Après une année difficile, TF1 a de nouveau connu une rentrée de janvier compliquée. Mais le groupe pense se ressaisir très vite. En effet, en 2016, la chaîne diffusera une grande partie du prochain Euro de football ainsi que le film "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?". Le groupe peut aussi compter sur la progression de NT1 et HD1. Pour puremedias.com, Elisabeth Durand, la directrice des antennes des chaînes du groupe TF1, revient sur les résultats de l'année 2015, les temps forts attendus en 2016 et les difficultés de la Une en access.
Propos recueillis par Benoît Daragon.
puremedias.com : La chaîne TF1 a connu une année 2015 très difficile avec 1,5 point de part d'audience perdu en un an, la plus forte baisse toutes chaînes confondues. Comment expliquez-vous cette chute ?
Elisabeth Durand : D'abord, il faut rappeler que TF1 avait vu ses audiences progresser les deux années précédentes, en 2013 et en 2014. Cette perte de 1,5 point a plusieurs causes. D'abord parce qu'on a vu la TNT HD fortement progresser tout au long de l'année. Et ensuite car l'année 2015 est comparée à 2014, année de la Coupe du monde de football qui avait réalisé des scores très importants. TF1 est très dépendante des grands événements. La Coupe du monde de rugby a eu des résultats d'audiences exceptionnels mais ce sport n'est pas au même niveau que le football. Ce qui est intéressant de voir c'est que, depuis le mois de septembre, TF1 est en forte progression. Au dernier trimestre, on a progressé sur un an de 0,3 point avec la Coupe du monde de rugby, de belles fictions et des divertissements.
Mais cette forte chute d'audience, ça veut dire que les réussites sont moins fréquentes qu'avant ?
Non. En 2015, on a été en tête 88 soirées sur 100. Pour moi, ça reste un niveau ultra élevé. Je n'ai pas d'inquiétude là-dessus. On est solide sur nos fondamentaux. On est les seuls capables de rassembler plus de 8 millions de téléspectateurs, avec tous les genres de programmes. On a fait un top 100 exceptionnel avec 98 des 100 meilleures audiences de l'année. Et si vous regardez bien dans le top 10, il y a du sport bien sûr, mais aussi de la fiction française, des séries étrangères, de l'information et des divertissements. Et ça, ça veut dire que le savoir-faire de TF1 dans tous les genres de programmes est indéniable.
La différence se fait en journée, là où vous avez des programmes moins forts que le soir.
La concurrence avec la TNT se fait effectivement plus en day-time où notre offre est sans doute moins différenciante que dans les heures à forte audience. Sur ces périodes moins stratégiques, on travaille notre ciblage, c'est-à-dire qu'on diffuse des programmes pour des cibles bien définies. On veut garder notre puissance aux heures de grande écoute et le reste du temps, on travaille plus le ciblage que la puissance.
Comment expliquez-vous que TF1 souffre plus de la flambée de la TNT HD que les autres chaînes de la TNT ?
Il y a quand même quelques chaînes de la TNT qui souffrent très nettement... Seules les chaînes de la TNT qui ont renforcé leur offre réussissent à résister. Celles qui ont raté ce pari sont aussi en forte baisse. On ne nie pas la baisse de TF1 en 2015, mais de l'autre côté on a beaucoup développé HD1, NT1 et TMC. Notre stratégie multi-chaînes porte ses fruits.
En effet, TMC se maintient, NT1 et HD1 ont progressé. Comment travaillez-vous au quotidien sur ces trois chaînes ?
