Les bonnes nouvelles voyagent vite. Depuis quelques jours, la cote de Lisa Angell grimpe à Vienne, où la délégation française prépare d'arrache-pied la finale de l'Eurovision, qui se tiendra ce soir et sera retransmise en direct sur France 2, avec Marianne James et Stéphane Bern aux commentaires. Arrivée sur les lieux le week-end dernier, Nathalie André évoque pour puremedias.com l'effervescence difficile à imaginer qui entoure tout le concours dans la capitale autrichienne, le choix polémique de la chanson de Lisa Angell, "N'oubliez pas", ainsi que les critiques et le manque d'intérêt des médias français pour le concours.
Propos recueillis par Charles Decant.
C'est votre première Eurovision, mais on entend souvent dire en France qu'on ne veut plus gagner le concours...
Comme vous le dîtes, c'est ma première Eurovision, donc je ne peux pas spéculer sur les choix des années précédentes. Personnellement, je n'ai accepté de m'engager qu'à une condition : y aller à 100%. Maintenant que je suis sur place, je pense que tout est possible. Il n'y a pas de raison que la France ne soit pas motivée pour gagner.
On dit que ça coûterait trop cher d'organiser l'Eurovision chez nous...
Je ne vois pas pourquoi des pays moins riches que nous arriveraient à organiser l'Eurovision et nous non. Il y a une participation de toutes les chaînes qui envoient de l'argent à l'UER - L'Union européenne de radio-télévision - et ensuite, à nous, en France - comme j'imagine dans d'autres pays - de trouver les sponsors qui vont nous aider à l'organisation de cette opération... Peut-être qu'on dit ça parce que depuis longtemps on perd ? Peut-être parce que la France est moins motivée, je parle des médias, du fait qu'on prenne ça pour une émission ringarde. Pour être sur place... C'est un truc de dingue ! On ne se rend pas compte. On est là pour représenter un pays, et on a un petit peu l'impression que le pays n'est pas derrière nous. Et c'est dommage ! C'est difficile à comprendre quand on est ici.
C'est vrai que l'attitude de beaucoup de Français semble paradoxale. On dit que c'est ringard, mais si on perd, on est critiqué pour ne pas tout avoir fait pour gagner, et si on gagne, on imagine que tout le monde sera ravi... C'est très contradictoire, non ?
Mais est-ce que ce n'est pas un truc très français ? Sans comparaison aucune, mais si on pense à ce qu'Aimé Jacquet a pris en 1998, par la presse, par le public... S'il y avait eu Twitter à l'époque, je n'aurais pas voulu être à sa place !
Vous avez d'ailleurs fait l'objet de critiques assez vives...
Je m'attendais à prendre très cher. J'ai pris très cher, mais je le savais. C'est drôle de voir comment ça peut démoraliser, mais quand on est sur l'opération depuis le mois de juin... On s'en fiche un peu ! Je savais qu'on serait critiqué quoi qu'on fasse comme choix, donc je me suis blindée. Je ne dis pas que ce n'est pas dur, de lire sur Twitter les gens qui se moquent, qui insultent... Mais tout à coup, je sens depuis une semaine un petit engouement. Et ça fait plaisir.
Des gens se moquent du fait que vous espérez gagner... Mais il semble impensable de venir participer à l'Eurovision en se disant qu'on va perdre, non ?
Absolument. Je ne suis pas du tout arrivée en me disant "De toutes façons, on va perdre". J'arrive en me disant qu'on a tout fait pour être le plus haut possible. Dans nos rêves, on gagne. Maintenant, ce qui m'intéresse, c'est d'être dans le top 10, et depuis les répétitions de dimanche, peut-être dans le top 5. Il y a des pays extrêmement forts ! J'ai trouvé la Belgique magnifique, la Russie fantastique...
Vous vous attendiez à ce que le titre soit si critiqué ?
Quand je l'ai choisi, oui. Ce n'est pas ce que j'écoute chez moi, déjà. Je cherchais une chanson forte - pas une chanson "je t'aime, tu m'aimes" -, une chanson qui parle à tout le monde, une voix puissante qui puisse retranscrire en live exactement ce qu'il y avait sur le single. Je fais des variétés depuis 30 ans, et les écoutes d'albums dans mon bureau sont très différentes des écoutes en live sur les plateaux. Quand on est à l'Eurovision devant 195 millions de téléspectateurs, on y va avec quelqu'un qui assure sur scène.
Vous avez choisi ce titre seule, c'est ça ?
J'ai eu la chance que tout France 2 soit derrière moi et me fasse confiance, car effectivement j'avais émis le souhait de choisir le titre dans mon bureau, sans le public, et sans que 25 personnes donnent leur avis. Oui, j'ai choisi un titre qui n'est pas des années 2015, mais quand je l'ai écouté, je me suis dit qu'il parlait aux femmes du monde entier. Mais ce n'était pas le titre que je pensais choisir.
Vous cherchiez quoi ?
Je cherchais une fille dans le genre de Taylor Swift, avec un titre pop. J'avais une idée très précise de la scénographie que je voulais faire. Mon idée de départ, c'était de faire un Spice Girls à la française. L'émission est très gay friendly, elle est très particulière, donc j'étais parti sur quelque chose de très pop, très variété. Quand j'ai reçu "'N'oubliez pas", sincèrement, pendant une semaine, je me suis dit que ce n'était pas ce que je cherchais - mais malgré tout, je savais que ce titre était pour l'Eurovision.
Outre les critiques contre vous et contre le titre, vous vous attendiez à ce que Lisa Angell soit elle aussi la cible de tant d'attaques ?
Malheureusement, les gens sont d'une méchanceté insensée aujourd'hui. Ce qui m'a le plus touché, c'est le fait de voir des gens chercher les pires photos d'elle sur Google, et que les gens parlent d'elle avant d'entendre sa voix et de la connaître. En fait, Lisa est une personne d'un enthousiasme hallucinant. Je ne savais pas au moment de lui confier cette tâche que je tombais sur LA fan de l'Eurovision, ce qui est quand même génial. Elle est très forte, parce que ce bashing depuis des mois... La France ne change pas : c'est un pays critique, pessimiste, et je me demande pourquoi tout le monde n'est pas derrière nous à nous dire "Allez-y c'est génial", ce qui se passe un petit peu depuis deux jours.
Quel type de signes avez-vous constaté dans ce sens ?
Tout le monde ne suit pas, mais quand je vois l'équipe de "Un soir à la Tour Eiffel" - qui n'est pas mon émission - qui nous envoie des dubsmash, ou quand je vois tout le monde qui met des messages sur Facebook, les journalistes qui en parlent... Ca rattrape tout ce qu'on a pu entendre jusqu'ici. On n'a pas pris la grosse tête pour autant. On est juste hyper dynamiques, très motivés, on a une équipe incroyablement soudée. On y croit tous.
Vous regrettez que les médias n'aient pas joué le jeu davantage et plus tôt ?
Sur le tapis rouge il y avait toutes les chaînes européennes, sauf la télévision française - hors France 2 évidemment. On aurait pu voir des chaînes ou des radios d'info. Mais la France ne se rend pas compte - même moi, jusque samedi dernier - à quel point ce show est incroyable.