Dans la nuit de la Saint-Sylvestre, les 12 coups de minuit n'ont pas seulement sonné l'arrivée de 2023. Le paysage audiovisuel français a accueilli dans le même temps une marque dont le retour, annoncé il y a quelques mois, a été préparé dans le plus grand secret. Quinze ans après sa disparition, Europe 2 a en effet succédé à Virgin Radio le 1er janvier. A cette occasion, Stéphane Bosc, directeur général de RFM et Europe 2, les radios musicales du groupe Lagardère, a accordé un entretien à puremedias.com pour évoquer ses ambitions pour ce nouveau projet.
Propos recueillis par Ludovic Galtier
puremedias.com : Comment se passe cette première semaine pour Europe 2 ?
Stéphane Bosc : Ça se passe plutôt pas mal. Après, on ne va pas se mentir, on est qu'à J+4 après le lancement (l'interview s'est déroulée hier, ndlr), nous avons encore beaucoup de travail, de réglages à trouver. Ce qui est certain, c'est que les gens, ici, sont heureux de faire revivre Europe 2.
"Sur Europe 2, les animateurs ont changé de braquet par rapport à l'ère Virgin Radio"
Ce changement d'identité s'accompagne-t-il de l'arrivée prochaine de nouvelles recrues ?
Peut-être mais c'est beaucoup trop tôt pour en parler. Pour l'instant, on travaille avec les gens qui sont là. Les animateurs ont réussi à changer de braquet par rapport à l'ère Virgin Radio. Ils sont sur un ton plus Europe 2, un ton que l'on a voulu assez libéré. Il n'y aura pas de changements d'ici le mois de juin, c'est sûr. Mais nous resterons toujours ouverts à des opportunités quand elles sont bonnes à prendre.
Un ton plus "libéré" chez les animateurs, qu'est-ce que cela signifie exactement ?
Cela veut dire plus libéré ! Cela veut dire des animateurs qui parlent de musique, qui racontent la musique, qui se lâchent un peu plus, qui sont moins dans un format radio musical classique, consistant à annoncer un titre puis un autre. Sur Europe 2, on essaie d'amener du contenu supplémentaire à chaque "speak", que chaque prise de parole soit accompagnée de quelque chose d'un peu plus épais, d'un peu plus adulte, d'un peu moins stéréotypé.
"Notre cible, ce sont les hommes et les femmes âgés de 25 à 49 ans"
Quelle cible est désormais dans le viseur d'Europe 2 et quel objectif d'audience vous fixez-vous ?
Pour ce qui est des objectifs d'audience, on en veut plus déjà ! L'objectif de notre cible, c'est plutôt les hommes et les femmes âgés de 25 à 49 ans.
Vous avez un objectif d'audience un peu plus précis en tête, j'imagine...
Non. C'est difficile, vous savez, on est dans un marché baissier. Une nouvelle radio prend du temps à se mettre en place. Cela prendra aussi du temps avant que les gens nous connaissent, nous écoutent, déclarent nous écouter... Les objectifs d'audience, c'est toujours très compliqué à donner. Je serai très heureux si très rapidement, Europe 2 monte. Mais vous donner un chiffre comme ça...
La prochaine vague, dont les résultats seront publiés le 12 janvier, sera la dernière de Virgin Radio. À partir d'avril, on pourra observer un premier frémissement ?
Mais je n'en sais rien, en fait ! Vous me posez des questions mais je ne sais pas vous répondre... Pour le sondage d'avril, la radio aura commencé à être sondée à partir du 2 janvier, jusqu'au 31 mars. En trois mois, est-ce qu'il y aura un effet Europe 2 ? J'aimerais bien vous dire oui mais je n'en suis pas certain. J'espère. Ce que je peux vous dire, c'est que je suis très optimiste et qu'on a le temps.
"En reconstituant la famille Europe, on espère au contraire que les deux marques vont progresser"
Europe 2 (1,6% de part d'audience en septembre-octobre 2022, selon Médiamétrie), cette nouvelle identité et l'investissement que cela comprend évidemment, doit repasser, selon vous, devant RFM (2,9% de part d'audience) et devenir la première radio musicale du groupe Lagardère ?
