"Je le dis à tous mes potes, je vis ma meilleure vie". Les pieds calés dans des pantoufles fourrées et flanquée dans un canapé dans un coin de la loge XXL qu'elle occupe, Julia Vignali a accueilli puremedias.com entre deux tournages d'"Affaire conclue" sur France 2. Depuis le 28 août 2023, l'animatrice a pris ses quartiers dans l'immense studio de la plaine Saint-Denis où Warner France a posé ses cartons début janvier 2023 pour y tourner son émission phare. Exit "Télématin", l'animatrice de 48 ans revendique son nouveau statut de "madame brocante" du service public, récupéré suite au départ de Sophie Davant, partie se lancer un nouveau défi sur Europe 1. Si son réveil-matin ne résonne plus aux aurores, elle voit défiler trois jours par semaine 25 objets et leurs 25 propriétaires qui rêvent de repartir avec le plus gros pactole.
Un choix gagnant pour France Télévisions qui se réjouit de voir son animatrice enchaîner les records d'audience jusqu'à ce lundi 4 décembre où le second épisode de l'émission a captivé 20,1% du public âgé de quatre ans et plus présent devant sa télévision, selon Médiamétrie. Une occasion idéale pour dresser le bilan de ses premiers mois à scruter vieilleries et oeuvres d'art et d'évoquer ses nouvelles ambitions, libérées par un emploi du temps moins intense.
Propos recueillis par Maxime Fettweis
Puremédias : Comment résumez-vous vos trois premiers mois à la tête d'"Affaire conclue" ?
Julia Vignali : C'est une révélation. Le bilan est très positif. J'avais compris que c'était une émission importante avec beaucoup d'audience et de visibilité mais au départ, j'ai surtout été opportuniste en me disant 'wow, c'est énorme ce qu'on me propose'. J'ai pensé au challenge. J'ai presque oublié de penser au contenu de l'émission et au plaisir que je pourrais y prendre. Dès les premiers jours, je me suis dit que ça allait être hyper intéressant. Ce n'est pas répétitif parce que 25 personnes ce n'est jamais la même histoire ni le même objet. La vie des gens me passionne. L'histoire d'un grand-père, d'une grand-mère, la petite histoire dans la grande... Je n'avais pas anticipé de me retrouver autant dans ce programme.
C'est malgré tout un exercice tout à fait différent de ce que vous faisiez à "Télématin"...
Oui. Je suis quelqu'un de curieuse. Je pense que c'est une qualité quand on est animatrice ou journaliste. Je savais que les gens m'intéressaient puisque je l'avais déjà éprouvé sur "Les maternelles" où j'ai quand même passé trois ans à interviewer de jeunes parents. Mais la vie des objets ça c'est nouveau, et c'est une révélation ! Je veux poursuivre sur ce créneau à l'avenir, m'inscrire sur la durée dans l'émission.
Vous voyez-vous rester 7 ans comme Sophie Davant ?
Et plus si affinités ! Je suis restée deux ans à 'Télématin' mais j'aurais pu rester plus longtemps. C'est l'opportunité qui m'a emmenée ailleurs. Je ne suis pas quelqu'un de très volage ni dans ma vie privée, ni dans ma vie professionnelle mais c'est vrai que là, la greffe a pris instantanément et c'est rare.
Cela veut dire que si une nouvelle opportunité se présente à nouveau à vous, vous pouvez vous lancer dans un autre projet ?
Non, maintenant les opportunités qui vont se présenter à moi sont celles que je vais créer. J'aimerais ne pas être seulement l'interprète des programmes qu'on me propose mais je veux être force de proposition, ce que je n'ai pas toujours fait avant. Mais ça y est. Je me dis pourquoi pas explorer l'objet dans tous ses états ? Parce que le domaine de l'objet, c'est la décoration, c'est l'artisanat, les artisans derrière, c'est l'histoire, le patrimoine... En fait, un terrain de jeu qui m'intéresse énormément s'ouvre à moi.
