Coup de boost en vue pour la matinale de LCI. Prime-time pour une chaîne info, cette tranche est la plus stratégique pour celle du groupe TF1, qui cherche à consolider son statut de deuxième chaîne du secteur. Depuis 2017, c'est Pascale de La Tour du Pin, formée à BFMTV, qui a la charge de redresser cette tranche partie d'un niveau extrêmement faible et qui, malgré sa progression, demeure un très lointain challenger de "Télématin" (France 2) et "Première Édition" (BFMTV). Alors qu'elle vient tout juste d'achever sa deuxième saison, Pascale de La Tour du Pin fait le bilan et présente les nouveautés à venir dans sa matinale à puremedias.com.
Propos recueillis par Pierre Dezeraud.
puremedias.com : Vous venez de conclure votre deuxième saison à LCI. À la rentrée, vous entamerez votre troisième à la matinale. Dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Pascale de La Tour du Pin : Je l'aborde avec enthousiasme et envie. Je vais avoir autour de moi une équipe en partie renouvelée puisque certains ont choisi de partir vivre une autre aventure ailleurs, que d'autres vont officier à des horaires différents sur la chaîne, et enfin que de nouvelles signatures nous rejoignent. Je suis ainsi ravie d'accueillir Jean-Michel Aphatie. Il aura une patte toute particulière dans la matinale. Je compte beaucoup sur lui pour apporter du relief à l'information politique dans la matinale. Autre incarnation forte qui nous rejoint : François-Xavier Pietri. Lui aussi aura une façon d'aborder l'économie avec un ton fort qui lui est propre. On va prendre de la hauteur sur l'information économique. Il y aura aussi une rubrique culture avec Hélène Mannarino, qui va apporter son originalité.
Vous gardez quand même des "piliers" dans votre équipe.
Bien sûr, on ne redémarre pas à zéro, même si l'équipe est resserrée. Sur le fond, on consolide sur la base de nos acquis. Il y aura toujours un débat à 8h20, l'interview politique à 8h30... S'il y a une chose à ne pas faire, c'est de tout casser pour recommencer. Christophe Beaugrand sera toujours avec nous, tout comme Guillaume Woznica. Ce garçon est incroyable ! Il ne se trompe jamais et a un rôle essentiel car les informations météo en matinale, c'est sacré ! Quand on se lève le matin, on a tous envie de savoir quel temps il va faire. Benjamin Cruard sera aussi de la partie. Il va avoir un rôle un peu différent. Il sera en plateau avec nous mais il nous proposera des reportages de terrain. Je compte beaucoup sur sa fraicheur, c'est un élément fort de l'équipe. Côté info, on retrouvera désormais Sébastien Borgnat, excellent journaliste et visage historique de LCI. Enfin, Gerald Kierzek proposera une chronique santé trois fois par semaine.
"Je suis plus impliquée que jamais"
L'équipe est resserrée, vous parierez donc moins sur l'esprit de bande ?
Au contraire, il est renforcé. On va même laisser un peu plus de temps autour de la table. Il y aura d'ailleurs moins de contenus pour permettre aux éditorialistes de développer. Je les solliciterai aussi davantage. Par exemple, Jean-Michel Aphatie et François-Xavier Pietri pourront échanger entre eux sur un sujet.
Aphatie, Pietri... On est clairement sur un recentrage sur la politique et l'économie, le coeur de cible de LCI.
C'est vrai mais, attention, nous ne sommes pas sur du débat politique, ce n'est pas le temps d'une matinale. Le temps d'une matinale, c'est de l'accueil, de l'information rapide et de l'information de proximité. Ce n'est pas le tempo de ce que fera par exemple Olivier Galzi à 9h. Et puis, la matinale, ce n'est pas que de la politique. S'il y a des chutes de neige qui paralysent le pays, je peux partir en édition spéciale dessus, tout comme la canicule, qui a été l'un des temps forts de l'année.
Vous avez été impliquée dans le choix de nommer Elizabeth Martichoux à la tête de l'interview politique ?
C'est naturellement un choix qui appartient à la direction avec Thierry Thuillier et Fabien Namias. Je trouve que c'est très judicieux. Elizabeth est une grande professionnelle, aguerrie de l'exercice. C'est une grande chance pour nous de l'accueillir, notamment avec les échéances électorales à venir. Je suis très heureuse qu'elle devienne l'une des grandes signatures de la matinale aux côtés notamment de Jean-Michel Aphatie et François-Xavier Pietri.
Jusqu'à présent, vous n'aviez pas de rédacteur en chef. À la rentrée, Bastien Morassi occupera ce poste. Pourquoi cette évolution ?
J'étais un peu seule et honnêtement, c'était assez lourd. Fabien Namias (directeur général adjoint de LCI, ndlr) a décidé de renforcer les équipes en back-office. Une équipe renforcée, c'est le gage de plus de qualité à l'antenne. Nous avions besoin pour progresser. Ça ne veut pas dire que je lâche. Au contraire, je suis toujours dans un objectif de croissance, plus impliquée que jamais.
"La matinale de LCI, c'est une construction au long terme"
Que deviennent les partants ?