Normalement, compte tenu du fait de la taille de son réseau plus important que celui de RFM, Europe 2 devrait être devant. Donc on espère qu'Europe 2 repassera devant RFM. Mais un équilibre est quelque chose de bien aussi. Ce qui est important, c'est la part d'audience. Ce qu'il faut monter, c'est la part d'audience des deux radios. L'audience cumulée, vous savez, cela ne veut plus trop rien dire. Ce qui est important, c'est vraiment la part d'audience commerciale.
N'avez-vous pas de crainte à ce que cette nouvelle identité soit accolée à Europe 1, une marque en déclin ?
Je ne crois absolument pas que la marque Europe 1 soit en déclin. Je ne sais pas d'où vous sortez cela. Mais la marque Europe 1 n'est absolument pas en déclin.
Je voulais dire par là qu'Europe 1, déjà très basse, perd encore des auditeurs (2,06 millions d'auditeurs et 3,1% de part d'audience en septembre-octobre 2022)...
Qu'Europe 1 ait des petits problèmes d'audience en ce moment, c'est possible mais que la marque soit en déclin, non ! C'est une marque qui a plus de 70 ans maintenant, qui est référentielle sur l'info, sur le sport, sur l'histoire, sur l'entertainment. En reconstituant la famille Europe, on espère au contraire que les deux marques vont progresser et qu'elles vont s'aider l'une et l'autre à croître. Mais la marque Europe 1 en déclin, pas du tout en fait !
"On pense que le buzz que l'on utilise et que l'on produit dans 'Le Morning sans filtre' de manière calculée aura du succès"
Quel a été votre sentiment à la lecture des résultats d'audience de la dernière vague ? "Le Morning sans filtre" de Guillaume Genton a séduit 163.000 auditeurs entre septembre et octobre 2022 (-63.000 auditeurs sur un an). N'avez-vous pas été déçu ?
Pour être déçu, il fallait s'attendre à quelque chose d'énorme. Quand on met une nouvelle matinale en place, il faut énormément de temps pour que les gens adhérent à ce produit-là. Quand vous êtes dans un changement à la radio, vous videz une partie de la salle qui écoutait le programme d'avant, et vous devez attirer puis conserver un public qui va découvrir ce nouveau programme. Et ça prend énormément de temps la radio, ce n'est pas en deux mois, septembre-octobre 2022, que l'on va voir les chiffres décoller. On a le temps. C'est un nouveau Morning, c'est une contre-programmation. C'est différent des autres. Encore une fois, sur ce programme-là, je suis très optimiste.
Quand vous parlez de contre-programmation, que voulez-vous dire exactement ?
Ce n'est pas ce que vous allez trouver chez Manu Lévy, chez Bruno Guillon, chez Difool...
Guillaume Genton est notamment particulièrement présent sur la thématique des médias...
C'est ça ! Puis, on pense que le buzz que l'on utilise et que l'on produit à l'antenne de manière calculée aura du succès. Dans cette émission, il y a aussi énormément de bonne humeur, de complicité, de la musique, du plaisir, des jeux. Il y a tous les ingrédients nécessaires pour une bonne émission de Morning. Encore une fois, les conclusions, on les tirera beaucoup plus tard. On ne fait pas de la télé, on fait de la radio.
Cyril Hanouna produit "Le Morning sans filtre" sur Europe 2 depuis la rentrée. A-t-il vocation à travailler sur d'autres cases de la station ?
Cyril Hanouna est producteur d'émissions de télévision et de radio. Si jamais, demain il nous propose un programme intéressant, on étudiera ça de très près. Après, on est ouvert aux bonnes idées en général. Si des producteurs viennent nous voir pour nous proposer des choses, on étudie tout. Et on a avec Cyril, un rapport très fort. On a déjà travaillé avec lui du temps de "Virgin Tonic" avec Camille Combal, quand il produisait l'émission.
"Dans notre ADN, on a des chromosomes pop-rock très prononcés"
Le son pop rock est votre créneau aujourd'hui...
Du tout, du tout ! Le son pop-rock, ce n'est pas du tout notre créneau. Ça c'est le créneau de RTL2. Nous, c'est "Le meilleur son" (slogan d'Europe 2, ndlr).
Vous n'avez pas fait de communication autour d'une programmation pop-rock ?
