Interview
Thomas Sénécal (Canal+) : "La courbe des audiences de la F1 atteint des zones inexplorées"
Publié le 10 décembre 2021 à 17:53
Par Ludovic Galtier Lloret | Journaliste
Né en Isère entre le tirage de la première boule noire de l'histoire de "Motus" et la première visite de candidats à "Fort Boyard", Ludovic Galtier est journaliste à Puremédias depuis octobre 2021. Il est passionné par la politique, l'économie des médias et leur stratégie de programmation.
Le directeur adjoint de la rédaction des sports de Canal+ fait le bilan de la saison 2021.
Le point sur le dernier Grand prix de Formule 1 © Benjamin Decoin/Canal+
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Rendez-vous au dernier virage. Diffuseur de la Formule 1 depuis 2013, Canal+ n'aurait pas pu rêver meilleur scénario pour le dénouement de cette saison 2021 de Formule 1. Lewis Hamilton et Max Verstappen, "les Nadal et Federer de la F1", sont à égalité de points au championnat avant le 22e et dernier round ce dimanche 12 décembre à Abu Dhabi (départ à 14h). Avant de conclure cette "saison folle" pour reprendre ses mots, avec 12 heures d'antenne ce week-end et une journée spéciale qui débutera dès 8h15 dimanche, Thomas Sénécal, directeur adjoint de la rédaction des sports, fait une halte au box de puremedias.com.

Propos recueillis par Ludovic Galtier

Affirmer que l'enjeu autour de ce dernier GP est historique n'est-ce pas galvaudé ?
Non, et pourtant "historique", c'est un terme dans l'univers du sport qui est souvent utilisé à tort et à travers mais là, il n'est pas galvaudé parce que c'est seulement la deuxième fois en 71 ans de Formule 1 que deux pilotes arrivent à égalité de points au dernier Grand Prix. La première, c'était en 1974, Emerson Fittipaldi (McLaren-Ford) avait été champion du monde devant Clay Reggazoni (Ferrari). Ça c'est phénoménal, c'est la conclusion folle d'une saison folle, surprenante et au cours de laquelle les courbes de points de Lewis Hamilton et Max Verstappen n'ont cessé de se croiser, tout comme les trajectoires de leurs voitures sur les circuits du monde entier.

Y a-t-il une confrontation entre Hamilton et Verstappen symptomatique de leur rivalité que vous retiendriez cette saison ?
Il y en a au moins cinq en piste, il y en a tous les jeudis en journée médias hors piste. Ce que je retiens, c'est la plus effrayante, c'est l'accident de Silverstone (Grand Prix de Grande-Bretagne, ndlr). On est monté en puissance ce week-end-là, le dimanche il y a vraiment eu un premier tour d'anthologie sur l'un des circuits les plus rapides de l'année et puis il y a eu ce contact, cet accident spectaculaire, heureusement sans gravité pour Verstappen, mais on a eu peur. C'est un dimanche inoubliable à Silverstone qui nous a placé l'affrontement à un niveau non atteint et ce jour-là à Silverstone, je me suis dit : "Ok, ça va être comme ça cette année, tout est possible en 2021". On est vraiment dans l'extraordinaire avec deux pilotes au sommet au même moment et que tout oppose.

Au vu de l'enjeu, Canal+ a-t-il envisagé de diffuser ce final en clair ?
On a un certain nombre de Grands Prix en clair, c'est contractuel avec la Fom (Formula One group, ensemble d'entités chargées par la Fédération internationale de l'automobile de la promotion, de la diffusion et du management des épreuves de F1 dans le monde, ndlr). Nous les avons déjà diffusés : le Grand Prix de France, le Grand Prix du Mexique, le Grand Prix des États-Unis et le Grand Prix de Bahreïn, le premier de la saison. On a utilisé notre quota de Grands Prix en clair contractuellement en 2021 déjà.

