"Ma spécialité c'est de ne pas répondre aux questions directement", précise-t-il d'emblée. Star de "Top Chef" depuis 2020, Paul Pairet n'est plus "le petit nouveau" du concours culinaire de M6 dont la quinzième saison débute ce mercredi 13 mars à 21h10. S'il n'est "pas encore à l'âge de raison", le chef de 59 ans, triplement étoilé au Guide Michelin se félicite de l'arrivée de deux femmes, Dominique Crenn et Stéphanie Le Quellec, dans cette édition anniversaire qui verra les "cheffes" (Dominique Crenn, Hélène Darroze et Stéphanie Le Quellec) affronter les "chefs" (Philippe Etchebest, Glenn Viel et lui). Pour puremedias.com, Paul Pairet est revenu sur cette aventure.
Propos recueillis par Benjamin Rabier
puremedias.com : Pour sa quinzième saison, "Top Chef" change tout. Comment avez-vous vécu cette nouvelle mécanique avec six chefs ?
Paul Pairet : Au début, on n'était pas forcément convaincus. On se demandait si ça allait fonctionner de se retrouver à trois chef(fe)s pour une brigade. On avait peur de se contredire tout le temps et au final ça s'est très bien passé. J'ai beaucoup aimé cette première partie de saison où justement nous avons coaché ensemble.
Je crois que la qualité des candidats de cette saison 2024 a aussi aidé à nous souder. On le dit probablement chaque année mais dès la première émission, on s'est tous dit que c'était un très bon cru. En général, ça démarre moins fort, les candidats sont moins à l'aise et se révèlent à mi-parcours. Là, on a eu un cru de candidats qui était costauds dès le départ.
Comment avez-vous vécu l'aventure dans la brigade grise avec Philippe Etchebest et Glenn Viel ?
C'était très sympa car on s'entend très bien avec l'équipe des comiques comme je les appelle. Cette année, on a décidé de vivre l'aventure jusqu'au bout. D'habitude, chacun a son hôtel mais pour cette saison, M6 nous a pris à tous des appartements dans le même quartier, près de Montorgeuil. On s'est tous retrouvés là-bas, comme ça on était sûr de ne pas se perdre. Et comme Glenn oublie ses clefs une fois sur deux, de temps en temps il a dormi chez moi (rires).
Vous partagez votre vie entre vos restaurants à Shanghai, "Top Chef" et votre restaurant à Paris, "Nonos & Comestibles". Comment faites-vous en termes de logistique ?
Je suis un cas particulier parce que je suis expatrié, je travaille et vis à Shanghaï. Comme il y a trop de contraintes dans les allers-retours et que j'ai ouvert le restaurant "Nonos & Comestibles" à Paris il y a un an, j'organise mon emploi du temps pour me libérer complètement pendant les deux mois et demi que dure le tournage de "Top Chef". Quand je ne tourne pas pour M6, je vais voir mon équipe à Paris. Et de temps en temps, je prends un jour de repos.
Comment définiriez-vous cette quinzième saison de "Top Chef", la cinquième pour vous ?
Il y a l'adjectif officiel, c'est la saison de la maturité (rires). Mais en réalité c'est très difficile pour moi de décrire une saison qui a été particulière notamment à cause de cette mécanique de nouveaux coachs. Je ne saurais pas donner un qualificatif à la saison. C'était intéressant d'avoir un panel de coachs qui était un peu différent. D'avoir cette espèce d'égalité filles-garçons. Ça a beaucoup dirigé la saison.
"Stéphanie Le Quellec nous a scotchés"
Comment s'est passée l'intégration de Dominique Crenn et Stéphanie Le Quellec ?
Parfaitement. Je connaissais très bien Dominique (Crenn). Miss Le Quellec, on se connaissait un petit peu mais pas tant que ça. Elle a vraiment beaucoup de talent. Pour être honnête, elle nous a scotchés. Par la qualité de ses propos, son professionnalisme. Elle a vraiment la belle analyse, le bon propos, au bon moment. Elle a une espèce de talent naturel que je n'ai même pas moi-même après 5 saisons. Elle est impressionnante.
Vous avez du mal à exprimer votre ressenti face caméra ?
Non, je me trouve très bien (rire). Je n'ai aucun mal à exprimer ce que je pense. Mais comme la production pense que je l'exprime toujours de façon trop longue, je suis systématiquement coupé au montage. Notez ça dans votre papier, car c'est très important. Toutes les choses intéressantes que je dis dans 'Top Chef' ne sont jamais diffusées dans l'émission. Par contre, dès que je dis une connerie, c'est gardé. Quand on fait les "dernières chances", je me souviens parfaitement de ce que je dis et à l'antenne quand je regarde M6, je m'entends dire "c'est bon" alors que je parle parfois pendant trois jours.
On dit beaucoup que le milieu de la cuisine est misogyne. Désormais il y a la parité dans "Top Chef". On avance ?
Je ne pense pas que le milieu de la cuisine soit plus mysogine qu'un autre. Tous les collègues que je connais, moi compris, sommes ravis d'accueillir des femmes dans nos brigades. On serait même ravis d'avoir une majorité de femmes dans nos brigades. Dans Ultra-violet (son restaurant étoilé à Shanghai, ndlr) qui nécessite un travail de grande précision, j'ai la seule équipe au monde avec plus de femmes que de mecs. Et je suis ravi. Dans la précision, dans la fidélité sur la durée, je trouve que c'est beaucoup plus facile de travailler avec des femmes. Après, le reflet de ce qu'est la cuisine aujourd'hui c'est que c'est difficile d'avoir des femmes parce qu'elles sont une minorité. La parité ne veut rien dire. Dans le milieu de la cuisine, il n'y a aucune parité hommes/femmes. Il y a 90% de mecs en cuisine pour 10% de femmes. Si on voulait faire une émission qui reflète la réalité de la cuisine, il n'y aurait pas beaucoup de candidates... Dans "Top Chef", on est au-delà de la réalité du milieu et de la place des femmes dans la cuisine professionnelle.
