L'art de la négociation. Ce mercredi 24 août, TF1 proposera en prime time un documentaire dédié à Jean-Luc Delarue à l'occasion des dix ans de sa disparition. A cette occasion, puremedias.com revient sur l'une des marques de ce monstre de la production : son flair de businessman. Dans l'ouvrage "La star qui ne s'aimait pas" (éditions Fayard), paru en 2018, Vincent Meslet, pointure des médias, raconte comment le célèbre animateur avait fait pression sur France Télévisions pour augmenter le prix de ses émissions, en se rapprochant du groupe TF1. Un coup de maître.
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Au début des années 2000, Jean-Luc Delarue est l'animateur préféré des Français et son entreprise, Réservoir Prod, est la première société de production indépendante française. Puissant au sein de France Télévisions, l'homme d'affaires voit plus gros : il ne veut plus dépendre du groupe audiovisuel du service public et encore moins d'entendre parler du scandale des animateurs-producteurs. "Il lui faut toutes les chaînes du paysage audiovisuel comme clients", souligne Vincent Meslet dans son livre.
C'est de cette manière qu'il se retrouve dans la tour de TF1 et découvre les grands patrons de l'époque, Patrick Le Lay et Etienne Mougeotte. "L'animateur est ébranlé. Lui qui s'est toujours cherché des pères de substitution se sent désiré, aimé, respecté. S'ils évoquent ensemble le transfert de Delarue sur TF1, Jean-Luc veut autre chose : le développement de nouvelles productions de Réservoir Prod dont il ne serait pas nécessairement l'animateur. Dans la tour de la première chaîne, il veut être chef d'entreprise", raconte l'actuel patron de Newen France. Si les dirigeants de la Une rêvaient de recruter l'animateur, ils ne ferment pas la porte au producteur et semblent séduits par "sa politique de développement comme un entrepreneur".
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Stimulé par cette rencontre, Jean-Luc Delarue tente un coup de poker le lendemain et téléphone à Marc Tessier, patron de France Télévisions, afin de faire monter les enchères. "Il réclame un contrat pluriannuel de cinq ans, une forte augmentation du prix de chacune de ses émissions et des programmes supplémentaires. Un véritable hold-up", narre Vincent Meslet, précisant que le patron de Réservoir Prod a également réclamé une "clause du meilleur animateur" : "Il exige que pour toute concession faite à un autre animateur, son propre contrat soit valorisé d'autant. Le délire est à son maximum, mais il obtient l'essentiel".
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Après cette négociation menée d'une main de maître, son exclusivité à France Télévisions ne concerne que son statut d'animateur, pas celui de producteur. France Télévisions lui accorde un contrat pluriannuel de trois ans. "Il finit par obtenir un chiffre d'affaires pour son entreprise équivalent à 2% du chiffres d'affaires des émissions. Et maximise les recettes de ses succès en facturant très cher les rediffusions et best-of de ses programmes", poursuit l'auteur de "La star qui ne s'aimait pas". "Dès lors, il faut convaincre TF1 de signer. Il faut montrer que Réservoir Prod est capable de gagner le pari de l'audience sur la chaîne privée", rappelle Vincent Meslet. Et de terminer : "Ainsi, en quelques années, Réservoir Prod deviendra la première société de production indépendante travaillant avec toutes les chaînes...".