France Télévisions accélère sur la fiction numérique. Adaptation d'un format finlandais, la série "Mental", en 10x20 minutes, a été mise en ligne aujourd'hui sur Slash, la plateforme du groupe public à destination des 15/34 ans, popularisée par le phénomène "Skam". Et les projets ne manquent pas pour cette dernière, ni pour france.tv, l'autre antenne numérique, plus généraliste, de France Télévisions. À l'occasion de la mise en ligne de "Mental", puremedias.com a fait le point sur les projets du groupe avec Sened Dhab, directeur de la fiction numérique de France Télévisions, une entité créée l'année dernière.
Propos recueillis par Pierre Dezeraud.
Comment lance-t-on une adaptation sur un sujet psy ?
La décision a été prise grâce au lien très fort entre Black Sheep, le producteur français, et le producteur finlandais. Ce n'est pas tant une adaptation qu'une re-création. Sur les deux premières saisons de "Skam", nous devions coller très près au format original. Sur les deux suivantes, nous avons pu expérimenter un véritable espace de liberté. Nous sommes partis sur "Mental" dans l'idée de nous approprier et de créer le format pour la société française. Si nous avions dû faire une adaptation stricte de la version originale, nous ne l'aurions pas fait.
Il n'y avait pas de "bible" à respecter ?
Si mais, ce qu'il nous reste de la version originale, c'est le cadre - une clinique pédo-psychiatrique - et le fait que les quatre personnages principaux se rencontrent, chacun avec leur souffrance psychique personnelle. Toute l'intrigue a été complètement modifiée. Les personnages ne sont pas similaires non plus. Dans la version originale par exemple, il y a une ancienne infirmière qui se fait interner. Ce n'est pas du tout le cas chez nous. Après, il y a forcément quelques traces des personnages de la version finlandaise mais c'est assez minime. Tout cela fait que je suis un peu circonspect quand je lis : "Après 'Skam', une nouvelle adaptation d'un format scandinave". C'est facile de faire un lien mais les deux séries n'ont tellement rien à voir et les deux modes d'adaptation sont si différents que c'est dommage de le résumer ainsi.
"Je ne pense pas qu'il y ait des sujets qui ne puissent pas être traités sur le linéaire"
Le mal-être psychique et les problèmes de santé mentale chez les adolescents, c'est un sujet
que l'on voit peu dans les séries traditionnelles. Est-ce que le fait d'être une plateforme numérique vous autorise à aller sur ce type de sujet, moins fréquent sur les antennes linéaires ?
Je ne pense pas qu'il y ait des sujets qui ne puissent pas être traités sur le linéaire. Il y a juste une façon d'aborder les sujets selon l'une ou l'autre des antennes. La problématique psy est déjà abordée sur le linéaire. Il y a par exemple "Astrid et Raphaëlle" sur France 2. Nous l'avions fait de manière "légère" dans la saison 3 de "Skam" avec un personnage bipolaire. D'ailleurs, nous étions à ce moment-là en début de production de "Mental". La réponse du public face au personnage d'Eliott dans "Skam" nous a confortés dans l'idée de traiter de cette problématique.
C'est un sujet très délicat. Or, il y a de nombreux ressorts comiques dans "Mental". Les personnages se moquent de la maladie, les spectateurs en rient. C'est une difficulté de prendre le parti de rire de la maladie mentale ?
Depuis le début, j'ai dit aux équipes qu'il ne fallait pas qu'on se rate. Nous n'avons pas le droit à l'approximation et nous ne pouvons pas nous permettre de tomber à côté. Le sujet de base est fort, dur. Il n'est pas question par exemple de stigmatiser une pathologie. Nous nous sommes donc adjoints les services de deux pédo-psychiatres qui ont supervisé l'écriture, le tournage et le montage de la série. Elles se sont assurées du réalisme de la série. Le but de cette série, c'est que des adolescents en souffrance psychique se disent qu'ils peuvent en parler, que ce n'est pas mal et que ça n'a rien d'honteux. Il faut aussi savoir que, plus ces pathologies sont décelées tôt, plus elles ont de grandes chances d'être efficacement traitées voire totalement guéries pour certaines. Par exemple, Maxime Perez Zitvogel, de l'association "Bipolaires et fiers, et fières", nous disait que s'il avait pu voir cette série plus jeune, son parcours aurait peut-être été différent.