"Aujourd'hui, aucun chef de cuisine français ignorerait la proposition de faire cette émission"
Auriez-vous pu être candidat dans 'Top Chef' ?
Non, je ne suis pas compet', ça me saoule. Je fais l'âne, le bourricot avec Philippe Etchebest parce que c'est un copain et parce qu'il insiste pour que je fasse le truc. Mais moi l'idée de rentrer dans une cuisine avec 45 minutes pour sortir un plat, c'est l'antithèse de la façon dont j'aborde la cuisine. On est très proches pour ça avec Glenn (Viel). On aime bien les choses où on a le temps de réfléchir, d'analyser, de teaser, etc... En direct, qu'est-ce qu'on sortirait ? Si on a de la chance, on sort quelque chose de pas mal mais en général ce n'est pas fabuleux.
Pourquoi avoir accepté de faire "Top Chef" en tant que juré alors ?
J'ai accepté de faire 'Top Chef' parce que je crois qu'aujourd'hui aucun chef de cuisine français ignorerait la proposition de faire cette émission. À l'époque, il y avait une raison commerciale. Je devais ouvrir un restaurant en France mais j'étais inconnu du grand public. C'était une manière de me faire connaître et donc éventuellement de nourrir les projets dans lesquels les gens investissent. Il y avait cette double raison. Il y a aussi eu de la flatterie du fait qu'ils soient venus me chercher à Shanghai. Tout cela mis ensemble fait que j'ai dit oui. Je n'ai aucun regret et je suis content de continuer à le faire.
Comment vivez-vous le côté "émission de télévision" ?
Très bien. J'essaie quand même de me réfréner de faire l'avion mais il y a un côté très naturel chez moi. Par contre, ce que je ne peux pas faire c'est refaire des séquences. Quand ils viennent me voir en me disant "on n'a pas réussi à filmer cette séquence comme il le faut, on va la refaire", là, je dis non. Autant sur d'autres choses je suis docile, autant sur ça non. Je suis un très mauvais acteur.
"Je ne réponds jamais aux questions sur ma vie privée"
Vous refusez catégoriquement d'évoquer votre vie privée dans les médias. Pourquoi ?
C'est un choix. Je ne réponds jamais aux questions sur ma vie privée. J'ai perdu de nombreuses opportunités, toutes les grandes émissions américaines à cause de cela. Mais j'assume. Par exemple, je n'ai pas fait "Chef's Table" parce que je ne voulais pas apparaître avec ma femme et mes enfants. Je n'aime pas mélanger ma vie professionnelle et ma vie privée. Je l'ai fait a de rares exceptions, dans "Top Chef" notamment où on a déjà vu mon fils en train de jouer au football. Mais "Top Chef" est différente des autres émissions.
"Top Chef" est une compétition. Le stress que vivent les candidats est-il représentatif de ce qu'ils vivent en cuisine ?
Le niveau de stress auquel ils sont soumis est extrême. Ce n'est pas le reflet de la vie professionnelle qui est déjà assez intense et stressante... En réalité, la dureté de cette compétition apparaît à peine à l'antenne. Les téléspectateurs pensent que c'est exagéré au niveau du rythme des candidats mais ça ne l'est pas du tout. Il faut vraiment avoir une grande détermination pour faire "Top Chef", une grande santé physique et mentale. C'est pour ça que j'admire beaucoup les candidats.
Mory Sacko a dit de vous que vous étiez un "savant fou". Qu'est-ce que ça vous évoque ?
Venant de lui, je prends ça comme un compliment. C'est très sympathique de sa part. J'ai un souvenir unique de lui et de cette édition parce que c'était ma première. Dans ma première saison, j'avais eu une équipe qui était un peu la dream-team avec Mory, Adrien, etc...
"Ma carrière n'a pas radicalement changé depuis 'Top Chef'"
Êtes-vous resté en contact avec d'autres anciens candidats ?
Celui avec qui je suis resté en contact de la manière la plus régulière possible, c'est Adrien. Parce qu'on était très proche au début. En général, pas mal de nos candidats restent en contact avec nous et/ou nous demandent de passer quand ils ouvrent un restaurant.
"Top Chef" a-t-il eu un impact sur votre carrière ?
Comme ma carrière n'est pas vraiment en France, non. A part quelques Français qui essayent de réserver Ultra-violet , mais il y a dix couverts et quatre mois d'attente, ça n'a pas radicalement changé. Mais pour "Nonos", le fait d'être connu aujourd'hui a facilité la commercialisation.
Vous n'avez jamais remporté "Top Chef". C'est votre objectif pour cette saison 15 ?
Psychologiquement, j'ai remporté toutes les finales (rire). Mon objectif principal n'est pas de gagner mais j'adorerais que l'un des candidats que je choisis au tout début puisse gagner "Top Chef". Je suis vraiment là pour eux. Je me trouve plus sympathique à perdre qu'à gagner. "Top Chef", c'est une compétition. On peut être un super cuisinier et chuter sur une épreuve. C'est super difficile.