Imaginez une seconde Denis Brogniart dans la peau du directeur de course de "Pékin Express" ou Stéphane Rotenberg éteindre la torche des aventuriers de "Koh-Lanta" en fin de conseil. Ce qui paraît encore aujourd'hui impensable, tant la concurrence entre TF1 et M6 sur le marché des animateurs fait rage, pourrait demain être une hypothèse plausible. La fusion potentielle entre les deux groupes leaders de la télévision en clair en France a vocation à générer des synergies, a rappelé, ce matin dans "Les Échos", le président du directoire du groupe M6, Nicolas de Tavernost. Celles-ci sont estimées "entre 250 et 300 millions d'euros par an à terme".
L'hypothétique président du futur ensemble détaille sa stratégie : "Les premières années, on va rassembler les activités et il y aura des coûts de restructuration. Comme nous l'avons fait, à une autre échelle entre M6 et RTL quand nous avons racheté la radio. On a mis en place un programme de synergies que ce soit en matière d'exploitation technique, de services communs, d'échange d'animateurs etc. C'est ce que nous voulons faire entre M6 et TF1 demain et donc on ne peut pas nous dire restez chacun chez vous", plaide-t-il.
Outre les synergies, la fusion aurait, selon les dires de Nicolas de Tavernost, l'avantage de dégager des marges "pour pouvoir investir (...) dans les programmes, dans la technologie, pour créer de nouvelles marques de streaming afin de se renforcer et résister à la concurrence des grandes plateformes internationales (...) Nous pensons que le streaming va représenter, à cinq ans, jusqu'à la moitié de l'audience de la télévision. C'est pour cela qu'il faut que nous accélérions dans ce domaine".
Et l'actuel numéro un de M6 de tacler : "Nous évoluons dans le même univers de programmes que les plateformes de streaming, contrairement à ce que raconte le patron de Banijay (Stéphane Courbit, ndlr). Prenez la campagne d'affichage actuelle de Disney+, ils montrent bien Les Simpsons et Malcom, programmes qui ont fait les beaux jours d'M6", illustre-t-il. "On observe une inflation sur les coûts des programmes et une concurrence de plus en plus vive sur les talents. Exemple : nous avons fait des films avec Omar Sy mais il ne nous est plus possible aujourd'hui d'avoir cet acteur qui a signé un contrat d'exclusivité avec Netflix... Ce scénario va se produire de plus en plus : les plateformes vont multiplier les contrats longue durée avec les talents".
Cet investissement dans le streaming représenterait à l'échelle du groupe TF1-M6, selon Nicolas de Tavernost, "plus de 200 millions par an". Raison pour laquelle, précise-t-il, "nous ne pourrons pas accepter des mesures extrêmement rigides de séparation de nos activités dans le cadre de la fusion entre TF1 et M6". Les chaînes demandent, en effet, l'intégration dans la définition de "marché pertinent" applicable à la télévision, de la publicité numérique, au moins vidéo, arguant de la convergence croissante entre offres de publicité à la télévision et sur internet. Sans cette révision de la définition, "les groupes TF1 et M6 représenteront ensemble près de 70% des parts de marché de la publicité sur les chaines télévisées françaises gratuites", notait, dans une interview à "Forbes", Isabelle Wekstein-Steg, avocate à la Cour qui suit ce dossier. Et la fusion pourrait ainsi être empêchée.
"Il y a une chose qui est très claire, conclut Nicolas de Tavernost. C'est une fusion qu'on ne fera pas à n'importe quel prix. La fusion est faite pour se renforcer. Elle n'est pas faite pour s'affaiblir. Nous avons déjà des contraintes fortes avec la cession de chaînes de télévision qui nous est imposée par la loi en cas de rapprochement entre TF1 et M6 (...) Je ne vais pas détailler aujourd'hui quelles contraintes seraient acceptables ou pas. Je veux juste vous dire que si nous ne pouvons pas mettre en oeuvre un programme complet de synergies dans le cadre de cette fusion, pour investir davantage dans de nouvelles activités, nous ne ferons pas la fusion entre TF1 et M6."