Depuis qu'on a repris le pilotage de toutes les chaînes, on a défini un cap pour les années à venir. Maintenant, on sait ce qu'on veut faire sur chacune des chaînes. NT1 doit s'adresser à un public jeune et plutôt féminin. "Secret Story" a été un très gros coup et a apporté une forte visibilité à la chaîne. Elle va continuer à se développer avec les documentaires du réel et les magazines de coaching. Pour NT1, ça a été relativement facile car les programmes que l'on souhaitait ont été tout de suite disponibles. En revanche, sur TMC, cela a été plus compliqué car on a tergiversé sur ce que l'on voulait faire. Finalement, on va aller sur un ciblage plus mixte. Pour cela, on doit pouvoir miser sur des jeux, des magazines, du cinéma, des séries et du talk-show. Sur le cinéma et les magazines, on a déjà une offre forte, mais pour le reste on a beaucoup de travail !
Donc vous allez lancer des jeux et des talk-shows sur TMC ?
Sur le jeu, on se pose des questions car l'économie de ces chaînes est basée sur la rediffusion. Or, rediffuser des jeux est compliqué... Mais, clairement, on a ouvert le spectre du type de programmes qu'on souhaite voir sur TMC mais ça prend du temps. Très clairement, on va lancer de nouveaux programmes sur TMC dans le courant de l'année 2016, notamment en access.
Vous avez resigné "Secret Story" ?
Nous n'avons aucune certitude à ce jour. Nous discutons avec le producteur.
Et vous discutez d'une version 100% NT1 ?
Non, pas forcément. Mais rien n'est acté.
Et HD1 ?
La chaîne va rester celle des fictions et des histoires, mais on va varier les formes comme on l'a fait en mettant la sitcom "2 Broke Girls" en prime time. On réfléchit à d'autres façons de raconter des histoires, avec le documentaire par exemple.
Et toujours deux soirées par semaine avec "Section de recherches" ?
Oui parce que ça marche, mais on a aussi des fictions inédites. "Pep's" est aujourd'hui diffusé exclusivement sur HD1 à la mi-journée et plus du tout sur TF1 !
En 2015, vous avez lancé pas mal de choses sur TF1. Le renouveau de "Masterchef", "Hair, le meilleur coiffeur", "Boom !", des séries américaines, etc. Il y a eu beaucoup d'échecs. Aucun nouveau format ne s'est imposé. Vous avez la scoumoune à TF1 ?
Il y a eu des choses sur lesquelles on n'a pas eu de chance, notamment en flux, et d'autres qu'on a mal faites aussi. Ce sont les risques de notre métier, qui est de produire en permanence des prototypes. Mais, honnêtement, c'est derrière nous. Depuis septembre, les audiences ont remonté. Et on se réjouit des scores des fictions françaises, un genre extrêmement en vogue. Et notre offre depuis la rentrée de septembre a rencontré un large public, que ce soit "Une chance de trop" ou "Le Mystère du lac". Ca, c'est une politique qui a été définie il y a plus d'un an et demi et qui va porter ses fruits de plus en plus.
Justement en fiction, qu'est ce qui arrive sur TF1 en 2016 ?
Il y aura "Le Secret d'Elise" avec Valérie Kaprisky, Stéphane Freiss, Bénabar, Julia Piaton et Julie de Bona ; "La main du mal" avec JoeyStarr, François Berléand et Elodie Frégé ; "La Vengeance aux yeux clairs", le nouveau feuilleton avec Laëtitia Milot. Et aussi "Après moi le bonheur" avec Alexandra Lamy et "Sam", une série sur l'école. On a donc une offre très forte car on est conscients que la demande du public est importante et que notre boulot d'éditeur, c'est d'anticiper ce que va aimer le public.
En divertissement, vous voulez lancer de nouvelles marques ou faire des primes événementiels comme pour la réouverture de Bercy ou l'hommage à Balavoine ?
On travaille sur "Ninja Warrior" qui pourrait être une marque supplémentaire avec "The Voice", "The Voice Kids", "Danse avec les stars", "Koh-Lanta", etc. Et on travaille beaucoup sur les évènements live, qui recréent de l'instantanéité sur le divertissement, qui donnent une antenne vivante et connectée avec le public. La difficulté est de trouver des événements qui le justifient. On est à l'affût de tout ce qui, à un moment donné, pourrait venir en direct sur l'antenne de TF1.
