Pour Laurent Kérusoré, la vie est "encore plus belle". Depuis le mois d'octobre dernier, l'acteur de 49 ans a renfilé le costume de Thomas Marci, le personnage le plus emblématique de "Plus belle la vie". Un an après l'arrêt du feuilleton culte par France 3, le comédien de 49 ans n'a pas hésité une seconde avant de retourner au Mistral et retrouver ses collègues marseillais. Pour puremédias.com, Laurent Kérusoré se confie sur le retour de la série sur TF1 le lundi 8 janvier 2024 à 13h40. Interview.
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Propos recueillis par Benjamin Rabier
Puremédias : Après l'arrêt de la série sur France, imaginiez-vous un jour un retour de "Plus belle la vie" sur TF1 ?
Laurent Kérusoré : Honnêtement, non. Au cours de ma carrière, j'ai développé un instinct de survie. Le 18 novembre 2022, j'ai regardé le dernier épisode de "Plus belle la vie" sur France 3 avec des amis dans un bar. Le lendemain j'ai choisi de tourner cette page de ma vie. Je ne voulais pas être dans l'espoir ou dans l'attente de quelque chose qui n'allait peut-être jamais arriver.
Vous avez joué le rôle de Thomas Marci pendant 18 ans. La page a dû être difficile à tourner tout de même ?
J'ai été touché par la fin de la série, c'est vrai. D'ailleurs toutes les images qui ont circulé dans la presse, c'est moi en pleurs lors du dernier clap. Évidemment pendant les deux derniers mois de tournage, quand vous dites au revoir à tous vos camarades, c'est dur. Donc oui, l'arrêt m'a affecté mais je n'espérais rien. Entre mon dernier jour de tournage et la diffusion de l'ultime épisode sur France 3, il s'est passé quelques semaines. Grâce à mon instinct de survie, j'ai réussi à tourner la page et à passer à autre chose. J'ai passé un an à rien foutre après avoir bossé non-stop pendant 18 ans, ça fait du bien. J'ai retrouvé Laurent, c'était vachement sympa.
"Aujourd'hui, mon seul souhait, c'est que la série dure encore 18 ans et que Thomas puisse prendre sa retraite"
Quand Newen vous a appelé pour vous parler de ce retour, avez-vous hésité avant d'accepter d'y prendre part ?
Quand Vincent Meslet (Directeur général chez Newen France) m'a rappelé au mois de mars dernier pour me parler du retour de la série, j'ai dit oui tout de suite. Dès le premier appel. Ça l'a même surpris. Il m'a dit 'prend quelques jours de réflexion'. Je l'ai toujours dit, si la série durait 40 ans je serais resté 40 ans. Aujourd'hui, mon seul souhait, c'est que la série dure encore 18 ans et que Thomas puisse prendre sa retraite. J'ai plein de camarades qui me disent : 'Laurent, il faut que tu fasses autre chose, que tu t'ouvres des portes ailleurs'. Je ne suis pas d'accord. 'Plus belle la vie' est une porte dorée qui se ré-ouvre pour moi, ce serait con de la refuser. Je n'ai plus la force, à bientôt 50 ans, de courir les castings, d'aller taper aux portes. Le milieu et l'époque ont changé. Aujourd'hui, les directeurs de casting regardent la popularité sur Instagram pour choisir tel ou tel acteurs pour un rôle. Je ne suis plus dans ce monde.
Qu'avez-vous ressenti en retrouvant le plateau de la série ?
J'ai été très ému. Pour des besoins d'organisation par rapport à ma taille, les éclairages, etc.. Je suis arrivé quelques jours avant le premier jour de tournage. La première chose que j'ai vu c'est le comptoir du Mistral. C'est celui d'origine, le seul "objet" que la production avait conservé. Il représente 18 ans de travail, de bonheur et de belles rencontres. J'ai appris récemment que j'avais un record de présence dans 'Plus belle la vie'. Je n'ai pas été dans toutes les intrigues mais j'étais là. J'étais donc de retour chez moi.
Et le premier jour de tournage de "Plus belle la vie, encore plus belle", comment l'avez-vous vécu alors ?
J'avais le trac. À cause de mon instinct de survie, j'avais oublié tous mes réflexes. J'ai travaillé à bâtons rompus pendant 18 ans. Pendant 18 ans, ma vie a été liée à celle de Thomas Marci. À celle de mon travail. J'ai pris très peu de vacances et en même temps, je m'en foutais, je gagnais bien ma vie, j'étais content. Pour la petite anecdote, la veille du premier jour de tournage de "Plus belle la vie, encore plus belle" j'ai appelé la réalisatrice, Claire de la Rochefoucauld pour lui dire 'J'ai un problème : j'ai le trac'. Elle m'a dit 'C'est bon signe, moi aussi. C'est qu'on est vivant'. Elle m'a immédiatement rassuré. Le lendemain, je retrouvais ma famille et mon cocon rassurant. Sur "Plus belle", j'ai la même maquilleuse depuis 18 ans, le même coiffeur depuis des lustres. Je crois que j'avais aussi le trac par rapport aux petits nouveaux. J'avais envie de faire bien devant eux. Sans prétention, mais juste leur montrer qu'on sait faire le boulot. Finalement, les réflexes de 18 ans de vie sont revenus en quelques minutes. Les textes m'ont aidé aussi. J'ai retrouvé le Thomas du début. Ce personnage qui n'existe pas dans la vraie vie, qui ne juge personne, qui est content tout le temps même s'il est parfois râleur, un peu concierge mais toujours pour le bien de l'autre.
