juin mais c'est dommage que ce sujet ne participe pas au débat électoral autour de la présidentielle", glisse-t-on dans les couloirs du magazine.