Regarder l'intégral de "On n'est pas couché " sur Youtube ne sera bientôt plus possible. Comme l'a rapporté cette semaine "La Lettre A", France Télévisions ne veut plus mettre à disposition sur la plateforme vidéo ses émissions en intégralité. Alors que Delphine Ernotte répète à l'envi qu'elle ne "danse pas avec Netflix", elle ne compte ainsi pas non plus chanter avec Youtube. Depuis un plus d'un an, la patronne de France Télé a décidé de sevrer progressivement son groupe de la puissance de la plateforme américaine afin de reprendre la main sur la distribution de ses contenus. Une nouvelle stratégie numérique en rupture avec celle dite "d'hyper-distribution" jusque-là mise en oeuvre par France Télé, et qui prônait la maximisation de l'exposition des contenus du groupe via l'utilisation de tous les canaux possibles.
"Nous voulons faire de Youtube un outil pour drainer du trafic vers notre propre plateforme, france.tv", explique désormais à puremedias.com Encarna Marquez, la patronne du numérique chez France Télé. Arrivée au sein du groupe public en juin 2018, celle-ci tient à préciser que les programmes des chaînes publiques seront toujours présents sur la plateforme américaine, mais désormais sous forme de courts extraits et de teasers, à l'image de ce qui est fait pour "Skam", la série à succès de France Télé à destination des jeunes. "Notre présence sur Youtube a vocation à assurer la notoriété et la promotion de nos marques. Elle doit nous permettre de toucher des publics que nous touchons moins via nos antennes linéaires", résume-t-elle, regrettant que les contenus de France Télé exposés aujourd'hui sur Youtube ne soient pas toujours attribués au groupe public par les internautes.
Depuis plus d'un an et "comme le fait la BBC" au Royaume-Uni, France Télévisions a donc entamé un travail de migration de ses émissions de flux vers france.tv. Le groupe audiovisuel espère aller au bout de ce lourd processus, d'ici la fin de l'année 2019, non sans se heurter dès à présent à la grogne de certains producteurs. Car si ces derniers tirent quelques recettes publicitaires de l'exposition de leurs émissions sur Youtube, ils ne gagnent en revanche pas un centime lorsqu'elles sont consommées sur france.tv. "Ca râle parfois chez certains producteurs", confirme Encarna Marquez, sans vouloir donner d'exemples. Selon nos informations, Tout sur l'écran, la société de Catherine Barma produisant "On n'est pas couché", et dont la chaîne Youtube affiche 545.000 abonnés et 450 millions de vidéos vues, serait de ceux-là. "Pour la plupart des producteurs, la perte est marginale. Et pour les autres, nous devons faire un travail de pédagogie", préfère souligner Encarna Marquez.
Et pour France Télévisions, quel sera l'impact financier de cette nouvelle stratégie de la rareté sur Youtube ? "Très limité" selon la "Madame numérique" du groupe. Si la "Lettre A" évoque une perte pour France Télé de cinq millions d'euros, Encarna Marquez la situe davantage autour de 300.000 euros. Une somme qu'elle entend bien compenser par de meilleures recettes publicitaires sur france.tv, grâce justement aux reports d'audience en provenance de Youtube. "Sur les dix premiers mois de l'année, nous enregistrons une hausse de l'audience de france.tv de 25%, une partie provenant d'un report de trafic de Youtube vers france.tv - 10 à 15% pour les chaines appliquant les bonnes pratiques de renvoi", se félicite la directrice du numérique, revendiquant aussi plus d'un milliard de vidéos vues cette année sur la plateforme publique. Et d'ajouter : "Aujourd'hui, la stratégie est payante et nous espérons qu'elle va continuer à payer".