C'est une tribune virulente que vient de publier Pierre Torres. L'ancien journaliste français, ex-otage en Syrie, tient à revenir sur les dernières révélations parues dans la presse sur l'itinéraire supposé de Mehdi Nemmouche, l'auteur présumé de la tuerie du musée juif de Bruxelles. Le 6 septembre dernier, le journal "Le Monde" avait en effet révélé que Mehdi Nemmouche "aurait été l'un des geôliers des otages occidentaux détenus" en Syrie. Le quotidien appuyait notamment cette révélation sur les dépositions récentes de certains ex-otages français qui auraient affirmé avoir côtoyé le djihadiste français durant leur captivité.
Dans la foulée, un des ex-otages en Syrie, le journaliste d'Europe 1 Didier François, avait d'ailleurs vivement réagi à l'information du quotidien, la qualifiant d'"irresponsable". Aujourd'hui, c'est donc un autre membre du groupe d'ex-otages français, Pierre Torres, qui a décidé de pousser un coup de gueule. Dans sa tribune confiée au journal "Le Monde" ("J'ai commis l'erreur de collaborer avec les services de l'antiterrorisme français"), le photographe estime que ces fuites n'ont pu avoir lieu qu'avec l'accord de "l'antiterrorisme français".
"Depuis l'assassinat de James Foley, le 19 août, de nombreuses informations ont fuité et de nombreux mensonges ont été proférés. Cela au détriment des familles de ceux encore détenus en Syrie. Les mensonges peuvent émaner de n'importe qui, pas les fuites. Ou plutôt si, nos dépositions ont pu fuiter par n'importe quel bout de l'antiterrorisme français mais pas sans l'aval et l'intérêt de tous" écrit-il, accusateur.
S'estimant trahi par les services de renseignement, Pierre Torres émet l'hypothèse que "l'antiterrorisme français" aurait pu s'être servi de ces fuites dans le but de créer un climat médiatique propice à l'adoption sans encombre de la loi antiterroriste actuellement en discussion au Parlement. Un projet de loi ciblant notamment les Français partant combattre en Syrie et qui prévoit d'accroître les moyens de surveillance des services de renseignement, notamment sur Internet.
Pierre Tores écrit ainsi à propos de ces fuites dans la presse : "Cela relève évidemment de l'opération de promotion. Promotion de quoi ? Nous ne le savons pas encore – promouvoir la nouvelle loi antiterroriste en discussion au Parlement, démontrer que 'les services' servent à autre chose qu'à mettre en examen des adolescentes de 14 ans 'pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste' –, nous verrons bien. Ce qui est certain, c'est que la seule chose qui puisse justifier la mise en danger des autres otages (induite selon Pierre Torres par les révélations du 'Monde', ndlr), c'est que quelqu'un ou quelque institution policière a vu là la possibilité de se faire mousser".
Et le journaliste d'évoquer l'impact médiatique de ces fuites : "Du point de vue des organisateurs de cette fuite, l'opération a bien fonctionné. 'Jeune-délinquant-Arabe-Syrie-attentat-France-terrorisme-antiterrorisme', toute l'artillerie sémantique est déballée afin de finir de nous convaincre que nous avons toutes les raisons d'avoir peur". "On peut donner toujours plus de pouvoirs aux policiers et aux juges de l'antiterrorisme. Pouvoirs qui ne permettront évidemment pas d'arrêter plus de Nemmouche mais qui, en revanche, resserrent encore un peu plus le maillage policier et le contrôle de la population" dénonce Pierre Torres.
Avant de présenter ses excuses pour avoir collaboré avec les services de renseignement sur le cas de Mehdi Nemmouche : "J'admets avoir commis une erreur en collaborant avec le service de police politique qu'est l'antiterrorisme. Cela va à l'opposé des positions et des combats que représente mon engagement de journaliste. Je m'en excuse auprès des familles de ceux que cette négligence a mis en danger", conclut Pierre Torres.