Cette personne, que vous citez, a eu un rôle de conseil sur la série ?
Pendant la réflexion autour de la série, puis pendant le montage, nous avons sollicité plusieurs associations pour recueillir leur avis. Nous avons rencontré Maxime un peu sur le tard. Nous avons beaucoup échangé avec lui a posteriori. Par exemple, Maxime trouvait - à raison parce que cette série n'est pas un documentaire - que certaines choses n'étaient pas très crédibles. Notamment sur les habitudes de vie au sein de la clinique, les personnages étant très libres de leurs mouvements. Nous, nous avons besoin de ces petits écarts pour fictionner. Mais ça ne remet pas en cause le reste du discours et de l'intrigue.
Justement, le risque n'est-il pas d'"idéaliser" la clinique comme un endroit où on s'éclate pas mal, comme c'est le cas dans la série, alors qu'on imagine que, dans la réalité, ce sont des endroits un peu plus sinistres.
Précisément, ces endroits ne sont pas aussi sinistres que ce que l'on pense. L'imaginaire autour des institutions psychiatriques est souvent beaucoup plus glauque qu'il ne l'est dans la réalité. Maxime nous disait qu'il avait fait des rencontres en clinique qui ont été très importantes pour son développement.
"Nous ne sommes pas du tout dans la logique de tout capitaliser sur 'Skam'"
On a énormément lu que "Mental" serait en quelque sorte un nouveau "Skam". C'est quelque chose que vous espérez ?
Je ne mets pas du tout la pression de "Skam" sur les épaules de "Mental". Ce sont deux séries complètement différentes. Elles s'adressent certes à un public commun mais ce sont deux propositions tellement éloignées l'une de l'autre que je trouve ça dommage et pas cohérent de les réduire à cette comparaison. Je ne jugerai pas non plus "Mental" par rapport aux audiences de "Skam". C'est une série que nous installons et ce n'est pas non plus l'adaptation d'un format aussi connu que celui de "Skam". Plus globalement, nous ne sommes pas du tout dans la logique de nous dire que, parce que nous avons fait un carton avec "Skam", il faudrait tout capitaliser autour de ça. Au contraire, avec "Mental", on va sur une histoire complètement différente, ce n'est pas le "Skam" de la clinique psychiatrique.
Une saison 2 est envisageable pour "Mental" ?
Pourquoi pas. Nous ne sommes pas du tout fermés à l'idée. Nous verrons comment ça marche.
"Skam" et "Mental" sont deux adaptations venues de Scandinavie. Le format original de "Skam", c'est en 2015. En France, à ce moment-là, on n'a pas vraiment d'équivalence. Comment expliquer ce temps d'avance sur les nouvelles écritures ?
Je ne crois pas qu'il y ait eu un temps d'avance. Il n'y avait, certes, pas d'équivalence à "Skam" en 2015 en France mais nous avions des web-séries. À France Télé, la direction des nouvelles écritures avait bien défriché le terrain depuis 2012 avec par exemple déjà "Le visiteur du futur". D'un point de vue créatif, nous ne nous y sommes pas mis cette année. C'était à moindre échelle et de manière plus expérimentale mais ça existait déjà. On a vraiment poussé en ambition cette année. D'ailleurs, on ne fait plus de web-série, nous avons tourné la page de ce genre. Aujourd'hui, nous créons une offre de streaming complémentaire à celle des plateformes. Le financement n'est plus le même non plus. Dans le groupe, la fiction numérique est bien mieux financée, désormais souvent mieux que les 26 minutes d'OCS d'ailleurs.
Il ne serait donc pas juste de dire que la France a eu un certain retard en la matière ?
Il y a peut-être eu un peu de retard sur les moyens accordés. Mais le retard est désormais largement rattrapé. Il y a peu de pays qui investissent aujourd'hui autant sur les créations exclusivement numériques.
"Nous développons une série réalisée par Abd al Malik"
Il y a une autre série qui arrive sur Slash dès la semaine prochaine. Il s'agit de "Dark Stories" (5x20 minutes). De quoi s'agit-il ?
