When you're strange : Open The Doors

Un jeune poète chevelu et barbu monte dans une voiture. Sur une route des Etats-Unis, il allume l'autoradio. Une voix morne annonce la nouvelle : le chanteur des Doors est mort. Le conducteur ferme les yeux sans mot dire : Jim Morrison vient d'apprendre sa propre mort.

Monté intégralement à base d'images d'époque (dont beaucoup inédites) When You're Strange possède d'emblée une esthétique particulière et une ambiance morbide sobrement portée par la voix du narrateur Johnny Depp. Tel un testament venant d'être exhumé, le documentaire permet aux spectateurs de se replonger dans les années 60 de manière frontale et surtout violente car « les 60's ont commencé par un coup de feu » à Dallas, dirigé vers un président américain. La jeunesse de Morrison est vite expédiée, et on retrace rapidement la rencontre et la formation du groupe pour aller dans le cœur du sujet : la descente aux enfers de Morrison, et par la même occasion celle des Doors.



Le groupe culte a déjà eu droit à nombreux livres, documentaires et reportages sur son histoire rocambolesque et explosive, jusqu'au film The Doors réalisé par Oliver Stone, qui laissait un Val Kilmer halluciné redonner vie au chanteur pendant quelques instants. Le documentaire de DiCillo arriverait-il trop tard ? Pas du tout.

Abordant un montage rapide et un point de vue bénéficiant de 30 ans de recul, ce film se veut bien plus précis que le biopic et possède une énergie brute et contagieuse. Le chaos exponentiel du montage bascule le simple documentaire dans une virée stroboscopique dans des USA déjà pourris par sa violence et sa haine. Au milieu, Jim Morrison se déguise en « lézard roi », puis en « Jimbo l'alcolo », laissant ses comparses essayer de tenir le navire de cristal d'un groupe qui n'a cessé de couler... vers le succès. Provocations, alcool, drogue... Les Doors tiendront plusieurs années avant de laisser à Morrison le repos dont il a vraiment besoin : la Mort, qu'il aimait tant tenter.



L'issue a beau être déjà connue de tous, la mort de Morrison aura toujours le goût d'un gros gâchis. Si le film de Stone, malgré son incroyable retranscription des concerts, ne rendait pas justice à la personnalité de Jim, When You're Strange le place au centre et en périphérie de tout. Le chanteur, dont le magnétisme crève toujours l'écran, n'a jamais besoin d'être longtemps présent à l'image pour être psychiquement là.

On se sent envahi par le fantôme de Jim avant de s'apercevoir que l'on est hanté par la Mort en personne. L'époque pue la mort, la musique n'est pas du rock mais un chant funèbre. When You're Strange ouvre les yeux aux derniers novices qui pensaient que les Doors n'était qu'une version américaine des Rolling Stones, et permet aux autres de redécouvrir l'histoire tragique et pathétique d'un clown poète et de son groupe illuminé.