"Les acheteurs m'appellent "La patronne""
Vous n'avez pas peur de vous enfermer ?
Si s'enfermer c'est brasser un sujet où les gens apprennent et se divertissent, non. Les grandes animatrices, de Karine Le Marchand à Sophie Davant, ont leur propre territoire, ont des appétences, des goûts. Moi mon goût je ne le connaissais pas, je l'ai affiné mais il va vers le divertissement intelligent et là, avec "Affaire conclue" et le champ des possibles que ça ouvre, je me projette. Je suis obnubilée. C'est quelque chose dans une carrière de trouver le bon endroit. J'en suis la première surprise.
Devenir la nouvelle "Madame brocante" de France 2 ne vous dérange pas ?
Non seulement je l'assume mais je vais appuyer ça. Oui être la "femme objets", au pluriel (rires), de France Télévisions, évidemment que ça m'intéresse. Et pas seulement sur cette émission. Avant j'avais trouvé mon style mais je n'avais pas forcément mon territoire. J'ai fait beaucoup de choses, j'ai fait des gâteaux, j'ai été dans la parentalité, j'ai été dans l'actualité avec "Télématin". Et là, la révélation c'est le territoire de l'objet qui me passionne.
Quelle est votre relation avec les acheteurs de l'émission ?
Ils sont hyper accueillants même s'ils sont forts en gueule. Je pense que ça ne triche pas et qu'on a une très chouette relation. Ils m'appellent "La patronne", j'adore. Dans toute émission c'est important d'avoir une figure charismatique, un leader et ça ne me dérange pas d'endosser ce rôle-là, ça fait partie de ma personnalité.
"Avec Thomas Sotto, on a porté cette matinale au plus haut. On a refait vivre "Télématin" selon le désir de la chaîne"
Vous vous sentez plus à votre place aujourd'hui que dans "Télématin" ?
J'étais très à l'aise à 'Télématin'. J'ai adoré réveiller les gens. Mais c'était plus dur de me réveiller moi-même. Je ne regrette pas du tout mon réveil à 3h45 du matin. Je n'ai jamais aimé ça, mais qui aime ça ? Je pense que Thomas Sotto n'aime pas ça non plus. Après, je sais pourquoi je l'ai fait et j'ai bien fait de le faire, la preuve. On m'a donné une opportunité qu'on ne m'aurait peut-être pas donnée si je n'avais pas rempli le cahier des charges et si je n'avais pas bien fait mon travail. Avec Thomas, on a porté cette matinale au plus haut. On a refait vivre "Télématin" selon le désir de la chaîne. Ce qui aurait pu me manquer, ce sont les interviews d'artistes que je continue par le biais d'Europe 1 et je n'ai pas envie d'abandonner ça. J'aime la culture, les personnalités. L'entretien d'artiste que j'incarne dans dans la matinale week-end, c'est formidable. Cette idée vient de "Télématin" car j'ai voulu continuer l'exercice après mon départ, c'est pour ça que j'ai proposé cette formule et on a gagné des auditeurs.
Pourtant, vous ne regardez plus forcément vos anciens collègues sur France 2...
Je n'ai pas le réflexe d'allumer la télévision le matin, je suis plutôt radio, j'écoute Europe 1. Avec Thomas, on s'est félicités pour nos rentrées respectives, Marie Portolano, je la connais depuis très longtemps donc on a toujours échangé. On est tous en contact les uns avec les autres.
En parlant de Marie Portolano, elle animera la soirée du 31 décembre, notamment avec Stéphane Bern. Est-ce que France Télévisions vous a aussi fait cette proposition ?
Oui tout à fait. On m'avait parlé de ce projet mais j'ai dû décliner parce que j'ai décidé de partir en vacances.
En revanche, on ne vous a pas vue en prime lorsque vous réveilliez les téléspectateurs dans "Télématin"...