Non ! Notre base musicale est pop et pop-rock. Dans notre ADN, on a des chromosomes pop-rock très prononcés mais le claim d'Europe 2, c'est "Le meilleur son", ce n'est pas le son pop-rock. Le son pop-rock, c'est le claim de RTL2.
Justement, c'était ma question : en quoi la programmation musicale d'Europe 2 va-t-elle se différencier de RTL2 ?
C'est une programmation qui va mettre en avant la nouvelle scène, que ce soit française ou internationale mais surtout française. Et puis à côté de tout ça, vous entendrez des titres que l'on n'a pas l'habitude de trouver sur la radio que vous venez de citer ou sur d'autres. Et bien sûr, les auditeurs pourront aussi écouter les grandes icones pop et pop rock qui ont fait leurs preuves tout au long de la journée : Coldplay, Muse, Ed Sheeran. Mais on est vraiment dans une offre avec un équilibre nouveautés-gold (chansons des années 1990-2000 jusqu'en 2020) assez fort...
Comment une radio musicale comme Europe 2 construit-elle sa programmation musicale aujourd'hui face à l'omniprésence des plateformes de streaming, comme Spotify et Deezer, dans la vie du public que vous ciblez ?
On construit une programmation musicale en fonction de la cible que l'on souhaite toucher. Ensuite, avec notre instinct. On connait la musique, c'est notre métier. On sait comment l'ordonnancer. Nous avons aussi des outils qui nous permettent de faire de la recherche marketing pour savoir si un titre est plus aimé qu'un autre, qu'un mix est plus aimé qu'un autre, qu'une cohérence musicale va plus plaire à un auditeur qu'à un autre. Et essayer de fédérer l'ensemble. En ce qui concerne les plateformes, on ne fait pas le même métier. Les plateformes sont un jukebox de musique continu dans lequel vous venez puiser la musique que vous voulez. Nous, on est dans l'accompagnement des auditeurs, on a des animateurs qui vivent avec eux, qui incarnent la radio, qui leur donnent des choses, du plaisir, du service, du divertissement... On n'a pas que de la musique à proposer quand bien même on serait une radio musicale.
"L'émission 'Happy Rock Hours' a permis aux auditeurs de découvrir un MIKL qui savait faire autre chose que de la libre-antenne"
Un mot sur MIKL, qui anime en semaine les soirées d'Europe 2 de 20h à 22h avec "Europe 2 Lab" puis de 22h à minuit avec "Happy Rock Hours". Quelle ambition avez-vous avec lui et en quoi cela a changé depuis le passage de Virgin Radio à Europe 2 ?
MIKL a une très forte propension à écouter du pop rock. Le fait de lui avoir confié depuis septembre les commandes de l'émission "Happy Rock Hours", a permis aux auditeurs de découvrir un MIKL qui savait faire autre chose que de la libre-antenne. On le savait déjà parce qu'on le connaît depuis très longtemps. Il va avoir maintenant deux émissions en journée : dans "Europe 2 Lab", il y aura de l'accompagnement musical mais aussi de l'interview, de la découverte de titres.
MIKL recevra donc régulièrement des invités ?
Dans l'émission, "Le Lab Europe 2", il recevra des gens de la nouvelle scène française et on va découvrir avec eux l'étendue de leur travail. Il va y avoir du live dans ces émissions-là, il va y avoir de la confidence. Tous les ingrédients nécessaires à une émission qui met en avant des nouveaux talents.
"Pour l'instant, un retour d'Europe 2 TV n'est pas prévu"
Quel regard portez-vous sur Twitch et Europe 2 a-t-elle pour projet d'investir la plateforme ?
Absolument. J'ai un regard très intéressé sur Twitch et oui, Europe 2 a vocation à intervenir sur l'ensemble des réseaux sociaux, l'ensemble des plateformes qui peuvent nous proposer un champ d'action nous permettant de montrer notre marque, notre produit. Et notamment sur Twitch, sur laquelle on va commencer à faire des choses beaucoup plus importantes.
Comme ?
Pour l'instant, je n'ai pas d'exemple. Ce sont des projets.
Assistera-t-on enfin au retour d'Europe 2 TV ?
Pour l'instant, ce n'est pas prévu. Si un jour, on a une opportunité et un opérateur qui souhaite faire une franchise ou une licence avec nous pour monter Europe 2 TV, on l'étudiera de très près.