"J'ai tellement donné à Thomas que j'ai pu parfois m'oublier. Lui est marié, père de deux enfants, moi je vis avec mes chiens"
Au bout de 18 ans, est-il devenu votre double ?
Non, lui et moi n'avons pas du tout le même caractère. On a évidemment des points communs. J'ai de l'empathie, je ne juge pas grand monde. Après je n'ai pas sa patience, ni sa naïveté... D'ailleurs, je n'ai pas sa vie. Ce n'est pas de la psychologie à deux balles mais j'ai tellement donné à Thomas que j'ai pu parfois m'oublier. Thomas est marié, père de deux enfants alors que moi je vis avec mes chiens. Mais ce n'est pas grave.
Qu'est-ce qui change pour vous dans le fait d'être désormais une série diffusée sur TF1 ?
Je suis acteur, le diffuseur, je n'en ai rien à foutre. Pour moi, le métier reste le même. Ça change parce qu'on est TF1 mais surtout parce que la chaîne a, je pense, su comprendre l'évolution des habitudes des téléspectateurs. Et ça, je ne peux que leur faire confiance. Je fais confiance aux gens dans leur bureau chez TF1 qui sont experts de ces questions-là. Mon boulot à moi c'est de connaitre mon texte, d'arriver à l'heure et de faire mon travail. Le reste, c'est eux que ça regarde. La bienveillance de TF1 et de ses équipes, c'est bluffant pour moi. C'est valorisant.
Vous vous sentez plus valorisé que sur France 3 ?
Avec France Télévisions, on était dans l'habitude. Les séances photos étaient expéditives, en cinq minutes c'était réglé. Là, avec TF1, on a fait une séance photo qui a duré une journée entière. On a vraiment pris conscience de l'artillerie lourde. Pour nous en tant qu'acteur, c'est hyper valorisant. On a immédiatement senti leur respect et leur envie de nous porter. Ça fait du bien. Je leur fais confiance. Je pense que s'ils ont repris 'Plus belle la vie', ce n'est pas pour rien, qu'ils ont leur raison et donc que je dois leur faire confiance. Je ferai mon boulot jusqu'au bout. Ce qui se passe autour de nous est gratifiant.
"Le challenge que l'on va avoir sur TF1, c'est qu'un nouveau public ne nous aura jamais vu"
Et si ça ne marchait pas sur TF1. Vous y pensez ?
Non. Je n'y pense pas. Je prends ce qu'il y a à prendre. Je pense que ça va marcher. Quand je marche dans la rue, j'entends le témoignage des gens, c'est mon thermomètre. On ne sera pas suivi par des milliards de téléspectateurs mais on aura notre public. Je pense que si TF1 a décidé de relancer la série, ce n'est pas pour rien. Quel que soit l'horaire, ce ne sera jamais une horreur. "Plus belle la vie" a marqué la vie des Français. On m'a quand même proposé de toucher l'héritage de personnes qui n'avaient plus de famille. Des gens qui voulaient que Laurent Kérusoré reçoive leur héritage. C'est fort je trouve. Evidemment, j'ai tout refusé. Mais ça prouve que c'est vraiment une série populaire. Pour moi c'est l'un des plus beaux mots de la langue française. Le petit challenge que l'on va avoir sur TF1, c'est qu'un nouveau public ne nous aura jamais vu. J'espère qu'on va leur plaire.
Votre personnage a-t-il changé en passant de France 3 à TF1 ?
Je ne sais pas du tout ce qui attend Thomas dans cette nouvelle version, je l'ai retrouvé tel qu'il était. C'est de la guimauve. Après ce qui va lui arriver, je n'en suis pas décisionnaire. Je sais qu'on a des anciens auteurs qui participent à cette nouvelle collection et je les en remercie car c'est un vrai plaisir de jouer leurs textes. C'est jubilatoire pour moi.
Le retour de "Plus belle la vie" est aussi une aubaine pour les intermittents de Marseille et de la région. Ça doit vous ravir ?
Ce n'est absolument pas mon problème. C'est des questions politiques et pécuniaires qui ne me regardent pas. Beaucoup de techniciens ont retrouvé du travail après 'Plus belle la vie'. Moi je n'ai pas tant travaillé que ça après la fin de la série. J'ai juste tourné dans la prochaine saison de la série "La Stagiaire" sur France 3. Je suis marqué par ce rôle. Mais je m'en fous. Je viens en courant au travail.
Et si TF1 vous proposait de venir le héros de votre propre série ?
Je me verrais dans plein d'autres rôles, il n'y a pas de soucis. Mais ce n'est pas mon boulot. C'est à eux de voir et de contacter mon agent. Pour l'instant, je n'y pense pas. J'ai la tête dans le guidon. Pour moi, l'important c'est d'avoir du travail. Par contre, si un jour TF1 me proposait un rôle, j'aimerais qu'il soit complètement différent de Thomas Marci. Si c'est pour jouer un spin-off ou un Thomas bis c'est non. Je préfère rester au Mistral. D'ailleurs, pour être honnête, ça me ferait chier de quitter les copains et je ne partirais pas pour les rôles qu'on me propose en ce moment. Je suis vraiment très heureux. J'ai fait 'La stagiaire' l'année dernière. La chance que j'ai eu c'est que tous les techniciens étaient des gens de 'Plus belle'. Michèle Bernier a été super accueillante et le rôle était génial, ça m'a permis de sortir de mes gonds. Ce rôle était particulier, je ne suis pas sûr que quelqu'un d'autre aurait pu le faire.