Tout est parti d'une grande affiche déployée en plein coeur d'Aix-en-Provence, dans les Bouches-du-Rhône, samedi dernier. Un portrait d'Eric Zemmour, accompagné de l'adresse d'un site internet destiné à recueillir le plus de soutiens possibles pour une candidature du polémiste à la présidentielle de 2022. Si l'affiche a été décrochée quelques heures plus tard, elle a déclenché la prise de parole sur Facebook de Gaëlle Lenfant, conseillère municipale d'opposition dans cette même ville.
Ex-responsable du Parti socialiste, elle a raconté le week-end dernier avoir été embrassée de force par Eric Zemmour lors de l'université d'été de La Rochelle de son parti, au milieu des années 2000. "Ses propos sur les femmes dans ses livres et à la télévision faisaient à chaque fois écho à ce qu'il avait fait. Mais je m'en tenais loin. Là, avec l'énorme affiche dans ma ville, j'ai eu besoin de le dire", s'est-elle justifié.
Dans une longue enquête parue jeudi, le site "Mediapart" a recueilli des témoignages confirmant la version de la jeune quinquagénaire, à l'image de celui de son ex-mari ou de ses amis. Quelques jours après, une journaliste et auteure belge, Aurore Van Opstal, a à son tour témoigné, cette fois sur Twitter, racontant s'être fait caresser la cuisse "jusqu'à l'entrejambe" dans un café parisien par le même homme.
Jointe par le média en ligne, la jeune femme de 31 ans a affirmé que les faits s'étaient déroulés en 2009, en présence de son père, grand fan d'Eric Zemmour et sans que celui-ci ne se soit aperçu de rien. Là-aussi, l'entourage proche de la victime présumée a confirmé à "Mediapart" avoir été mis dans la confidence.
Dans les autres témoignages recueillis, Anne, une journaliste, affirme aoir été embrassée de force par le polémiste en 2005 et Jade - certains prénoms ont été modifiés à la demande des intéressées - qui lors de son stage au "Figaro" en 2012 affirme n'avoir jamais vu "d'agressions sexuelles ou de harcèlement sexuel ciblé et répétitif" de la part d'Eric Zemmour, se souvient de regards déplacés, notamment en direction de son décolleté.
"Mediapart" s'intéresse également à l'autre employeur de l'écrivain, la chaîne CNews, et à un incident avec la cheffe d'édition de son émission "Face à l'info", lors de son lancement sur la chaîne en octobre 2019. Eric Zemmour lui aurait adressé un SMS dans lequel il l'appelait "Ma belle" et où il lui aurait demandé de venir ajuster sa cravate pour l'émission du lendemain. Un incident aujourd'hui"hui clos selon Thomas Bauder, directeur de l'information de CNews, qui parle d'une "incompréhension".
Avant CNews, Eric Zemmour officiait sur le canal 16 à l'époque d'iTélé. Nathalie - le prénom a été modifié - maquilleuse de 26 ans à ce moment-là, rapporte avoir été "plaquée contre le mur" par le polémiste qui lui aurait signifié son envie de "baiser" avec elle. La jeune femme, qui n'a pas fait état de cette scène à sa hiérarchie, a pu compter sur le soutien d'un membre de la production pour que son planning puisse être modifié et qu'elle n'ait plus à maquiller le sexagénaire.
A l'heure actuelle, aucune des présumées victimes n'a déposé plainte contre Eric Zemmour. L'Aixoise Gaëlle Lenfant a déposé plainte jeudi pour "menace de crime" selon "Mediapart" face à des messages menaçants reçus après son témoignage. Eric Zemmour a pour sa part refusé de répondre aux questions du site d'Edwy Plenel. Mardi dernier, franceinfo a cité son entourage, qui a assuré que le professionnel n'a "aucun souvenir de cette scène" rapportée par l'élue municipale. Ce même entourage assure qu'il s'agit d'une "affaire politique" et non pas judiciaire à l'heure où les rumeurs autour d'une candidature d'Eric Zemmour à la présidentielle vont bon train.
Pour sa part, l'essayiste Michel Onfray, qui connaît une des victimes présumées, la journaliste belge Aurore Van Opstal, a refusé les sollicitations de "Mediapart" et s'est fendu d'un communiqué sans évoquer le fond de l'affaire. "Pour ce genre d'affaire, même si je ne crois guère en elle, c'est, faute de mieux, à la justice de dire ce qu'il faut dire car je crois encore moins aux journalistes, aux dîneurs mondains et aux agités des réseaux sociaux qu'à la justice à laquelle je crois pourtant déjà très moyennement", a-t-il éludé.