D'un point de vue éditorial, quelle couleur allez-vous donner à ce Grand Prix ?
On le prépare depuis des semaines, toute cette semaine était sur nos antennes labellisée "Rendez-vous au dernier virage", petit clin d'oeil à ce que Julien Fébreau dit à tous les Grand Prix au premier virage ('Montez le volume et rendez-vous au premier virage', ndlr). On essaie d'être à la hauteur de cet événement. On est en direct sur Canal+ tout au long du week-end, ce qui est inhabituel pour des essais libres du vendredi. Au programme : 12 heures d'antenne, des rendez-vous additionnels, je prends l'exemple du "Canal Sports Club", l'émission en clair du samedi du service des sports. Elle est doublée dans sa durée, deux heures, elle est spéciale F1. Et il y aura dans la dernière demi-heure un film de la saison que l'on est en train de finaliser. En 28 minutes, on verra tout ce qui a amené Verstappen et Hamilton à se retrouver à égalité de points au dernier Grand Prix.

Au regard de la crise sanitaire, 2021 a ressemblé au deuxième semestre 2020 sur lequel la saison dernière s'était déroulée. Votre travail a-t-il été altéré au cours de ces week-ends en temps de covid, avec une équipe commentateurs basée à Paris et une équipe d'envoyés spéciaux sur les circuits ?
Même si Julien Fébreau et Jacques Villeneuve n'ont pas pu aller sur les circuits autant qu'on l'aurait voulu, je dirai qu'à l'antenne cela s'est peu entendu dans le sens où ils continuaient d'avoir leurs informations, leur vécu, leur expérience, leur connaissance des gens, des voitures, des circuits et des Grands Prix. Maintenant, la porte s'est rouverte, nous avons pu aller tous ensemble sur certains événements, les Grands Prix de France, Belgique, Pays-Bas et Italie. Sur cette fin de saison, en Arabie-Saoudite (3-5 décembre, ndlr) et à Abu Dhabi (10-12 décembre), nous sommes en configuration 2019, ce week-end l'exception c'est Romain Grosjean et moi qui sommes à Paris mais nous avons tellement d'heures d'antenne qu'il faut aussi que le terrain puisse passer le relais aux studios à Paris. C'est hyper positif dans la perspective de 2022. Notre vocation est de couvrir la Formule 1 au coeur du paddock et en immersion.

"Jacques Villeneuve n'est pas langue de bois, il est libre" Thomas Sénécal

Epinglé pour ses prises de position qualifiées "d'anti-Hamilton" sur les réseaux sociaux, comprenez-vous les critiques à l'égard de Jacques Villeneuve ?
Ce que j'entends, c'est que l'on parle énormément du duel Hamilton-Verstappen, il y a les pro, les anti. C'était un peu la même chose avec Prost et Senna (dans les années 1990, ndlr), on était dans un camp ou un autre, et puis parfois on trouvait que tel média était pro-l'un ou pro-l'autre. On reçoit aussi des commentaires de gens qui nous disent que l'on est pro-Hamilton, pro-Verstappen. Tant que c'est équilibré, ça me rassure. Jacques, c'est un authentique, il a connu un dénouement contre (Michael) Schumacher (en 1997, ndlr), le plus grand nom de l'histoire de la F1 peut-être avec Hamilton. Qui d'autre que Jacques Villeneuve peut parler de ces moments 'money time' d'une saison ? Jacques n'est pas langue de bois, Jacques est libre, il l'a toujours été, il l'était en tant que pilote, il l'est totalement en tant que consultant. Ses avis sont toujours argumentés. Je ne sens pas chez lui de traitement de faveur à l'égard de l'un ou de l'autre.

Côté audiences, le dernier GP en Arabie-Saoudite, riche en rebondissements, a fédéré 1,27 million de téléspectateurs. Ce qui en fait la troisième meilleure audience historique pour une épreuve diffusée sur Canal+. Quel regard portez-vous sur ces chiffres ?
Avec 1,09 million de téléspectateurs en moyenne en 2021 pour les Grands Prix de l'après-midi (record à 1,9 million en clair pour le Grand Prix d'ouverture à Bahreïn, ndlr), la hausse est de 13% par rapport à 2020, qui était déjà notre saison record, et de 44% sur deux ans. Nous enregistrons des pics à 1,5 million, pour nous ce sont des zones inexplorées depuis que l'on a repris la F1 en 2013. On s'en réjouit, on a envie d'accueillir le nouveau public du mieux possible, de leur expliquer les enjeux, de leur faire découvrir les personnages, de théâtraliser sans trahir bien sûr mais de proposer un écrin, un cadre à la hauteur de tout ça. On a mille histoires à raconter.