Cela fait partie des projets que nous avons récupéré de la direction des nouvelles écritures, "l'ancêtre" de la direction de la fiction numérique. On a essayé de "pimper" cette collection en cinq épisodes pour répondre à nos exigences actuelles. L'idée, c'est d'aller explorer un genre nouveau. C'est une anthologie horrifique, de Guillaume Lubrano et François Descraques, qui va de la science-fiction aux histoires de fantômes et de zombies. D'où la sortie pour Halloween. Dans le même ordre d'idée, on développe actuellement une anthologie sur l'apocalypse, avec à chaque fois un producteur et un réalisateur différent pour chaque épisode. Chaque épisode retracera une vision de la fin du monde.
"Derby Girl", la série en 10x20 minutes avec Chloé Jouannet, est toujours destinée à Slash ?
Non, nous la diffuserons plutôt sur france.tv. C'est une série sur une adulte qui veut rester adolescente. C'est très référencé et, en la développant, nous nous sommes rendus compte qu'elle avait plus sa place sur france.tv car elle vise, en termes d'âge, les jeunes adultes soit la cible haute de Slash. Un des nombreux points positifs de la réorganisation à France Télévisions, et de la mise en place des directions transverses, c'est typiquement le fait que, pendant un tournage, on peut se rendre compte qu'une série est plus adaptée à une autre antenne et moduler en conséquence.
Quelles autres nouveautés verront le jour cette saison sur Slash ?
Nous sommes en tournage des saisons 5 et 6 de "Skam", qui seront diffusées en 2020. Nous aurons aussi "Stalk" (10x20 minutes) qui arrivera l'année prochaine. En écriture, nous avons la saison 3 des "Engagés" et la saison 2 de "Last Man". Nous développons également "93 B.B.", un drame qui se passe en banlieue avec un regard assez neuf et bienveillant, écrit par Wallen et réalisé par Abd al Malik. Nous travaillons aussi sur une comédie musicale en 10x20 minutes, produite par Lizland Films et qui est l'un des fruits de notre appel à projet. C'est une comédie musicale qui se passe également en banlieue et qui va suivre l'enquête de quatre jeunes femmes sur l'agression d'une femme par le frère de l'une d'entre elles. En développement, nous avons aussi "Caro Nostra", c'est un titre de travail, une série en quatre ou cinq épisodes de 45 minutes. Ce sera l'histoire de rivalités chez des adolescents ogres.
Vous avez annoncé que le thème central de la saison 5 de "Skam" sera le handicap invisible. Vous ne pouvez pas en dire plus ?
Non, désolé.
"Nous cultivons le secret autour de 'Skam' pour préserver les fans"
Vous ne pouvez pas non plus révéler l'identité du personnage principal de la saison 6 ?
Je veux pas nous jeter des fleurs mais j'ai l'impression que c'est une info médias extrêmement recherchée en ce moment (rires). Bien évidemment, je ne peux rien dire.
Pourquoi ce culte du secret autour des tournages de "Skam" ?
Tout simplement parce que ça fait partie du format et du mode de consommation de "Skam". Nous tuerions tout le concept de la série si nous révélions tout avant. La beauté des séquences de "Skam", c'est le fait qu'elles sont postées en temps réel. On a ce culte du secret car on sait que c'est extrêmement fort et engageant d'un point de vue émotionnel pour nos fans de suivre la série séquence par séquence. N'importe quelle information, aussi minime soit elle, gâcherait cela pour nos fans. On veut les préserver et leur garantir la meilleur expérience possible.
Du coup, vous considérez que c'est du gâchis quand Marilyn Lima (Manon dans "Skam") annonce son départ de la série ?
De manière générale, en France, on a un problème avec la confidentialité. Quand je vois que Netflix est capable de préparer et de monter un unitaire de "Breaking Bad" dans le plus grand secret et sans que personne ne soit au courant jusqu'à l'annonce, je me dis que j'aimerais bien que l'on puisse faire la même chose en France. Nous n'avons pas ce même culte du secret, et donc de la surprise. Pour vous répondre, oui je trouve que c'est dommage parce que ça nuit à l'expérience des fans. Je préfèrerais que tout le monde joue le jeu et garde à l'esprit que nous faisons cette série pour les fans.
