Scènes surréalistes mercredi à la télévision turque. La police a pris d'assaut les sièges de deux chaînes, Bugün TV et Kanaltürk, proches de l'opposition au président Recep Tayyip Erdogan. Sous l'oeil des caméras du pays, les policiers ont forcé le barrage des salariés devant le bâtiment à Istanbul à l'aide de gaz lacrimogène et de canons à eau.
Accompagnés d'un des nouveaux administrateurs de la chaîne nommé par la justice, ils sont ensuite parvenus à rejoindre la régie et à interrompre la diffusion. "Nous allons bientôt fermer, c'est une question de secondes", venait d'annoncer le rédacteur en chef de Bugün TV, Tarik Toros. D'après la presse turque, ce dernier a été informé dans la foulée de son licenciement.
Recep Tayyip Erdogan a immédiatement été accusé par l'opposition de vouloir réduire au silence ses adversaires politiques à quatre jours d'élections législatives. Lundi, la maison mère des deux chaînes, la holding Koza-Ipek, avait fait l'objet d'une mise sous tutelle judiciaire par un procureur d'Ankara. Proche de l'imam Fethullah Gülen, ennemi politique de Recep Tayyip Erdogan, la holding est accusée par la justice turque de "financer", "recruter" et "faire de la propagande" pour le compte de l'opposant au régime. Depuis les Etats-Unis, Fethullah Gülen dirige un réseau d'ONG, de médias et d'entreprises qualifié par les autorités turques d'"organisation terroriste".
Après ces évènements, l'Union européenne et les Etats-Unis ont fait part hier de leur "préoccupation". Washington a exhorté son allié turc à "respecter non seulement la liberté des médias mais aussi (...) ses propres valeurs démocratiques consacrées dans sa Constitution". "La situation concernant la holding Koza-Ipek est inquiétante et nous continuons à la suivre de près", a pour sa part commenté Catherine Ray, porte-parole pour les affaires étrangères de l'UE, lors d'un point presse à Bruxelles.