Axel Monnier, qui présentait les journaux, retourne à TF1, sa maison d'origine qui avait eu l'amabilité de nous le "prêter". Il travaillera sur les longs formats au "20 Heures" week-end. Bintily Diallo va vivre une autre aventure en dehors du groupe, tout comme Christophe Jakubyszyn. Claire Fournier rejoint la tranche 12h/14h et Thierry Moreau se concentrera sur l'émission d'Audrey Crespo-Mara. Geoffroy Lejeune, lui, officiera dans les débats d'Arlette Chabot mais il pourra revenir de temps en temps. La porte n'est fermée à personne. Il y a forcément un peu d'émotion à se séparer car c'est une aventure humaine qui s'achève.
Quel bilan tirez-vous de cette deuxième saison ?
On termine en hausse, ce qui est positif après le bond enregistré en première saison, et alors que le marché des matinales est ultra-concurrentiel. La tendance est bonne. La matinale enregistre une progression de 23% de son audience (moyenne de 76.000 téléspectateurs et 2,6% de PDA, ndlr) et même la plus forte hausse des chaînes info sur les cibles publicitaires, ce qui est le nerf de la guerre quand vous travaillez dans une chaîne privée. Il faut savoir que la matinale de LCI est particulièrement performante sur les 25-49 ans (2,4% de PDA, ndlr) et surtout sur les CSP+ (4,0% de PDA, ndlr). L'objectif, c'est de continuer à progresser. C'est pourquoi nous mettons un coup d'accélérateur pour la saison prochaine.
Vous parlez de "coup d'accélérateur". La progression est trop lente ?
Non, j'ai toujours dit que ça prendrait du temps. C'est une construction au long terme. En revanche, il faut booster et se renouveler pour entretenir la progression. De l'année 0 à l'année 3, il faut qu'il y ait un gap significatif. Le résultat est là, pour l'instant. J'ai commencé à 1,4% de PDA. Aujourd'hui, nous sommes à 2,6%.
"Je ne m'étais fixé aucun objectif d'audience"
Vous imaginiez que le chemin serait aussi escarpé ?
Je ne m'étais fixé aucun objectif. Les audiences, il faut les regarder bien sûr, mais en même temps garder un certain recul. Une progression sur une matinale, ce n'est pas du jour au lendemain, c'est du long terme. Petit à petit, on grappille, on s'installe. Mais j'ai encore beaucoup de boulot !
Et l'objectif pour l'année prochaine, c'est de passer la barre des 3% de PDA ?
Je ne m'engage jamais sur les chiffres. Ils sont très aléatoires et imprévisibles. Ce qui est sûr, c'est qu'on ne m'a pas donné d'objectif chiffré. En revanche, il est entendu par tous que la progression doit se poursuivre.
Ce n'est pas rageant quand vous vous dites qu'il n'y a pas si longtemps, vous étiez regardée par plus de 400.000 téléspectateurs sur BFMTV, soit plus de cinq fois l'audience de la matinale de LCI ?
La comparaison n'est pas possible ! Je suis justement partie de BFMTV où la matinale était très installée pour aider à relancer la matinale de LCI. Je suis venue pour ce challenge. Encore une fois, ça va prendre du temps. Et, quand j'étais sur BFMTV, le marché n'était pas aussi concurrentiel. Il n'y avait pas franceinfo, LCI était en payant...
"Il y aura d'autres délocalisations la saison prochaine"
En cette fin d'année, la matinale a été délocalisée à Paris lors de la canicule. C'était une grande première. Il y aura d'autres délocalisations la saison prochaine ?
Ça a été une vraie réussite cette délocalisation. Il y a eu une pleine synergie entre les moyens de TF1 et de LCI. L'équipe de la vidéo mobile de TF1 a fait un travail remarquable. Tous les chroniqueurs ont joué le jeu en se déplaçant sur le terrain. Tout le monde était dehors. L'expérience a été bonne donc, oui, nous recommencerons la saison prochaine. Ce sera événementiel mais nous réfléchissons déjà aux opportunités pour le faire.
Vous parlez de synergies avec TF1. Vous l'expérimentez au quotidien ?
Bien sûr, on se parle quotidiennement. Quand on a besoin d'une équipe pour un duplex, ce sont les correspondants de TF1. On peut reprendre aussi certains de leurs sujets, que l'on retravaille, et inversement. Un bel exemple de ces synergies a été l'interview de Carlos Ghosn, juste avant son incarcération, par François-Xavier Ménage de TF1.
L'année a été particulière avec la crise des Gilets jaunes. Quel a été l'impact sur la matinale ?
Il y a eu un avant et un après. On a consacré une large partie aux Gilets jaunes durant le pic de la crise mais on n'a pas fait que ça. On a essayé d'avoir du recul et du décryptage, conformément à la promesse et à l'ADN de la chaîne. Naturellement, ça a changé la nature de la matinale. Il y avait moins de temps pour traiter des sujets comme le lifestyle par exemple, que l'on a beaucoup fait en début de saison. Il y a eu deux temps cette année mais j'imagine que pour nos concurrents aussi.
Vous fêtez vos dix ans de matinale en télé. Prête pour dix ans de plus ?
Je ne me pose pas la question. En matinale, c'est saison après saison. Je suis incapable de dire si je ferais la même chose dans dix ans.
Donc vous n'avez pas d'idée précise de ce que vous pourriez faire après ?
Je n'y pense pas. Je suis concentrée sur la matinale. Après, je suis une femme de challenge. La matinale de LCI, c'est un challenge. On va relever celui-là et après on verra !