La reine du Royaume-Uni Elizabeth II est morte, ce jeudi, à l'âge de 96 ans. Dans le monde, elle est le souverain ayant régné le plus longtemps, plus de 70 ans, juste derrière Louis XIV (plus de 72 ans sur le trône du 14 mai 1643 au 1er septembre 1715). Le prince Charles, premier héritier chez les Windsor dans l'ordre de succession au trône, doit lui succéder.
Conditionnée et familiarisée aux règles et aux contraintes de la vie à Buckingham Palace dès sa plus tendre enfance, la princesse Elizabeth n'est qu'une jeune femme de 25 ans lorsque son père, le roi George VI, meurt prématurément à l'âge de 56 ans. Alors en représentation au Kenya avec son époux, le duc d'Édimbourg Philip Mountbatten (ancien prince de Grèce et du Danemark), elle devient officiellement reine le 6 février 1952. Son couronnement, lui, attendra seize mois : il est organisé en l'abbaye de Westminster, le 2 juin 1953.
La cérémonie restera dans l'histoire, c'est la première fois qu'un événement d'une telle renommée, "après bien des tergiversations", rappelle "Geo", est retransmis à la télévision. "Cinq télévisions européennes sont chargées de retransmettre simultanément et en direct l'événement", écrit le portail national des archives, France archives. En France, le couronnement est commenté par Léon Zitrone sur l'ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française). Le succès aussi bien technique que populaire - 27 millions de Britanniques étaient devant leur poste pour environ 46 millions d'habitants - de cette première fait des émules.
La reine a compris l'intérêt, pour gagner en popularité, de faire entrer à Buckingham Palace les caméras de la BBC. "L'étroite relation (entre la chaîne) et la Couronne" est née, explique "Slate", au moment de l'allocution du roi George VI annonçant l'entrée en guerre du pays le 3 septembre 1939. C'est ainsi que le 25 décembre 1957, 25 ans tout juste après le premier discours radiophonique de son grand-père le roi George V, la reine prononce son premier discours royal de Noël.
De la crise du canal de Suez en 1956 à celle du Covid entre 2019 et 2021, en passant par les grèves des mineurs dans les années 1980 et la guerre du Golfe du début des années 1990, la reine Elizabeth a vécu, au contact de 16 Premiers ministres, de Winston Churchill (1952-1955) à Margaret Thatcher (1979-1990), dont - fait rarissime - elle s'est opposée, en 1986, à la volonté de préservation des relations avec l'Afrique du sud alors sous le régime de l'Apartheid, et Boris Johnson depuis 2019, sept décennies d'histoire et de progrès technique et scientifique.
Pour autant, les institutions sont ainsi faites, la souveraine "règne, mais ne gouverne pas", selon la maxime bien connue du journaliste britannique du XIXe siècle, Walter Bagehot. Parmi le peu d'adresses à la Nation qu'elle a prononcées en 70 ans de règne, l'histoire retiendra le discours qu'elle a tenu à la suite de la mort, le 31 août 1997 dans un accident de voiture à Paris, de la princesse Diana, avec qui elle entretenait des relations pour le moins tendues.
La reine est alors au coeur des critiques : les Britanniques lui reprochent un discours tardif. Elizabeth se trouvait à ce moment-là à Balmoral (Ecosse) avec le prince Charles et les deux enfants de Diana, William et Harry. Si le jeune premier ministre Tony Blair réagit à chaud à la mort brutale de la princesse, la reine sortira du silence seulement le 5 septembre 1997 avec ses mots : "Nous avons tous essayé de différentes manières de faire face. Il n'est pas facile d'exprimer un sentiment de perte, car au choc initial succède souvent un mélange d'autres sentiments. Ce que je vous dis maintenant en tant que grand-mère je le dis avec mon coeur".
"La reine a vécu deux cauchemars dans sa vie, Diana et le Brexit", résumait auprès du "Figaro" il y a deux ans, Jean des Cars, auteur d'"Elizabeth II. La reine" (Perrin, 2018). Bien qu'elle ne puisse pas donner publiquement son opinion sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE), comme sur aucun autre dossier politique, la souveraine avait clairement choisi de faire passer un message ce jour de juin 2017, en portant une robe aux couleurs du drapeau européen.
Femme de communication d'expérience, la reine s'est employée à gérer tout au long de sa vie de souveraine, tantôt les frasques, tantôt les critiques des pensionnaires du palais. Le dernier épisode en date remontait au 7 mars 2021. Lorsque son petit-fils, le prince Harry, et son épouse Meghan Markle, partis s'exiler en Californie, ont décrit, au micro d'Oprah Winfrey, l'état de mal-être dans lequel ils se trouvaient lorsqu'ils résidaient encore à Buckingham, la reine, imperturbable, louait, le même jour sur la BBC, le "dévouement désintéressé" et le "sens du devoir" dans un message marquant la Journée du Commonwealth.
La vie de la reine a inspiré plus d'un réalisateur de films au cinéma ou de séries. "The Crown" diffusée sur Netflix, est l'une des dernières adaptations à avoir remporté l'adhésion du public. La série, portée par les tandems Claire Foy-Matt Smith (saisons 1 et 2), Olivia Colman-Tobias Menzies (saisons 3 et 4) et Imelda Staunton-Jonathan Pryce (saisons 5 et 6 à venir en novembre 2022), couvre les périodes marquantes de la vie d'Elizabeth (enfance, accession au trône, relations avec ses premiers ministres...). Multirécompensée aux Emmy Awards 2021 en septembre 2021, la série tire son origine du film "The Queen" (2006) et de la pièce "The Audience" (2013), de Peter Morgan.