Vous avez tourné simultanément les deux premières saisons puis les saisons 3 et 4. Vous procédez de la même manière avec les saisons 5 et 6. Pourquoi tourner les saisons de "Skam" par deux ?
Justement pour pouvoir avoir cette qualité de production, visuelle ou d'interprétation, qui est l'une des signatures de "Skam". On a besoin d'avoir beaucoup recours au cross-boarding. C'est-à-dire que lorsque l'on est dans un décor, on tourne d'une traite toutes les scènes qui ont lieu dans ce décor. C'est ce qui nous permet de pouvoir sortir vingt épisodes aussi rapidement.
"Il est difficile de dire si la saison 6 de 'Skam' sera la dernière"
Pourquoi avoir choisi de prolonger par rapport à la version originale qui s'est arrêtée à la fin de la saison 4 ? La saison 5 sera la première création 100% française.
C'est la première, et à ce jour la seule fois, que ça arrive. Banijay et le réalisateur ont réussi à installer une vraie relation de confiance avec Julie Andem, la créatrice de "Skam", ses producteurs et la NRK. On a toujours joué le jeu avec eux, contrairement à d'autres adaptations. Les discussions pour arriver à cette saison 5 ont été longues mais nous y sommes parvenus. Nous sommes très honorés de leur confiance pour ces deux nouvelles saisons inédites. Outre le fait que c'était juridiquement impossible de le faire sans Julie et la NRK, c'était primordial pour nous d'avoir leur bénédiction.
Vous avez désormais une marge de manoeuvre absolument totale dans le processus de création de ces deux nouvelles saisons ?
Ils sont toujours dans la boucle. On partage toujours avec eux nos idées, envies et axes de développement.
Par exemple, si vous voulez "tuer" un personnage de "Skam", vous avez la liberté de le faire ?
À dire vrai, je ne sais pas, la question ne s'est pas posée. Mais si elle se posait, ça se ferait évidemment en concertation avec eux.
La saison 6 sera la dernière ?
C'est difficile d'y répondre. Ça tient tellement au fait d'avoir la bénédiction de Julie Andem et de la NRK. Nous n'y avons pas encore réfléchi ni même commencé à en parler. Pour l'instant, c'est hyper prématuré. On fait la saison 6 et on verra. Après, l'une des raisons pour lesquelles on voulait faire ces deux saisons supplémentaires, c'était aussi pour accompagner tout notre groupe de jeunes jusqu'à la Terminale et à la fin du lycée. Pour la suite, on se posera la question en temps voulu.
"'Back to Corsica' et 'Kiffe aujourd'hui' pourraient revenir"
"Skam" est une série articulée autour d'une galerie de personnages très différents. On sait que les fans sont très attachés - certains viscéralement ! - à certains d'entre eux. Est-ce qu'on pourrait imaginer un jour un spin-off de "Skam" centré sur un ou plusieurs personnages ?
Ce ne sont pas des discussions que nous avons eu pour le moment. Je n'en sais absolument rien. Encore une fois, ces personnages appartiennent d'abord à Julia Andem. Quoi qu'il arrive, si on voulait en faire quelque chose, ce serait uniquement avec sa bénédiction. Pour être honnête, ce n'est pas du tout en réflexion pour l'instant.
"Stalk", "Skam", "Mental"... Ce sont toutes des séries au format d'environ 20 minutes par épisode. Est-ce que le format court est une condition sine qua non pour capter le public adolescent ?
Pour moi, ces séries relèvent plus du moyen format que du format court, qui dure généralement moins de 15 minutes. Ce n'est pas du tout une condition. "Caro Nostra" sera sur un format d'environ 45 minutes. Nous ne sommes pas du tout limités par le format. On réfléchit d'abord selon l'histoire à raconter. Quand un producteur arrive avec un 10x26' ou un 6x52', ce n'est pas gravé dans le marbre. Tout ça peut être très évolutif.
"Skam" est devenu un produit d'appel pour Slash, avec ses plus de 80 millions de vidéos vues pour les quatre premières saisons. On connaît moins les chiffres des autres séries du catalogue. Quels sont les autres succès de Slash en matière de fiction ?
