Que retenir de l'année médiatique écoulée ? Pour la sixième année, puremedias.com a proposé à plusieurs personnalités de revenir sur ces douze derniers mois, avec la désormais traditionnelle "Année médias vue par...". Au tour de Mouloud Achour, présentateur de "Clique Dimanche" chaque dimanche en clair sur Canal+ à 12h45.
La personnalité médiatique de l'année ?
Charles Aznavour. Ce qu'il a construit, ce qu'il a écrit, ceux qu'il a inspirés, ceux dont les vies ont changé grâce au courage et à l'amour qu'il transmettait dans ses chansons le savent. Lorsqu'il nous a quittés, on a pu voir des tas d'hommages bouleversants et des documentaires sur sa formidable épopée. Ce qui m'a le plus marqué, c'est qu'on avait pas entendu depuis très longtemps de si belles valeurs à l'unisson sur toutes les chaînes. Cet itinéraire de l'Arménie à la France, symbole de ce que l'immigration a apporté à la France est incroyable. Charles Aznavour a fait rayonner la France dans le monde entier, et grâce à lui, on peut encore dire qu'on a la classe quand on a la chance de voyager avec un passeport français.
La personnalité politique de l'année ?
Assa Traoré, soeur d'Adama Traoré, décédé il y a deux ans dans les locaux de la gendarmerie de Persan. Elle marquera l'année car le combat qu'elle mène avec son collectif Justice et Vérité concerne une très large partie de la France. Ça va au-delà des banlieues, au-delà des quartiers populaires, au-delà des jeunes. Assa Traoré est forte, digne, et depuis la crise sans précédent des Gilets jaunes, les sujets qu'elle évoque sont sur la table. Il faudra faire avec elle, et avec tous ceux qu'elle représente.
Le coup médias de l'année ?
Arianne Chemin qui révèle l'affaire Benalla dans "Le Monde". Au delà de la personne d'Alexandre Benalla, et de l'affaire qui est actuellement instruite, cette affaire et ce qu'elle symbolise a crispé une partie de la France se sentant victime de profonde injustice.
Le mensonge médiatique de l'année ?
Celui qu'on valide tous lorsqu'on adhère aux Conditions Générales en s'inscrivant sur un réseau social, en allant surfer sur un site. C'est le mensonge auquel nous sommes le plus exposés et qui nous prive petit à petit de notre liberté. Notre liberté d'agir, notre liberté d'aller lire ou regarder ce qu'on veut sans que personne ne le sache, notre liberté de ne pas être ciblé en permanence par des publicités en fonction de ce qu'on a aimé sur ces réseaux. Politiquement, les conséquences sont profitables aux despotes, aux populistes, et à tous types d'extrêmes, nous sommes enfermés dans ces bulles cognitives, où l'émotion vive prend le pas sur la réflexion, et oriente l'information. Cette prison algorithmique nous prive avant tout de notre liberté de penser, et nous en sommes les propres geôliers puisque nous avons aveuglément "accepté les conditions".
L'émission TV de l'année ?
Sans hésiter "21cm" d'Augustin Trapenard. Au delà d'une émission, c'est une véritable collection, une série passionnante où l'on découvre, on rit, on pleure même. Je n'ai vu Annie Ernaux nulle part ailleurs à la télévision, j'y ai compris Riad Sattouf, j'ai frissonné avec Maxime Chattam et je commande aveuglément ses recommandations dans "21cm de plus". La télévision qui donne envie de lire, c'est de plus en plus rare. "21cm" c'est, encore plus rare, une émission belle à regarder, bien produite.
L'émission radio de l'année ?
Les remèdes à la mélancolie d'Eva Bester sur France Inter. C'est la personne la plus cosmique des ondes. Une intervieweuse de génie, sensible et drôle. Une pause parfaite, un voyage dont on revient plus proche de soi. Je l'admire énormément.
La série de l'année ?
"Les Dernières Minutes" de Roman Frayssinet sur "Clique Dimanche". Je regarde tous ses épisodes sur la page de Clique TV comme une série, c'est drôle, émouvant, intense, extrêmement bien écrit, bien joué, et toujours juste. La classe.
Le dérapage médias de l'année ?
"Traverse la rue pour chercher un travail". La rue s'en est souvenu.
Le flop TV/radio de l'année ?
Le clash, le buzz, les cris, les explications du buzz avec d'autres cris pour faire d'autres clashs. Des gens très bien se perdent dedans, pour faire de la "reprise". C'est le signe de la fin d'une époque, les audiences télé chutent, et c'est une solution facile pour faire parler de soi. Sauf qu'on y perd son âme, et une partie du public que ça fatigue, qui n'est plus devant la télévision, car elle fait trop de bruit. Du mauvais bruit.
Le/la journaliste de l'année ?
Les anonymes, qui vont devenir de plus en plus leurs propres médias, qui vont montrer ce qu'ils ont vu en bas de chez eux, qui vont contrer les fake news en expliquant qu'il n'existe pas de territoire perdu de la République, que la réalité existe, sous leurs yeux. Une véritable bataille se joue déjà, et se jouera encore autour de la notion de la vérité, et ce sont les gens qui la vivent qui la montreront le mieux. Dans cette veine, je dirais Rémi Busine, journaliste chez Brut. Et les formidables Emilie Papathéodorou et Pauline Baduel, Anthony Cheylan, Nicolas Truquet, Valentin Casuto, Eileen Mora, Charlotte Vautier, Fabienne Gautier, Sébastien Abdelhamid, John Sulo, Karim Benani, Fany Salafa, Justine Billerey, Thomas Rabi, Lola Favart, Camille Mati, Vera Lou et Sarah Khalman, Hugo Beron, et le magique Roman Frayssinet qui font de Clique TV une chaine unique en son genre.
L'animateur/animatrice de l'année ?
Philippe Gildas, qui nous a quittés cette année. Sans "Nulle Part Ailleurs", Clique n'existerait pas.
La personnalité médiatique qui marquera 2019 ?
Jon Snow.