On se demandait tous pourquoi nous étions là, au siège de France Télévisions. La plupart des journalistes présents le savaient et s'échangeaient l'info à voix basse : Jean-Luc Delarue va annoncer qu'il est atteint d'un cancer. Convoquée le matin même, la presse a répondu présente, massivement. Une bonne dizaines de caméras, les plus grands médias, on monte par petits groupes au 7ème étage, "celui de la direction" précise l'hôtesse. Jean-Luc est dans les parages, salue les premiers journalistes arrivés d'un "bonjour mes amis". Tout le monde parle à voix basse, "pourquoi on chuchotte, on se croirait à l'hosto" relève une consoeur.
Le responsable de la comm' de l'animateur s'affaire, la liste des médias "invités" à la main. Certains sont restés bloqués en bas. Non loin de là, Rémy Pflimlin, le patron de France Télévisions. Petit aparté avec son animateur, qui lui pose les mains sur ses épaules, chuchotte à son oreille. Les caméras sont les premières à s'installer, il n'y a pas assez de chaises pour tous les journalistes présents, un seul photographe, celui de France 2, est autorisé à shooter l'animateur.
Jean-Luc Delarue titubant, le visage marqué, prend le micro, la parole. "J'ai un cancer" lâche-t-il. Effroi dans la salle, embarras des uns des autres. On tweete d'un côté, on prend des notes de l'autre. Puis il développe : "J'ai un cancer de l'estomac, du péritoine. Avec tout ce que j'ai bu et fumé, je n'ai rien au poumon rien au foie." Il est face à nous, dit-il, pour contrer une rumeur, la rumeur. "Un paparazzi avait mon dossier médical complet et était prêt à le vendre au plus offrant, je me suis dit que tout le monde allait le savoir, donc autant le dire" explique Delarue précisant qu'il sort tout juste de sa première chimiothérapie.
Il plaisante sur son projet de lancer une ligne de bijoux avec sa femme puis, visiblement épuisé, s'assoit. Certains de ses collaborateurs présents dans l'assistance fondent en larmes, Rémy Pflimlin prend la parole, salue le courage de son animateur, récemment écarté de l'antenne. Le temps paraît alors comme suspendu tant l'ambiance et le contexte nous semblent à tous surréalistes. Une mauvaise télé-réalité se joue sous nos yeux, au siège du groupe public. Pour achever le cynisme de cette "conf", un buffet a été dressé. A vot' santé, messieurs dames.
Après Jean-Luc au volant son camping car, ses confessions intimes au 20 heures, Jean-Luc Delarue et son cancer de l'estomac face aux médias. Demain dans vos journaux, Jean-Luc accroché à son déambulateur ? On y est presque, l'animateur a déjà convoqué un photographe de Gala pour un reportage photos à paraître bientôt. On ne peut alors s'empêcher de penser à cette star de télé-réalité Outre-Manche, Jade Goody, qui avait fait de son cancer une émission, une mise en scène permanente jusqu'à son dernier souffle. Mais qui conseille cet homme ? Dans quel monde vit-il ? N'y-a-t-il personne dans son entourage pour lui suggérer de se mettre au vert, de s'éloigner de la lumière et des plateaux de télévision ? Qu'importe l'indécence, the show must go on. Surtout si la direction de France Télévisions cautionne cette mise en scène tristement glauque.