Les chiffres qui gâchent la fête. Quatre ans jour pour jour après l'annonce de la création de Salto, le 15 juin 2018, le sénateur Roger Karoutchi a révélé, dans son rapport d'information sur les filiales et les participations du groupe France Télévisions, repéré ce mercredi par "La correspondance de la presse", une estimation du nombre d'abonnés de la plateforme française de SVOD.
"Le chiffre d'affaires de Salto a atteint 17,1 millions d'euros fin 2021", soit la date du premier anniversaire de la plateforme, écrit le vice-président Les Républicains du palais du Luxembourg. "À la même date, le nombre d'abonnés était estimé à 523.000 dont 397.000 abonnés payants". Autrement dit, 126.000 abonnés auraient profité à cette période du mois d'abonnement gratuit proposé par la plateforme pour recruter de nouveaux publics. On ignore en revanche quelle part de ces abonnements temporaires a été convertie en abonnements pérennes au tarif de 6,99 euros par mois. Contacté par puremedias.com, Salto n'a pas souhaité, comme à son habitude, commenter les estimations publiées par Roger Karoutchi.
En janvier, Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, avait estimé à 700.000 le nombre d'abonnés à la plateforme. Quelques jours plus tard, le chiffre de 500.000 abonnés payants avait été ébruité par la presse. "Il convient de rappeler que Netflix avait atteint 750.000 abonnés en moins d'un an en France lors de son lancement en 2014", met en contexte le sénateur, reconnaissant toutefois que comparaison n'est pas toujours raison. Les budgets des deux acteurs sont effectivement à des années-lumière l'un de l'autre : quelques dizaines de millions d'euros par an pour Salto (250 millions d'euros sur trois ans, selon "Capital"), contre 17 milliards de dollars engagés par le leader américain Netflix et 30 milliards de dollars par Disney.
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Roger Karoutchi se montre néanmoins formel quant au "retard de Salto par rapport à ses concurrentes" tricolores. "Éditeur et plateforme de services de VAD, Canal + dispose ainsi de 8,68 millions d'abonnés. La plateforme arte.tv se situait, quant à elle, en termes d'audience, en quatrième position derrière les géants américains Netflix, Amazon Prime Video et Disney+ au premier quadrimestre 2021".
Pour étayer son affirmation, le sénateur s'appuie aussi sur le taux de pénétration des services de vidéo à la demande au sein de la population abonnée en France. Avec un faible taux de pénétration de 2,50%, Salto est derrière Canal+ (14,30%), OCS (6,10%) et RMC Sport (2,90%). Pénalisée par un système de distribution peu favorable, la plateforme est disponible simplement sur le réseau Bouygues Telecom et accessible seulement depuis avril dernier via Amazon Prime Video.
Après avoir rappelé que les groupes France Télévisions, TF1 et M6 détiennent chacun un tiers du capital de la plateforme, qu'il qualifie "d'échec annoncé", Roger Karoutchi note, par ailleurs, que "le groupe public a fait apparaître (au titre de sa participation aux dépenses de fonctionnement de Salto, ndlr) une perte de 10,9 millions d'euros en 2020 puis de 31,1 millions d'euros en 2021". Une perte marginalement minorée par le fait que "France Télévisions commercialise auprès de la société Salto des droits audiovisuels et enregistre à ce titre dans ses comptes, des reversements au titre des droits cédés (1,6 million d'euros en 2020)", relativise le sénateur dans la foulée.
Roger Karoutchi est enfin catégorique s'agissant de l'avenir de la participation de France Télévisions au sein de la plateforme. Il préconise de "revendre" cette dernière "même en cas d'échec de la fusion entre les groupes TF1 et M6". Jusqu'à présent, le départ du groupe public de la plateforme avait été acté, le 24 mars dernier, seulement "en cas de réalisation de la fusion des groupes TF1 et M6". Les deux chaînes privées sont pour l'instant dans l'attente du feu vert de l'Autorité de la concurrence.
En cas de fusion, "le nouveau groupe (TF1-M6, ndlr) s'engagerait ainsi à racheter la participation de France Télévisions pour un montant de 45 millions d'euros", conclut Roger Karoutchi. "Cette somme correspondrait à l'intégralité de l'investissement de France Télévisions au sein de Salto, chiffre pour l'heure invérifiable faute de précision sur les investissements réalisés en 2022".