La vente de la chaîne "Numéro 23" par Pascal Houzelot au groupe NextRadioTV n'en finit pas d'être critiquée. En seulement deux ans, l'homme d'affaires a valorisé cette petite chaîne de la TNT à 90 millions d'euros. Ce n'est pas son audience (0,7% en mars) ou ses programmes qui intéressaient l'acheteur Alain Weill, propriétaire de BFMTV. Mais sa fréquence TNT nationale et son statut de mini généraliste.
En présentant un projet tourné vers la diversité, Pascal Houzelot a décroché en 2011 le précieux canal devant le CSA, après un appel à candidatures où tous les groupes médias s'étaient pressés. Si le gouvernement vend ses fréquences télécom à prix d'or (plusieurs milliards d'euros), les fréquences TNT sont cédées gratuitement. A condition de respecter un cahier des charges précis sur la programmation. Jackpot donc pour son fondateur qui, malgré ses investissements initiaux, réalise une importante plus-value seulement deux ans et demi après l'avoir créée. De plus en plus de voix s'élèvent aujourd'hui contre la vente de cette ressource publique rare.
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Révolte ce matin, dans Le Parisien/Aujourd'hui en France, de Rachid Arhab, membre du CSA à l'époque de la sélection de Numéro 23 pour faire partie des nouvelles chaînes de la TNT gratuite. "La diversité de cette chaîne n'a été qu'un prétexte pour obtenir la fréquence. L'unique objectif des porteurs de ce projet était de planifier une belle opération financière". L'ex-journaliste dézingue Houzelot, "arrivé avec ses gros sabots" au CSA pour présenter son projet à l'époque. Il reconnaît que ses collègues ont été "impressionnés" par le tour de table financier présenté en 2011. "Sept d'entre eux se sont fait manipuler, le CSA est tombé dans le panneau".
Dimanche dans "Médias le mag", Véronique Cayla, présidente d'Arte, s'est dit "choquée" par cette revente. "Les fréquences sont un espace public, je trouve choquant qu'on puisse faire des fortunes aussi rapidement. Il y a quelque que chose qui me paraît immoral même si c'est légal. Dans le contexte économique actuel, c'est difficile à expliquer", a-t-elle déclaré.
Même son de cloche du côté de Yassine Belattar, associé initialement au projet puis écarté. "Pascal Houzelot nous a reçus une semaine après pour nous dire qu'il n'avait pas l'argent nécessaire, lâche-t-il dans Le Parisien. Contrairement à ce qu'il avait dit aux Sages, certains de ses prestigieux partenaires n'ont pas mis un centime".
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La polémique pourrait prendre un tournant politique. Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la Culture au Sénat, doit proposer un amendement visant à quadrupler l'actuelle taxe (de 5 à 20%) due à l'Etat en cas de revente d'un canal de la TNT. Dans l'hémicycle, plusieurs parlementaires se sont emparés du sujet. "Entendre la classe politique aujourd'hui me fait doucement rigoler, tempère Rachid Arhab. Nous les avions suffisamment prévenus du danger". Le gendarme du PAF voulait interdire toute revente avant cinq ans. Un délai divisé par deux par les parlementaires.
Pourtant, ce n'est pas la première fois que ce trafic de fréquences choque plusieurs acteurs. En 2011, Bolloré avait réalisé une très belle opération financière en vendant Direct 8 et Direct Star au groupe Canal+. Le deal lui a permis de devenir aujourd'hui le premier actionnaire de Vivendi. Même cas de figure lors de la revente par le groupe AB des chaînes TMC et NT1 à TF1. En 2013, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, avait alors annoncé vouloir mettre fin à ces "reventes spéculatives".
l VOIR Alain Weill mise sur le numéro 23 (Sigor Ibanez, Brice Gouronnec "Médias le mag")