Nous sommes encore au tout début de la montée en puissance de la fiction numérique sur Slash. "Back to Corsica" a bien fonctionné cet été. Mais c'était plus une opportunité de mettre en avant la création des régions, en l'occurence, France 3 Via Stella. On a également "Kiffe aujourd'hui", du Youtubeur Fahd El, qui a bien marché, en plus sur une cible que le groupe a peu l'habitude de toucher, à savoir les 15-18 ans. Nous avons même touché une population un peu plus jeune.
"Back to Corsica" et "Kiffe aujourd'hui" pourraient revenir pour d'autres saisons ?
On se pose d'abord la question de l'histoire que l'on a envie de raconter. Ce n'est pas juste une question d'audience. Nous ne serions pas partis sur deux saisons supplémentaires de "Skam" sans les bonnes histoires à raconter. Les producteurs de ces deux séries, "Back to Corsica" et "Kiffe aujourd'hui", ont envie de continuer. Tout dépendra des histoires qu'ils nous proposeront.
"Slash n'est pas le salut de France Télé sur les jeunes"
Les séries de Slash sont-elles destinées à tous les supports de diffusion ou vous arrive-t-il de penser une série plutôt pour une consommation sur smartphone par exemple ?
Ça nous arrive, de manière très ponctuelle, de faire du 9/16e. On a une série sur ce format en cours de préparation et à destination d'Instagram. C'est très ponctuel. Toutes les innovations technologiques autour de la narration dépendent de la direction de l'innovation de France Télévisions. Notre travail à nous, c'est de créer des séries qui peuvent être consommées sur tous les devices, tout en ayant en tête qu'une partie significative de notre public peut les consommer sur mobile.
La moyenne d'âge du public de France 2 est de 60 ans. Moyenne qui s'élève à 62 ans pour France 5 et 63 ans pour France 3. Slash, c'est le salut de France Télé sur les cibles jeunes ?
Le salut, non. C'est une vraie marque d'envie et d'engagement sur le public jeune. C'est aussi le cas pour france.tv où la moyenne est plus jeune. Cet effort, réel, sur les publics jeunes, ne se limite pas au numérique. Quand on voit une proposition comme "La Dernière Vague" ou "Une belle histoire" sur France 2, c'est une bonne illustration. À France Télé, il y a une réelle envie, dans toutes les unités, de s'adresser au public plus jeune mais pas de se cantonner au numérique. Et heureusement car si tout le rajeunissement du public du groupe pesait uniquement sur les épaules de Slash, ce serait compliqué. L'enjeu n'est d'ailleurs pas tant celui du rajeunissement que celui de s'adresser à tous les publics, sans exception. Aujourd'hui, nous allons à la rencontre de tous les publics.
Cette saison, vous allez lancer les premières créations originales de france.tv. "Parlement" (10x26') sera la première ?
Ce sera l'une d'elles, oui. La toute première sera "Derby Girl" ou "Parlement", ce n'est pas encore tranché, mais c'est un détail de programmation. "Parlement" est une série dont on attend beaucoup. L'ambition est là, c'est une co-production internationale, avec un budget total conséquent. On espère qu'elle va trouver son public. L'équipe d'auteurs qui travaille sur cette série fait partie des meilleurs scénaristes de France. Les textes sont vraiment géniaux.
En Allemagne et en Belgique, "Parlement" sera d'abord diffusée en linéaire. Ça pourrait être aussi le cas en France ?
La question ne s'est pas posée. Il y a ce réflexe de penser que le linéaire, c'est premium et que le numérique, c'est juste pour l'expérimental. Aujourd'hui, on ne réfléchit plus du tout comme ça chez France Télévisions. On réfléchit avant tout au public que l'on cible avec un programme. En l'occurence, "Parlement" est une fiction premium destinée à une exploitation numérique. On estime que c'est là que ce programme a le plus de chance de trouver son public.
"D'ici 2022, nous espérons faire une vingtaine de séries par an"
Quels sont vos autres projets pour france.tv ?
