C'était le gendre idéal du PAF. Un professionnel autant respecté et admiré que redouté. Ce mercredi 24 août à 21h10, TF1 dédiera sa soirée à Jean-Luc Delarue, près de 10 ans après sa mort. Une star de France 2 célébrée sur la chaîne concurrente en raison justement de son parcours hors normes, comme l'a expliqué ce mois-ci Rémy Faure, le directeur des programmes de flux à puremedias.com : "Pour nous, c'est rendre hommage à quelqu'un qui a marqué l'histoire de la télévision".
"Jean-Luc Delarue, 10 ans déjà : De succès en succès", que puremedias.com a pu visionner en avant-première, est un document dense de plus de deux heures, riche en images d'archives. Et pour cause, c'est la société fondée par Jean-Luc Delarue, Réservoir Prod, qui a elle-même produit le documentaire, réalisé par Christophe Janin et Matthieu Valluet. "On s'est dit qu'il était important que nous lui rendions hommage parce que d'autres personnes allaient le faire avec le risque que cela soit fait de façon outrageante et grossière, comme c'est souvent le cas", nous a confié l'actuelle patronne de Réservoir Prod, Eve Ewing. Et de poursuivre : "Jean-Luc était quelqu'un d'excessif, il est facile de le caricaturer. Nous voulions le raconter sur la longueur".
S'il ne contient pas de grande révélation, une des forces de ce documentaire découpé en trois parties - "L'ascension d'un prodige", "La chute" et "Les derniers combats" - réside dans la qualité et dans le nombre de personnalités qui ont accepté de raconter avec franchise "les Jean-Luc", expression utilisée par Eve Ewing pour qualifier le caractère du défunt animateur-producteur. Jean-Pierre Elkabbach, patron de France Télévisions au moment du scandale* des animateurs-producteurs du service public dans les années 1990, déclare ainsi : "Ma relation avec Jean-Luc Delarue, c'est une belle histoire dramatique".
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Parmi les intervenants, deux d'entre eux sortent du lot : Thierry Ardisson et Christophe Dechavanne. Le célèbre homme en noir a le sens de la formule et ne cesse de le prouver tout au long de ces deux heures et quelques. Une phrase pour résumer le parcours de Jean-Luc Delarue ? "C'est le petit prince qui devient un vieux junkie". Le scandale des contrats mirobolants des animateurs-producteurs ? "Moi, j'ai regardé ça comme un mec qui n'est pas passé à la caisse. J'ai regretté de ne pas en être", dit Thierry Ardisson. La personnalité de Jean-Luc Delarue ? "Dans le métier, il n'avait pas la réputation d'être un mec cool. Il avait la réputation d'être un mec froid, arriviste. (...) Il était assez hautain, assez suffisant", estime encore l'ancien publicitaire.
Quant à Christophe Dechavanne, il ne cache pas avoir à la fois admiré et jalousé Jean-Luc Delarue. "Il avait un petit truc (en plus) qui pouvait être agaçant pour moi. Il avait un petit truc...", lance-t-il face à la caméra de Christophe Janin et de Matthieu Valluet. Christophe Dechavanne se laisse même gagner par une intense et étonnante émotion en arrivant au bout de son témoignage. Mais c'est la mère de Jean-Luc Delarue, Maryse Rivoire, qui résume le mieux sa vie : "C'est Icare, mon fils. Il était trop près du soleil".
Ce "Jean-Luc Delarue, 10 ans déjà" ne fait pas l'impasse sur les sujets qui fâchent. "Nous ne nous sommes pas du tout censuré", confirme la patronne de Réservoir Prod à puremedias.com. Au cours du documentaire, on apprend donc que très tôt dans sa carrière télé, Jean-Luc Delarue a pris l'habitude de consommer de l'alcool sans modération pour compenser ses baisses de moral. Avant de basculer dans la drogue, ce qui le conduira à sa chute, lorsqu'il sera placé en garde à vue en septembre 2010 dans le cadre d'une enquête pour trafic de stupéfiants. "L'ambiance au boulot était directement indexée à la quantité d'alcool ou de drogue qu'il avait ingurgitée", dit dans le documentaire son ancien proche collaborateur Gilles Bornstein. Lequel a peu goûté la tournée en camping-car organisée par Jean-Luc Delarue au début des années 2010 pour mettre en garde les lycéens contre les méfaits de la drogue. "Cette mise en scène m'a mis très mal à l'aise. C'était une sorte de rédemption à l'américaine", estime avec le recul le journaliste.
"Je me disais toujours : ça va mal se terminer", rapporte de son côté Flavie Flament, qui a été produite par Jean-Luc Delarue pour l'émission de TF1 "Stars à domicile"'. L'animatrice reste encore aujourd'hui éprouvée par le savon mémorable que lui a passé en public son ancien patron pour un retard de quelques minutes seulement à une réunion de travail. "Il m'a laminé. (...) Je suis allée chialer dans ma voiture. Qu'est-ce-que ça m'a fait mal !", se souvient-elle. Selon des propos rapportés par un proche, l'animateur-producteur aurait un jour déclaré : "Peu importe qu'on m'aime, l'important c'est qu'on me craigne".
* La polémique a été soulevée en 1995 par le rapport parlementaire du député Alain Griotteray qui a révélé les chiffres d'affaires réalisés par les animateurs-producteurs du service public Jean-Luc Delarue, Arthur et Nagui, sous la présidence de Jean-Pierre Elkabbach. Les contrats jugés mirobolants ont conduit à la démission de Jean-Pierre Elkabbach de son poste de président de France Télévisions en 1996.