Je ne sais pas quelles sont les envies de Marie par rapport à ça mais moi quand je faisais "Télématin", j'avais surtout envie d'arriver à me réveiller chaque matin et d'être en forme. C'était un tel marathon que je n'arrivais pas à me projeter ailleurs. Je n'ai pas été force de proposition, j'étais rincée. J'étais concentrée pour bien faire mon travail, trois heures de direct, et surtout terminer l'année en bonne santé. Je n'étais pas très en recherche de travail supplémentaire. Je ne sais pas si Marie a suffisamment de forme pour pouvoir prendre de nouveaux challenges mais moi à l'époque, je me concentrais déjà sur celui qui était le mien. Là, je suis en pleine forme. "Télématin" a été une période d'apprentissage, du direct notamment, et maintenant c'est une période d'expansion qui s'ouvre à moi et mes horaires me permettent de rêver à autre chose, ça me donne des idées.
Vous parlez d'idées, quelles sont-elles ?
On va développer des choses avec Warner et j'espère que la chaîne sera derrière nous mais je ne vois pas pourquoi. Je me rappelle de cette émission que j'adorais "La maison France 5" (émission diffusée sur France 5 entre janvier 2003 et décembre 2020, ndlr). Elle est où aujourd'hui "La Maison France 5" ? J'ai plein d'idées, ce n'est que le début. Je vais d'abord en parler à la chaîne. Une fois qu'elles auront été approuvées par le groupe qui m'emploie, bien sûr que je vous en parlerai. Mais à l'avenir, je veux être force de proposition.
"J'ai toujours un petit texto sympathique de la direction de France Télévisions"
Les audiences d'"Affaire conclue" sont au beau fixe. En revanche, vous êtes encore loin du record historique de Sophie Davant qui avait enregistré 24,0% de part d'audience le 30 janvier 2020, durant le confinement. Est-ce que vous espérez un jour la dépasser sur ce critère ?
Bien sûr. Mais les vrais objectifs je les ai par rapport à moi-même. Voir que depuis que j'ai repris l'émission, les audiences ne font que monter, c'est génial. Les consolider était un premier challenge et puis ça monte encore. On va tout faire avec les équipes de Warner pour que ça continue dans cette direction.
On imagine que la direction de France Télévisions est ravie d'observer ces chiffres, à la hausse...
Ils me félicitent, ils sont adorables. J'ai toujours un petit texto sympathique de la direction, ce n'est pas toujours de la même personne. Mais c'est bien pour toute l'équipe, il y a environ 70 personnes qui travaillent sur l'émission. L'incarnation est importante mais ce n'est pas que l'animatrice. Les gens ils ne viennent pas me voir, ils ne disent pas "on va passer notre après midi avec Julia", ils se disent qu'ils viennent pour apprendre et découvrir des objets, je ne suis pas dupe de ça. C'était pareil pour "Télématin" et je reste persuadée que les personnalités à la télévision sont importantes mais pas autant que le fond.
Avec ces records à répétition, vous n'avez pas peur de voir la tendance s'inverser ?
Je me dis qu'il ne faut pas bouder son plaisir. Vous avez raison, la télévision c'est parfois des montagnes russes mais quand ça marche, autant s'en féliciter. Si on est toujours dans la peur que ça se casse la gueule, à quel moment on se réjouit ? Là c'est le haut, je suis très contente.
Maintenant que vous êtes à l'aise à la présentation, avez-vous envie d'amener de nouvelles choses dans l'émission ?
J'amène ma personnalité, ma vision de l'émission, ma façon d'accueillir les gens, mon ignorance sur l'histoire des objets. L'ignorance en télévision c'est très utile. Je me mets en position de ne pas savoir et il se trouve que je ne sais pas souvent donc ça tombe bien. Peut-être que dans dix ans, j'en saurais trop mais on verra à ce moment-là ce qu'il faudra faire.