En écriture, nous avons "Or de lui", un 10x26' produit par Calt issu de l'appel à projets. C'est l'histoire d'un VRP de la France péri-urbaine, au bord de la dépression et dont la femme est sur le point de le quitter. Un matin, il se réveille avec le fantastique pouvoir de pondre de l'or. Nous travaillons aussi sur "Louis XXVIII" (10x26'), produit par agat films & Cie et écrit par Max Donzelle, Géraldine de Margerie mais aussi Camille Rosset, qui a travaillé sur "Irresponsable" et "HP". "Louis XXVIII" est une uchronie qui se déroule dans une France où la monarchie n'a jamais été abolie. Toute la famille royale meurt dans un accident et le prétendant au trône est un jeune adolescent de 16 ans de Lannion qui va se retrouver projeté à la Cour de France. La série va notamment suivre le combat de sa mère pour essayer de gérer un Roi de France de 16 ans. En écriture également, nous avons la saison 2 de "Craignos", la série de Jean-Pascal Zadi. C'est un créateur que l'on adore. Il a complètement auto-produit la saison 1 et nous nous sommes engagés sur la saison 2.
De manière générale, les séries de Slash ou de france.tv peuvent être ensuite exploitées en linéaire ?
Ce n'est pas le but. Quand on pense une fiction numérique, on ne se demande pas si ça peut passer sur France 2 ou France 3. L'objectif, c'est de constituer un catalogue de créations originales de fiction numérique. Ceci étant dit, nous ne sommes pas fermés, au cas par cas et selon les projets, à une éventuelle diffusion en deuxième écran sur une antenne linéaire. Cela peut être fait durablement ou de manière événementielle comme ce soir avec la diffusion, en deuxième partie de soirée, des deux premiers épisodes "Mental" sur France 2. Dans les contrats de production, nous gardons toujours la possibilité de rendre possible la diffusion de nos séries sur le linéaire. On tourne quasiment tout en 4K, tout ce que l'on fait est susceptible de passer en broadcast.
Est-ce qu'une série qui n'aurait pas trouvé son public sur le linéaire pourrait être "récupérée" par le numérique ?
Pourquoi pas, je suis complètement ouvert à cela. "Zone Blanche", qui est une proposition d'une qualité remarquable, n'a pas été un immense succès sur France 2 mais a cartonné sur Netflix.
Quel est le budget précis alloué à la fiction numérique cette année et quelle est la répartition entre Slash et france.tv ?
Pour l'année en cours, nous sommes à 8 millions d'euros de budget, avec une répartition de l'ordre d'environ 70% pour Slash et de 30% pour france.tv. À partir de l'année prochaine, nous serons à l'équilibre entre les deux. Notre objectif, pour 2022, c'est d'essayer de faire une vingtaine de séries par an, dont une dizaine pour Slash et une dizaine pour france.tv. En 2020, nous serons déjà à un peu plus d'une dizaine de séries réparties entre les deux antennes. Pour 2021, nous visons une quinzaine de séries. C'est la trajectoire vers laquelle nous tendons.
Delphine Ernotte a dit récemment, dans une interview au "Monde", que les programmes numériques doivent devenir "la première offre du groupe". Vous piquez de l'argent au linéaire ?
Ce qu'elle veut dire, c'est que france.tv doit devenir le premier moyen de consommation des programmes du groupe. L'objectif, c'est que plus de gens regardent France Télévisions via france.tv que via l'ensemble autres moyens de diffusion. Les programmes numériques sont une partie de cette offre. Ce n'est pas comparable avec l'offre pléthorique - et qui a vocation à le rester ! - des antennes linéaires. L'effort donné au numérique est effectivement inédit et extrêmement ambitieux. Mais il ne se fait pas au détriment du linéaire mais en complémentarité. L'offre de fictions inédites de France 2 et France 3 n'a pas vocation à être déclinante. Elle n'a d'ailleurs jamais été aussi riche et diversifiée. L'ambition, en matière de création, est globale.
Les séries développées pour Slash et france.tv n'auront pas vocation à finir sur Salto ?
Je n'en sais rien du tout. J'imagine qu'il n'est pas inenvisageable que Salto devienne une destination de certains contenus à terme, dans une seconde fenêtre d'exploitation, et rentre dans l'investissement de certaines de nos séries. Quoi qu'il arrive, si certaines de nos séries doivent se retrouver à un moment sur Salto, elles auront d'abord une exposition, la plus longue possible, en gratuit.