Les audiences de la F1 dépassent d'ailleurs régulièrement celles de certains matches de Ligue 1. Elle est aussi parfois mieux exposée sur les chaînes du groupe Canal+. Avez-vous le sentiment que la F1 est devenue la nouvelle vitrine de la chaîne ?
D'un point de vue audiences, c'est vrai que cette fin de saison et le scénario que cela propose tend à dire que oui. Mais moi je ne suis pas celui qui compare les sports les uns avec les autres. Chacun couvre son sport au mieux avec expertise et passion et on n'est pas dans une compétition interne tous les matins à se dire qui est le sport numéro un, numéro deux. S'agissant du football, il est aussi très bien exposé cette année. Les abonnés et les fans savent toujours trouver nos programmes. La Formule 1 est très bien exposée certes, parce que le plus souvent c'est en début d'après-midi sur Canal+ mais en soirée, ce n'est pas forcément sur Canal+. Je prends l'exemple du Grand Prix du Mexique, il était sur Canal+ Décalé, il a fait près de 900.000 abonnés.

"La série 'Drive to survive' de Netflix, c'est bon pour nous" Thomas Sénécal

Vous évoquiez l'importance de la narration pour fidéliser les téléspectateurs. Dans ce registre, la série de Netflix, "Drive to survive", a contribué à changer l'image de la discipline et de son public. Regrettez-vous de ne pas avoir imaginé une série de la sorte avant la plateforme américaine ?
Pas du tout. On regarde la série, ça nous aide, ça nous apporte un public différent peut-être moins expert, peut-être un peu plus jeune, plus mixte, plus féminin. Ce sont de supers bonnes nouvelles donc on prend cette série vraiment comme quelque chose qui va dans notre sens finalement. Parce que les 22 Grands Prix sont sur Canal+ et pas ailleurs. Plus il y a d'éléments qui convergent pour que les pilotes de F1 soient mieux connus, pour que les dessous de la F1 soient expliqués, pour que les enjeux de la F1 soient mis en scène et dramatisés, plus c'est bon pour nous.
Après, on n'a pas attendu les plateformes pour faire nos contenus, nos documentaires, nos 'inside'. Dans "Grosjean, retour de flammes", on revient en trente minutes sur son accident au Grand Prix de Bahreïn 2020, c'est un documentaire exceptionnel, personne n'a fait mieux pour raconter les 30 secondes où Romain Grosjean est prisonnier de sa voiture et où il joue sa vie. Depuis 2014, on multiplie les documentaires. On n'a aucune aigreur vis-à-vis de la série, au contraire, on est heureux que cela incite un maximum de gens à venir voir les Grands Prix sur Canal+.

"Sur Twitch, Julien Fébreau fait la synthèse entre les mondes de la F1 et des réseaux sociaux" Thomas Sénécal

C'est ce public plus jeune et plus connecté que vous tentez de séduire avec votre chaine Twitch animée entre autres par Julien Fébreau ?
Julien Fébreau, qui a beaucoup d'appétit pour les réseaux sociaux (Twitch, Instagram, Twitter, ndlr), a construit un certain nombre de rendez-vous avec une communauté de plus en plus grande notamment sur Twitch. Jusqu'à 230.000 viewers ont visionné un lundi soir son émission 'Julien debrief'. Il a énormément d'invités, je pense aussi bien à des personnalités de l'univers de la F1, Alain Prost, Jean Todt, Laurent Rossi ou Romain Grosjean, que des gens de l'univers du digital. Les commentaires du live de la course organisé par Gotaga (1 million d'abonnés, ndlr) au Grand Prix de France a rassemblé 50 000 personnes. Julien Fébreau accueille beaucoup de fans de F1, d'experts de F1 de cet univers-là. Il fait la synthèse entre le monde de la F1 plus classique et l'univers digital qui se développe énormément. Ce sont des développements complémentaires à notre plateforme MyCanal. Les téléspectateurs, de plus en plus, activent un deuxième écran via le mode expert. Ils regardent une caméra embarquée en plus, des datas, des temps intermédiaires, des petites informations supplémentaires. Nous, on fait la synthèse entre un nouveau public curieux de Formule 1 et un public hyper expert qui en veut toujours plus.