Et vous avez déjà repéré quoi ?
Ce qu'on a fait autour de la Fête de la musique cette année pourrait être réitéré. On réfléchit aussi à des choses autour des sorties de gros films, etc.
Samedi matin, TF1 a annoncé la déprogrammation de "Wish List". Le jeu de Christophe Dechavanne était en grandes difficultés depuis la rentrée de janvier, avec une part d'audience qui avoisinait les 16% de PDA en quatre ans et plus. En ménagères, c'était également très difficile...
Effectivement, votre analyse sur "Wish List" est bonne en sachant que le programme avait bien fonctionné à la même heure cet été. Malheureusement, en saison, ce jeu a eu plus de difficultés à atteindre le niveau requis pour l'access de TF1, ce qui explique notre décision.
L'été dernier, vous aviez testé deux jeux. "Boom !" a été un échec et "Wish List" n'a pas confirmé en saison. Vous allez devoir tout recommencer à 0 pour trouver le format qui peut alterner avec "Money Drop" ?
Très clairement, notre access est notre priorité numéro un car c'est une case primordiale pour notre audience. Il y a deux choses qu'on va faire. D'abord, on se rend compte qu'un jeu peut vivre toute une année si on réussit à créer des aspérités éditoriales temporelles. On l'a vu à Noël avec les émissions spéciales de "Money Drop", où un cadeau spécial était à gagner. Sur le plan éditorial, il y a des idées à trouver pour que le jeu change périodiquement même s'il reste à l'antenne tout au long de l'année car on n'a pas tout à fait l'impression de regarder le même jeu...
...ce que France 2 fait très bien avec "N'Oubliez pas les paroles".
Oui ! Il n'y a pas de raisons qu'on ne s'inspire pas des bonnes initiatives de nos concurrents. Et, deuxièmement, on ne peut pas, en tant que leader, prendre le risque de se retrouver sans rien à mettre. On travaille naturellement sur des alternatives à "Money Drop".
Pour cet été ?
Ca prend du temps de développer de nouveaux programmes qui correspondent à nos objectifs, cela me paraît donc peu probable qu'on lance un nouveau jeu avant l'été.
Et "Wish List" pourrait revenir à l'antenne ?
"Wish List" avait réalisé de bonnes performances l'été dernier, il pourrait donc revenir l'été prochain.
Cette déception, compromet-elle le projet de talk-show de Christophe Dechavanne ?
On doit le revoir prochainement. Le premier pilote n'avait pas totalement convaincu Christophe, ni TF1 d'ailleurs.
Le groupe TF1 a annoncé la semaine dernière avoir acheté les droits des Coupes du monde de 2018 et 2022, de la Coupe du monde féminine de 2019 et de la Coupe des Confédérations de 2017. C'est pour TF1 seulement ou certains matchs pourrait arriver sur TMC ou NT1 ?
C'est beaucoup trop tôt pour en parler. Le groupe vient juste d'acheter les droits, on n'a pas encore eu le temps de travailler sur la façon dont on allait les diffuser précisément ! Mais toutes les opportunités sont ouvertes.
En 2016, il y aura l'Euro de football, dont vous diffuserez 22 matchs. Vous aurez aussi le droit de diffuser "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?". L'année 2016 sera assurément meilleure que 2015 ?
Je suis confiante mais mon métier est de ne jamais être sereine. L'initialisation de la TNT HD sur le territoire va continuer jusqu'en avril. Naturellement les audiences de ces six chaînes vont donc continuer de progresser. On va aussi changer de norme de diffusion et passer en MPEG-4. Et puis il y aura les Jeux Olympiques de Rio qui seront diffusés sur le service pubic. Donc on verra, faire de la télévision est un métier très incertain, car on est sans cesse sur des protoypes.