Netflix, le plus présent des absents à Cannes ? Hier soir, sur Canal+, de 19h40 à 20h15, en direct depuis le palais des festivals, Édouard Baer a pris, pour la deuxième année consécutive, les commandes de la cérémonie d'ouverture du 72e festival de Cannes. Une cérémonie qui n'a pas fait le plein puisqu'elle a été suivie par seulement 377.000 téléspectateurs, selon Médiamétrie, soit 2,0% du public de quatre ans et plus, atteignant ainsi son plus faible niveau historique.
Edouard Baer a lancé la soirée avec un propos liminaire dans lequel il a délivré un vibrant plaidoyer en faveur de la salle de cinéma. "C'est miraculeux que les gens viennent quand même dans les salles de cinéma, non ?" a-t-il lancé avant de fustiger l'ère des réseaux sociaux et la "tentation de ne plus regarder, de ne plus se concentrer". "1 minute 30, c'est beaucoup, une vie ce n'est rien, 1h30, c'est quoi ?" s'est-il interrogé. "Au festival de Cannes, la scène est parfois tellement spectaculaire que le film s'arrête lui-même pour regarder. C'est inouï d'être là et pourtant ça existe encore ! Ça existe encore la salle de cinéma, ce besoin d'être ensemble !" s'est-il félicité.
"Le cinéma ce n'est pas juste des images, des images meilleures que d'autres ! Le cinéma ce n'est pas juste le pur contre l'impur, le petit contre le grand écran, lever les yeux plutôt que les baisser. Le cinéma, c'est la salle de cinéma ! C'est être ensemble !" a-t-il poursuivi. "Le cinéma, c'est sortir de chez soi, ce miracle-là, plutôt que de rester chez soi en mangeant des pizzas en regardant Netflix ou bien se regarder en mangeant sa pizza", s'est emporté Edouard Baer, sur un air d'accordéon s'accélérant, avant de conclure : "Le cinéma, c'est ça ! Le collectif, le groupe, la chaleur humaine !".
Une déclaration, loin de passer inaperçue, qui ne serait pas pour déplaire à Steven Spielberg. En début d'année, le réalisateur, qui a tenté - sans succès - d'évincer Netflix des Oscars, avait déclaré : "La plus grande contribution que nous puissions faire en tant que réalisateurs est de donner au public l'expérience des films diffusés dans les salles de cinéma". Les propos d'Edouard Baer prennent par ailleurs d'autant plus de sens que Netflix est persona non grata en compétition à Cannes, contrairement à la Mostra de Venise notamment.
Depuis deux ans, le festival français présidé par Pierre Lescure s'est en effet fixé une règle intangible : seuls les films qui seront diffusés en salles peuvent participer à la compétition. Refusant de se soumettre à la chronologie française des médias, qui fixe un délai de 36 mois entre la sortie d'un film en salles et sa mise à disposition sur une plateforme payante, Netflix avait retiré ses films de la sélection officielle l'année dernière, dont "Roma" d'Alfonso Cuaron, qui avait décroché le Lion d'Or à Venise. "Quelle tristesse de ne pas voir ce film remarquable en noir et blanc et ses travellings magnifiques en salle ! C'est un crime contre la création et le talent de Cuaron", avait déclaré Pierre Lescure le mois dernier dans "Le Figaro".