Quand sera diffusée la rétrospective de fin d'année ?
Au-delà de ce week-end, on prépare dans un premier temps une émission qui sera diffusée le dimanche 19 décembre à 21h sur Canal+. Cela s'appelle "La grille en fête", je serai avec Margot Laffite, avec en invités Fabio Quartararo, Esteban Ocon et Sébastien Ogier, huit fois champion du monde des rallyes. On ne l'a jamais fait encore, il y a que nous qui pouvons proposer de réunir tous ces champions, tous ces pilotes français qui ont fait résonner la Marseillaise. Ils ne vont pas arriver à pied, il y aura leur voiture de rallye, leur monoplace, leur moto. Et en parallèle de cette émission unique, on produit, comme tous les ans nos rétros de fin d'année : des documentaires tout images de 90 minutes sur la F1, 90 minutes sur la moto, 60 minutes sur le championnat du monde des rallyes. Diffusion prévue le samedi 25 décembre à partir de 19h40 sur Canal+ Sport (19h40 : "La rétro Rallye", 20h50 : "La rétro F1", 22h15 : "La rétro MotoGP").

Y aura-t-il des changements dans votre équipe en 2022 ? Vous continuerez, par exemple, à faire de la présentation en alternance avec Margot Laffite ?
Oui. Ce week-end, Pauline Sanzey (journaliste du service des sports Canal+, ndlr), pleine de talents, est avec nous. On est une rédaction ouverte, transversale, Margot Laffite fait d'ailleurs aussi de la moto pour nous, et on aime que le renouvellement se fasse de ce côté-là. Après, nos piliers Julien Fébreau, Franck Montagny, Jacques Villeneuve, Laurent Dupin aux interviews, c'est important de nous appuyer sur eux parce qu'il y a l'expertise, l'habitude, les codes de la F1, la connaissance du milieu. Romain Grosjean nous a rejoint, c'était la nouveauté 2021, et il a été génial avec sa connaissance pointue des voitures, des pilotes, des pneus, des circuits.

Romain Grosjean va-t-il revenir en cabine de commentaires en 2022 ?
Il faut juste s'organiser parce que sa vie personnelle et sportive va s'articuler aux États-Unis. L'intersaison va nous permettre de parler de cela mais bien sûr, on a la volonté de continuer ce que l'on a commencé avec Romain. On n'est pas trop dans les one-shots, si vous regardez notre casting tous les gens étaient déjà là en 2013 au premier Grand Prix en Australie.

"On a une équipe hyper mixte" Thomas Sénécal

Un casting composé bientôt de plus de femmes ?
On a une équipe hyper mixte, on a une cheffe d'édition, Lou van Noort, 26 ans. Elle est à l'oreillette de Julien Fébreau et de Jacques Villeneuve, on a une journaliste reporter, Amandine Morhaïm, qui fait des reportages très en vue, par exemple sur Alpine ou Fabio Quartararo. Sur les rallyes WRC, on a aussi des envoyées spéciales et Guenaelle Longy commente les W Series et sera sur le Trophée Andros pour Canal+ la semaine prochaine. Les journalistes femmes ont déjà une place de choix sur nos antennes et ont toute leur place bien entendu.

Vous avez été à TF1, à la présentation d''Auto Moto' au temps où la Une diffusait la F1, un retour de la discipline sur une chaine en clair est-il souhaitable ?
C'est déjà le cas avec les 4 grands prix en clair dont on parlait. Je crois que les gens qui aiment la Formule 1 savent où la trouver aujourd'hui, elle est extrêmement présente dans l'univers du digital, qui est le clair de 2021 : ce sont les réseaux sociaux, les contenus qui sont visibles sur les plateformes. Je pense que la Formule 1 est très bien où elle est. Canal fait beaucoup pour l'exposer, la rendre plus attractive et la sublimer.

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