Un cri d'alarme. Président du jury de la 26e édition du Festival de la fiction qui se déroule du 10 au 15 septembre 2024 à La Rochelle (Charente-Maritime), l'acteur Thierry Godard s'est inquiété devant la presse de la "pauvreté des dialogues" des fictions françaises. Lors d'une rencontre organisée ce mercredi 11 septembre avec une poignée de journalistes, à laquelle puremédias.com a assisté, celui qui attend d'être "surpris et ému" par la sélection officielle regrette que des "écoles de dialoguistes" n'existent pas en France.
"Dernièrement, j'ai souvent dû réécrire les textes (des fictions dans lesquelles j'ai joué, ndlr), s'est-il désolé. Je ne parle pas de la construction narrative des fictions, mais des dialogues en eux-même. Nous, les acteurs, on a de plus en plus envie de dire des choses plus importantes que 'passe-moi le sel'. Je trouve que c'est tout ce qui manque à la fiction française en ce moment. On a les techniciens, les réalisateurs, les scénaristes... Il manque juste de bons dialogues. C'est pour ça qu'on adore les séries américaines, anglaises. Je suis persuadé qu'on est capable de faire ça en France. On est là langue de Molière quand même. C'est vrai que si tu viens du théâtre, à un moment donné, le texte te manque".
Thierry Godard s'est notamment remémoré la belle époque d'"Un village français" (2009-2017), la série emblématique de France 3. "Sur ce projet, il y avait quasiment un auteur par personnage. Et on sentait la différence. Je ne changeais jamais un seul mot, une seule virgule. C'est devenu plus rare aujourd'hui, on réécrit nos textes et même nous, les acteurs, les appauvrissons puisque nous ne sommes pas faits pour ça. Ce n'est pas notre rôle de le faire. C'est un vrai métier".
Pour lui, les diffuseurs et les producteurs manquent de "créativité". "On est formaté dans des structures, dans un classicisme, lâche-t-il. On en revient toujours à l'écriture : il faut être culotté, on manque d'audace, il faut aller vers des choses qui nous basculent".
Désormais pensionnaire de la Comédie française où il débutera le 19 septembre prochain dans "Le malade imaginaire" avec Guillaume Gallienne, Thierry Godard envisage ce "tournant dans sa carrière" comme un "signe". "Je commence à avoir un certain âge, donc c'est un retour aux sources. Je retrouve mes premières amours : je vais rejouer des textes que j'aime et que j'ai un plaisir à avoir en bouche", lance-t-il. "J'ai commencé en travaillant sur Molière avec une pensionnaire de la Société française. Puis après le théâtre, j'ai connu la galère, la télévision, le cinéma un peu. Et là, d'un seul coup, le théâtre revient me chercher. J'ai vu ça comme un signe. Le théâtre c'est de l'énergie, du temps, il faut y aller. C'est un tournant parce que ça me remue dans mes acquis, dans ma petite vie tranquille. Là je ne ne vais plus avoir de vie. Le théâtre, c'est des pièces à jouer, des rôles à interpréter, des tournées à enchaîner. Ça réveille".
Président du jury de la 26e édition du Festival de la fiction de la Rochelle, l'acteur de 57 ans dit envisager "cet exercice" avec "bienveillance". "Je vais essayer d'analyser les choses différemment. Je vais essayer de comprendre les tenants et les aboutissants de mon métier. En tant qu'acteur, on passe d'un rôle à l'autre, sans responsabilité. Là, il y a une responsabilité qui oblige à avoir un regard différent. J'attends de moi d'être un président, d'analyser les choses un peu plus finement. Ça bouge dans ma tête. J'attends de rencontrer un autre Thierry Godard que le 'seul" acteur'", indique-t-il avant de rappeler l'importance de ces sélections et de ces prix.
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"Au début de ma carrière, je regardais ces histoires de festivals et de prix avec dédain. J'avais l'impression d'être à l'école qu'on donnait des bons points. Le jour où j'ai reçu un prix, ça m'a calmé. J'ai eu le sentiment que la profession m'avait adoubé. Ce prix m'a permis de gagner en confiance en moi, de continuer ma carrière. On a besoin de ces prix. Jury, président, ça reste des fonctions qu'il ne faut pas prendre à la légère, car il y a des destins derrière. On va peut-être changer la vie d'un producteur, d'un scénariste, etc..." conclut-il. Réponse dans quelques jours.